ft. Amarok

C’est la fin du prime. Ils ont besoin d’air frais. La Vieille Fée a fait son effet, c’est le moins qu’on puisse dire. Nico pense un peu à ses paroles. Il cogite. Un instant il se demande s’il a bien fait de s’inscrire. Quelle idée. Un élan de folie. Mais après il déboule dehors, et il voit le château, il voit le parc, et y’a comme un truc qui le prend aux tripes, au cœur. C’est bizarre, trop d’émotions pour lui. Et à ses côtés y’a Amarok. Arok, comme il se plait déjà à la surnommer. Il lui tient le bras. Réflexe. C’est pas étrange. Pas étrange qu’il l’ait pas lâchée depuis tout à l’heure, quand elle lui a pris la main. Qu’elle lui a dit qu’elle se sentait pas bien. Nico il est comme ça, parfois il est le premier à se prendre la tête avec mille détails insignifiants, et puis parfois il agit juste instinctivement. Sans réfléchir. Spontanément. Et peut-être que oui, peut-être que ça va lui jouer des tours dans l’émission, parce qu’il est pas mature ou des délires du genre. Mais il a confiance. C’est que le premier soir. Ils ont pas besoin de se cacher déjà derrière des masques de pseudo-conquistador. « Ca va aller mieux. » qu’il répète, en tournant un peu le visage vers la jeune femme. Il sait pas trop si c’est pour elle qu’il dit ça, ou pour lui. Un peu des deux sans doute. Nico s’arrête un instant, il regarde ce qui les entoure. Il se sent un peu perdu dans cette nuit noire, dans cet espace qui lui est inconnu. Il se sent comme un gamin paumé le premier jour de la rentrée dans son nouveau collège. Complètement flippé et excité à la fois. Alors il avance à nouveau, et puis il se tourne un peu pour voir si Arok le suit. « On va chercher ce fameux campement ? » Il a besoin de repères Nico, de bien se fixer dans sa tête. Que tout soit clair. Ca l’aide. Et puis il sent qu’il a envie de se poser un peu au calme. Pour parler. Il a l’impression que ça fait mille ans qu’il a pas vraiment parlé. Une vraie pipelette au fond. « Ca fait du bien l’air frais » qu’il lâche enfin, en un sourire. Il bombe son torse, emplit ses poumons. Oui, ça fait du bien, ça fait grave du bien. Alors il continue de sourire.

Il faut être taillé pour ce jeu, faut lui convenir comme il doit te convenir. Plus je me dis ça plus je me rend compte que j'ai clairement rien à faire dans ce jeu. Pourquoi ma famille n'a pas comprit ça comme je l'avais compris à la minute où ma gentille mère à prononcer le mot de ce jeu. Mais non, je peux le faire. Combien de fois je les entendu, ma mère, mes cousines, cousin, tantes... on m'a rien laissé passé comme encouragement ils sont tous défilé à la maison pour me parler. Grimpant dans ma chambre sous le prétexte de me dire bonjour, et puis au bout de deux minutes on parlait de Golden Valor. Au début j'écoutais, mais rapidement c'était le même refrain alors j'ai laissé tombé, j'ai baissé les bras et j'ai accepté de m'inscrire au casting dans l’espoir d'être recalé. Je crois que j'aurais pas du le confier à la fée, elle est sadique cette vieille. Elle veut me voir mourir. Les trucs des binômes ça me stresse, pas être à la hauteur... ça me paralyse, ça me donne la nausée. J’agrippe la main de Nico, comme ça naturellement. Alors que celle de mon partenaire n'est pas très loin, mais il m’apparaît simplement comme un type qui veut me foutre la pression. Je le suis sans un mot, prendre l'air. C'est une bonne idée. Pourtant une fois dehors, j'ai pas l'impression de sentir la brise, ni l'air s'engouffrer dans mes poumon. Je me sens oppressé c'est dingue. Je me sens tellement pas à ma place que ça me démange, je crois que j'ai des plaques rouges sur le torse, je sais pas. Je serais tellement mieux ailleurs, en être consciente ça me tue. Je suis ailleurs, je ne sais pas trop où on est, je le suis c'est tout. Sans rien dire. « Ca va aller mieux. » J'entends, mais ça m’effleure seulement à la surface, j'ai tellement du mal à y croire même si je sais qu'il dit vrai. Paradoxe. Il s'arrête je m'arrête. Je cale une mèche de cheveux derrière mon oreille scrutant n'importe quoi autour de moi sans même pouvoir l'identifier. « On va chercher ce fameux campement ? » Je relève ma petite tête vers Nicola. « Oui allons-y. » Je regarde pour la première fois autour de moi. Je ne reconnais rien, normal. « Tu nous as perdu Nicola ? » Que je lui demande sans une once de remontrance dans la voix. Une constatation pure un simple, qui aurait plus tendance à me faire sourire. « Ca fait du bien l’air frais » Peut être je n'en sais encore rien. Je me détends je crois à le regardé se détendre, c'est comme si ça fonctionnait sur moi. « Oui, ça fais du bien. » Je renchéris sentant l'air s’engouffrer dans mes poumons en même temps qu'il s'engouffre dans ceux de Nicola. « Tout droit ? » Je vois rien. Une vrais sorcière aurait fait quelque chose pour voir plus loin qu'un mètre devant sois, mais j'ai pas cet instinct bine que ça me traverse l'esprit. Gêné je lui souris, comme s'il pouvais savoir que je suis un boulet.

