Je flânais un peu partout dans le château. Je ne savais pas vraiment quoi faire de mon après-midi. Une sorte de seconde visite des lieux en fait. Un truc qui sert à rien en gros. Je monte les marches, je chantonne, puis j'écoute aux portes aussi, histoire d'avoir de quoi parler ou critiquer avec les filles. Partie bien loin, au coeur de mes pensées, j'oublie de tourner et ne vois pas le mur de pierre qui se dresse devant moi. PAF. « Hiiiii.. » que je couine en me tenant le front. C'est que ça fait franchement mal, j'allais avoir une bosse, ou un bleu. Arf, ça laisse des traces ça. Je regarde un peu autour de moi pour voir où je me trouve. A ma droite se trouve la salle surprise, j'y étais jamais entrée, tiens. Un signe peut-être. Mon subconscient m'a forcé à foncer dans ce mur pour que je visite la pièce, ouais, peut-être bien. Je pénètre les lieux. Une dizaine de matelas se battent en duel, une armée de poufs à leurs côtés. Un matelas vert, je veux un matelas vert. J'en cherche un des yeux. Il se trouve que l'unique matelas vert est occupé, ça va pas ça. Je me dirige vers le type qui s'est assoupis sur le matelas qui m'est destiné. « Eh, toi. » l'interpelais-je assez fort. Pas de réponse. Je souffle et m'accroupis près de sa tête. « Toi, réveille-toi » que je lui ordonne en tapant son front de mon index. Toujours rien. Agacée, je choisis la méthode forte. Je m'assois sans ménagement sur lui et patiente quelques secondes. « On a fait de beaux rêves ? » lui dis-je en souriant sadiquement. « Pousse-toi, le matelas marron t'attend » exigeais-je, fatiguée d'attendre.

Un matelas. Je rêve d’un matelas. C’est vrai, je passe mon temps à dormir quand je n’emmerde pas les candidats, mais cette fois il faut dire que j’ai de bonnes raisons. Le premier quartier me rend nerveux, méchant, aussi j’imagine que si je m’isole dans cette pièce et que je pionce toute la journée, je ne risque pas de perdre les pédales. Je m'endors aussitôt sur le premier que je trouve, le ventre collé au matelas, bien parti pour battre un nouveau record de sieste. Mais c'est sans compter un poids qui s'écrase sur moi quelques minutes plus tard, que je ne manque pas de sentir dans mon demi-sommeil. Je grogne en tournant la tête vers l'intrus, découvrant une brune qui s'est carrément assise sur mes reins. Faut pas se faire chier surtout. Elle sent la louve. C’est marrant, j’avais jamais remarqué qu’elle était l’une des nôtres. Attendez, est-ce que cette fille est la petite sœur de bobonne ? Sa cousine peut-être ? Parce qu’en se basant sur le caractère on pourrait le jurer, même si c’est vrai qu’après examen physique approfondi je suis certain que ces petits yeux flippants ne peuvent pas être de la même famille que ceux de la blondasse. Elle m’angoisse, à me regarder comme ça, alors je me redresse d’un coup en l’éjectant sur le sol par la même occasion, puis me retourne simplement sur le matelas avant de m’y allonger de nouveau. Genre je vais lui laisser la place, elle rêve la pauvre. C’est certainement pas aujourd’hui que je vais me montrer galant, et si je dois lui tordre le cou ou pisser sur le lit pour ne pas qu’elle me le vole, je ne vais pas me gêner. « Eh mais … t’as le même chirurgien esthétique que ta copine bobonne ? » Je lâche en me rendant compte qu’elle aussi à une petite bosse sur le nez. Le truc étrange, c’est que plus je la fixe, plus elle prend de l’ampleur. Wow, elle a vraiment été ratée la pauvre. « Morsure ou héritage ? » Je lui demande à propos de sa nature de loup-garou. Autant savoir si je suis censé me montrer un minimum respectueux ou non.

