Je ne suis pas friand de cet endroit, les espaces clos et sans fenêtres, ça a le don de m’angoisser. Je ne suis pas non plus claustrophobe, pensez-vous la perfection n’a peur de rien, mais je me sens tout de même mal à l’aise en parcourant le couloir de pierres froides. Et ce sentiment ne s’améliore pas franchement lorsque je découvre les oubliettes planquées en bas d’un escalier étroit et court. J’entends presque les cris des suppliciés et je trouve ça franchement morbide de nous faire crécher dans un lieu où des esprits vengeurs se planquent probablement dans le sous-sol, cette vieille peau est décidément une vraie garce. Loin de moi l’idée qu’on puisse nous obliger à dormir dans ce trou à rats, jusqu’à ce qu’elle me soit suggérée par un intrus dont j’ai perçu les pas quelques secondes plus tôt. C’est le gamin tout fou a l’air idiot que je surnommerais "simplet", pour plus de facilité. Et je me dis qu’il se pourrait bien que je me retrouve enfermé ici dans peu de temps. Parce qu’entre vous et moi, je suis le roi des conneries, et mon esprit tordu ne tardera sûrement pas à faire un truc bien vicieux qui va provoquer la colère de la vieille mamie. J’ai déjà songé à couper les cheveux d’une fée dans son sommeil et à piquer les talons de Cordelia pour les glisser aux pieds du travelo pendant la nuit, mais je me suis tenu de justesse. Ce que je ne regrette pas au vue de cette pièce sombre, parce qu’il ne fait aucun doute que même avec toute la volonté du monde, je ne ferai pas le fier. « Ben ouais, j’ai bouffé le bras de l’autre geisha botoxée et la vieille mémé m’a interdit de sortir pendant trois semaines. » Je le fixe tout à fait sérieusement, une lueur presque menaçante dans le regard en m’approchant de lui pour l’obliger à reculer contre le mur –pas trop dur étant donné la taille de la pièce-. « Mais la porte vient de s’ouvrir, à croire que la vieille ne t’aime pas beaucoup. » Genre la mémé a lâché le chien en voyant le petit lutin trottiner dans sa direction, pas certain qu’elle soit aussi sadique quand même. Mais roh putain, je suis sûr qu’il va se pisser dans le froc ce petit naïf. Si l’autre bûcheron avait été là ça aurait pu être un tantinet plus convaincant, mais je ne doute pas de mes talents d’acteur, probablement exceptionnels comme le reste de ma personne.

Dans le genre effrayant on peut mieux faire, parce que l’excité du bulbe n’a pas l’air décontenancé pour un sou. En même temps, il s’attendait probablement à voir ce genre de bestioles, étant donné l’annonce de l’aventure. M’enfin, je suis quasiment convaincu que s’il finissait écartelé sur la place publique, il trouverait le moyen de trouver ça bizarre plutôt qu’angoissant. A son âge, on n’a aucune conscience du danger. A son âge mental, je veux dire, parce que je ne suis pas certain qu’il soit si jeune que ça. A sa tête je dirais dans le début de la vingtaine. Je me demande si je suis le mec le plus âgé de ce jeu, j’ai un peu l’impression d’être coincé dans la cours de récré des maternelles alors que je viens de rentrer dans le primaire, vous voyez. Je ravale finalement mes canines en croisant les bras sur ma poitrine, même pas drôle d’essayer de faire flipper ce nabot, appuyant mon dos contre le mur de pierres. Puis finalement je m’en décolle comme si je venais de me brûler, ne souhaitant pas particulièrement abîmer mes beaux vêtements de marque avec la crasse de ce château. La vieille n’a de fée que le nom, genre la fée du logis elle connaît pas. Et puis je ris doucement lorsque le gamin s’exclame un truc à propos de la botoxée, visiblement ça l’a travaillé. Euk-euk, c’est quoi ce prénom pourri ? Bon sang, d’un coup j’éprouve comme de la compassion pour cette pauvre fille. Ça fait un peu cri de Pokémon, si vous voulez mon avis. Ou de phoque. « Comme si je connaissais son prénom. Y’en a pas trente-six qui avait des lèvres monstrueuses. Juste deux. » Ouais parce qu’il y avait quand même l’autre blonde aussi, qu’on ne l’oublie pas tout de même. Je ne comprends pas pourquoi il s’accuse ensuite de la situation, il a vraiment un problème dans sa tête le type. A tous les coups c’est un enfant battu, on lui a répété toute sa vie que tout était de sa faute, et maintenant il se sent responsable de toute la misère du monde. « Tu sais y’a aussi des gosses en Afrique qui crève de faim, t’es un vrai bâtard. » Je me fous un peu de sa gueule mais bon, il serait bien capable d’y croire vu la tronche qu’il fait. Ou alors il dit ça parce qu’il ne fait que des conneries, et que c’est tout à fait plausible qu’il soit à l’origine d’un bras en moins. A voir. Il m’interroge sur la raison de ma présence en s’échappant –ah il flippe un peu hein ?-, et je hausse les épaules. « Ouais, la vieille fée m’a chargé de cette mission spéciale, histoire de faire disparaître des candidats. Mais bon t’es pas humain alors … » Je prends un air dépité, hyper déçu de ne pas pouvoir contenter les désirs de la maîtresse de maison. En fait je viens de me faire passer pour son clébard, je ne suis pas certain que ce soit une bonne chose. « … j’ai rien à faire ici. A plus mec, traîne pas trop par ici j’ai vu des fantômes. »

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