Il regarde le ciel. Ca le distrait un instant. Nico a toujours été fasciné par les nuits étoilées, mais ce soir il n’y a pas d’étoiles. Il n’y a pas une lumière qui brille là-haut. Ca l’inquiète un peu. Alors il tente d’inspirer à nouveau, de laisser cet air frais envahir ses poumons, aérer son esprit. Tout ce noir en vrai, ça lui donne mal à la tête. L’étouffement. Comme si l’espace était fermé. Comme si une énorme bulle de verre entourait ce château. Comme une fatalité. Nico baisse la tête. Pendant un instant il cherche à distinguer le bout de ses pieds, mais même eux semblent effacés par la nuit. Il soupire. Si seulement il était un loup, il pourrait voir, se guider, suivre son instinct. Mais d’un coup Nico se sent simplement inutile, un pauvre humain, un petit gars de 19 ans qui peut trop facilement se laisser bouffer par ses émotions. Par n’importe quoi. Par la nuit. Ca le secoue. Il essaie de prendre conscience de toutes ces pensées, de réagir. Il fait un pas. Fronce les paupières, comme si ça allait offrir une toute nouvelle force à sa rétine. Est-ce qu’ils sont perdus ? Aussi vite ? Nicola se mord la lèvre. Ce serait assez honteux quand même. Il hoche la tête de droite à gauche, lentement. Autant pour lui répondre que pour s’en convaincre. « Non non on va trouver » Mais la légèreté dans le ton de voix d’Arok le détend à nouveau. Il sent son sourire éternel se redessiner sur ses lèvres. Son cœur se faire moins lourd. Ses pensées plus tiraillées s’envoler là-haut. Et quand elle propose d’aller tout droit, Nico se retourne. Il sourit et lui tend le bras, histoire de dire « on est partis ? ». Parce que oui à deux c’est plus simple. C’est encore plus rassurant. Comme une même unité qui affronte la nuit. Et puis il aime bien Nico, sentir une présence à ses côtés. Alors quand Arok prend son bras il reprend la marche. Tout droit. Comme elle l’a indiqué. Il est temps de faire un peu confiance aux autres. Ca va peut-être contre le principe du jeu, de se fier à ses adversaires. Mais c’est franchement pas la préoccupation première de Nico. « T’aimerais être où là ? T’aimerais être en train de faire quoi ? » Outre le jeu. Nico articule lentement, doucement. Ca peut paraître bizarre comme question, ça peut paraître étrange de s’imaginer en-dehors du jeu alors qu’ils viennent à peine d’y entrer. Mais il peut rien y faire Nico, il est curieux. Et ce genre de trucs ça l’aide à s’accrocher à la réalité. Il veut surtout pas se perdre en cours de route. Se laisser étouffer par la bulle.

Trop noir, tout noir, trop noir. Mais si je ferme les yeux c'est pire alors je les garde bien ouvert scrutant la moindre grain de lumière qui me dit que non je ne suis pas enfermé dans l'estomac d'une bête féroce. La bizarrement je peux pas m’évader ailleurs, je crois que si je commençais à rêver je verrais des trucs bien glauques qui vont me foutre les boules alors je tente de rester bien encré à la réalité pour une fois. Je ne sais pas du tout où on est je n'ai pas vraiment regardé par où on est passé, je n'ai pas vraiment regardé autour de nous quand on est sortit du bâtiment, je crois que je serais incapable de faire le chemin inverse. Je me dis alors qu'il va falloir que je revienne de jour, puis de nuit pour ne pas me perdre la prochaine fois qu'on devra se rendre dans le bâtiment du prime. Enfin si je ne suis pas morte entre temps. Sommes nous perdu ? Je le questionne à ce sujet, sans prendre une voix dramatique parce qu'elle va me faire peur, oui ma propre voix et je voudrais pas l'inquiéter outre mesure non plus. « Non non on va trouver » Oui je lui fais confiance là dessus, je suis du genre méfiante mais là je lui fais confiance pour retrouver notre chemin. Bien que techniquement nous sommes adversaires, je viens prendre conscience de ça... merde je veux pas lui faire de mal moi. Je veux faire de mal à personne ici mais surtout pas à lui. Je déteste ce jeu, je déteste ma famille pour m'avoir foutu là dedans, je me déteste pour pas avoir assez de cran pour leur dire non. Comme si j'avais le choix de toute manière c'est sois je les rend fière ici sois je fais mes valises. Je me mord la lèvre inférieur et lui indique une direction, tout droit. Faut essayer peut être que finalement c'est moi qui vais nous perdre. Il m'offre son bras que je n’hésite pas à saisir. Nos voilà partit à la découverte de ce monde étrange. Je le regarde de temps en temps maintenant que le noir m’oppresse moins, que l'air fait son chemin dans mes poumons. « T’aimerais être où là ? T’aimerais être en train de faire quoi ? » J'aime cette question. Littéralement elle m'enlève un poids énorme de mes épaules. Je m'imagine ailleurs. « Dans mon jardin, je crois que c'est l'endroit que je préfère au monde! » Enfin j'ai pas non plus vu tous les endroits du monde, mais j'ai pas besoin quand j'ai un jardin aussi apaisant et beau. « Je serais entrain de lire, ou de parler à mes fleurs, oui je pense que j'aimerais être là bas et parler à mes fleurs. » Je ne sais pas mais j'ai pas l'impression qu'il va me juger pour vouloir faire un truc aussi bizarre, qu'il va me ranger dans la catégorie des folles. Enfin j'espère, après tant pis. « Et toi alors ? » Parce que ça fonctionne dans les deux sens, j'aimerais me plonger dans son univers, mais seulement s'il est beau. Oui il est beau.