Pas de réaction mis à part un grognement. Il me pousse sur le côté et se retourne. C'est qu'il m'ignore le type. Comment déjà ? Sullivan il me semble. Eh bien il allait voir. Je retourne à l'attaque. « EH, ON IGNORE PAS » que je crie avant de me jeter sur lui de tout mon poids, atterrissant sur le ventre. J'espère juste que s'il décide de vomir, ce serait pas sur moi. Je me tourne vers lui. « Bon, tu vas être gentil et tu vas me laisser la place maintenant » dis-je tout en essayant de pousser ses jambes hors du matelas, ce qui n'a aucun résultat. Je souffle, fatiguée par l'effort fourni. « Eh mais ... t'as le même chirurgien esthétique que ta copine bobonne ? » Bobonne, c'est qui bobonne ? Attendez, chirurgien esthétique ? Il est en train de suggérer que je suis refaite ? Il commence à m'énerver, lui. « désolé de te décevoir, c'est naturel. On a pas tous la chance d'être beaux naturellement. » Que j'lui lance. Prends-toi ça. « Morsure ou héritage ? » C'est à ce moment que je remarque qu'il est loup. Je suppose qu'un humain ou autre n'aurait pas su deviner ce que j'étais. « Morsure et toi ? » Que je chuchote presque. C'est que j'ai pas vraiment envie de détailler plus. Maintenant je m'y étais faite, mais au début, je ne supportais pas l'idée d'être un loup-garou, sans parler du fait que ma famille m'ait lâchée quand ils ont su. Je bouge, j'en ai marre d'être allongée de travers sur lui. C'est que c'est pas franchement agréable. Je me remets dans ma position initiale, à croupis à côté de lui. Puis j'ai une idée, avec un peu de chance il se laissera avoir. « OH, UN PAPILLON » que je crie d'une voix faussement émerveillée. Ça marche, ça le distrait assez pour qu'il oublie de résister dans les temps. Je le pousse d'un mouvement brusque et m'allonge à sa place. Aaah, enfin.

La peste revient à l’attaque et s’assoit carrément sur mon torse, sur mes abdos en béton plus précisément. Ça va, pas trop mal au cul ? Enfin du coup je lorgne sa silhouette comme je le fais avec tous les candidats avec qui j’échange plus de trois mots. Euh. Je me demande si elle se rend compte de ce qu’elle vient de dire là. Finalement, ne serait-elle pas la sœur de la demeurée ? Je suis certain qu’il y a une histoire de parenté quelque part dans ce château. Parce que ma réflexion concernait la proéminence qui grossit sur son visage, du coup elle vient d’affirmer qu’elle a le nez tordu naturellement parce qu’on n’est pas tous beaux comme moi. « Ah donc ta bosse est naturelle, c’est encore pire. Enfin comme tu dis, on n’a pas tous cette chance hein, c’est cool que tu le prennes aussi bien. » Mais ce n’est pas vraiment le fait de savoir si elle est passée sur le billard qui m’intéresse, si elle ne l’a pas encore fait ça viendra de toute façon. Rien que pour lui donner un regard un peu plus vivant. Lorsqu’elle affirme être un loup-garou par solution numéro deux, je ne peux m’empêcher de froncer le nez. « Ah, moi qui avait peur de devoir être respectueux … » Non parce qu’en fait, elle reste une simple humaine profitant d’un pouvoir dont elle n’aurait pas dû bénéficier si certains loups savaient se tenir. Je crois que ma famille a peur de ça, que je me rende dans le monde des humains pour en mordre un. Si je fais un truc aussi déshonorant, je crois bien qu’ils me foutent à la porte illico. Mais ça parle de papillon, et comme je suis le genre de gars qui se laisse facilement distraire je ne peux m’empêcher de lever bêtement la tête, moment dont elle profite pour se subtiliser à moi sur le matelas. Salope. Je me redresse avant de me vautrer sur elle de tout mon long, et je ne doute pas qu’étant donné sa nature je n’ai aucune chance de l’étouffer. « Mouais, plutôt agréables tes air-bag. » Ah j’ai trouvé, c’est la sœur de Fauve ! Non parce que c’est un peu rembourré tout ça hein. « Attends, t’es sûre que c’est naturel ton nez ? Parce que ça devient vert et jaune … » Je lui fais remarquer en fixant son visage. Un peu commune une ecchymose quoi. Du coup je ne me prive pas pour appuyer mon doigt dessus, espérant lui faire un peu mal pour la punir. Attendez, est-qu’on l’a frappée ? Parce que je suis à peu près certain qu’elle ne l’avait pas ce matin quand elle s’empiffrait de cheerios après les avoir triés par couleur. Il faudrait qu’elle porte plainte auprès de la mémé. « T'as agacé le bûcheron ou quoi ? »