Ca lui vient souvent comme ça, de poser mille questions. Nico c’est un petit gars curieux. Mais pas le genre curieux de « oh putain trop cool tes tatoos mec, ils signifient quoi ? », non. Lui c’est plutôt des interrogations comme ça, qui passent, qui volent, tournoient autour de sa tête. Des questions qu’il se pose à lui-même. Et puis par extension il aime bien savoir ce qu’en pensent les autres. Pas tout le monde sûrement, au vue des différentes têtes rencontrées au prime Nico sait qu’il n’aura pas autant de facilités à se laisser évader avec tous les candidats. Mais avec Amarok ça se passe bien. Il sent qu’il y a un truc, peut-être qu’ils sont à peu près sur la même longueur d’onde. Ils réceptionnent leurs pensées respectives. Ca le soulage encore plus de penser à ça. Et quand elle lui parle de fleurs, de jardin, Nico sourit. C’est vrai que ça doit être cool d’avoir un jardin comme ça. Il repense un peu à son deux pièces, rempli à ras-bord de toutes les conneries qu’il a pu amasser ici et là. Il l’aime ce deux-pièces, son petit appart à lui, son coin de paradis. Mais maintenant qu’il imagine le jardin d’Arok, ça lui paraît étouffant. Surtout quand elle dit parler à ses fleurs. Il trouve ça beau Nico, comme image. La liberté. De se soucier de pas grand-chose, de se laisser évader, là, quand elle le veut. Dans ce jardin qu’il imagine aux mille merveilles. « Peut-être qu’il y a des fleurs ici. » Il tourne la tête vers Arok et l’observe pendant quelques secondes. Ce sera sans doute pas la même chose. Mais est-ce que c’est peine perdue d’essayer de retrouver un coin comme celui qu’elle lui a décrit ? Ca serait déjà un premier pas pour se familiariser avec cet endroit, pour essayer de s’y sentir à l’aise. Et non en constant danger. « Il faudrait qu’on aille chercher, demain quand il fera jour. » Il se laisse échapper, un peu comme ça, naturellement. Mais c’est vrai qu’il aimerait bien faire ça, aider Arok a se recréer son petit monde. Ca lui semble un peu utopiste, mais ça part d’une bonne intention. « Et toi alors ? » Nico se mord la lèvre. Il ne sait pas vraiment, et ça l’angoisse plus qu’autre chose. Il avait pensé qu’en entendant la réponse d’Amarok les idées deviendraient claires pour lui aussi. Mais non. Il ne s’imagine plus dans son appartement. Trop étouffant. Ni chez ses parents, avec la présence constante de sa sœur. Peut-être qu’il a bien fait de venir, finalement. Peut-être qu’il a bien fait de se poser cette question. Pour comprendre qu’il n’a pas trop le choix, qu’il est là et qu’il est temps de l’accepter. Mais une idée vient germer dans son esprit. Et d’un coup ça lui semble une évidence. Pourquoi n’y a-t-il pas pensé plus tôt ? « A la mer, j’imagine. Nager, m’épuiser dans l’eau. Aller au large. J’adore ça. » Il baisse un peu la tête, sourit un peu gêné. C’est marrant de parler de tout ça. Mais est-ce qu’il doit avoir honte ? « A vrai dire je sais pas vraiment. Je me sens un peu perdu. J’imagine que c’est aussi pour ça que je suis ici. Pour me construire, me définir. » Y’a toujours cette part du jeu qui le rattrape. Cette réalité trop fulgurante. Il aimerait bien être comme Arok, réussir complètement à s’identifier autre part. Mais c’est pas aussi simple. Alors il continue d’avancer, le regard droit un peu perdu à chercher un point de repère autour d’eux.