Ma bosse ? Quelle bosse ? Puis il a tout compris à l’envers celui-là, encore. J’aime pas ça du tout. « Va te faire examiner, hein. J’ai pas de bosse moi, mais si t’en veux une, continue, il suffit de demander. » Agaçant, agaçant, agaçant. Un adjectif qui lui allait à merveille. Il fronce le nez quand je lui dis que j’ai été mordue. D’accord, en plus d’être chiant, il se prend pour supérieur maintenant. On aura tout vu, voilà qu’il me dit maintenant qu’il avait peur de devoir être respectueux. C’est que j’allais finir par la lui mettre, la beigne. Pas maintenant, faut attendre un peu, on sait jamais, peut-être qu’il est juste stupide. Je lui envoie mon regard le plus noir. Bref. Je lui pique sa place grâce au papillon imaginaire. Il a peut-être bien une case en moins, finalement, pour se faire avoir avec une vieille distraction comme ça. Enfin sur mon matelas, je ferme les yeux. S’il est intelligent, il va aller sur le matelas marron, comme je lui ai conseillé, sinon il ne dormira pas. Une chose est sûre, je ne le laisserai pas dormir sur le vert. Ugh. On dirait que le péteux a décidé de me faire chier jusqu’au bout. Pas qu’il m’écrase, mais presque. Je fais la moue, outrée. C’est que la position est douteuse, il me prend pour son matelas ou bien ? « Mouais, plutôt agréables tes air-bag. » qu’il commente. « Te gênes pas surtout, vas-y, tâte » que je lui reproche ironiquement. Le type se croit vraiment tout permis. J’allais lui demander de façon peu diplomate de déguerpir de là, quand il commence à me dire que la bosse de mon nez change de couleur. « Heeein ? Décale-toi un peu que j’attrape mon miroir ! » Bleu ? Jaune ? Bondieu, tu m’étonnes qu’il dit que c’est laid. Il appuie dessus le crétin. « AIE, MAIS CA VA PAS ? » que je hurle en repoussant son doigt boudiné. J’en profite pour le pousser un peu aussi, pour enfin atteindre mon miroir. Ca y est, je l’ai. Je le place entre sa tête et la mienne puis j’observe. En effet, c’est laid. AH, je me souviens maintenant, le mur de tout à l’heure. Crotte, je le savais que ça laisserait des traces. « AAH, c’est moche, enlève-moi ça ! » Je le supplie. Il doit bien pouvoir faire quelque chose quand même, non ? « J’te fais un câlin même, ou ce que tu veux, si t’arrive à me l’enlever » Peut-être qu’il a besoin d’encouragements, il a l’air d’aimer tâter. « T'as agacé le bûcheron ou quoi ? » Le bucheron ? Qu’il arrête avec ses noms de codes bondieu, je sais pas qui c’est moi, le bucheron. « J’ai pas croisé de bucheron toujours » que je lui réponds. J’espère qu’il ne va pas me demander pourquoi j’ai cette bosse, parce que c’est pas franchement glorieux de dire qu’on s’est payé un mur.

Sérieux, je peux toucher ? Je suis sur le point de m’exécuter, parce qu’il ne faut pas me le dire deux fois, dirigeant mon index en direction de sa poitrine. Mais je préfère finalement m’intéresser à l’ecchymose qui lui bouffe la moitié du nez, parce que comme indiqué précédemment je me laisse facilement déconcentré. C’est vraiment difficile de rester sérieux quand un truc pareil surgit devant vos yeux, honnêtement. Et au vue de son couinement de souris lorsque je touche le bleu, ce n’est pas agréable. Un sourire s’esquisse sur mes lèvres, le genre de sourire sadique du mec qui aime faire mal, roulant un peu sur le côté pour lui permettre d’attraper son miroir. En fait je suis carrément en train de me marrer, à moitié allongé sur elle en matant son pif déformé par la bosse qu’elle s’est payée avant de rentrer ici. La pauvre a l’air de considéré ce petit bobo comme un véritable crime de lèse-majesté, comme un furoncle hideux, genre ‘cachez cette verrue que je ne saurais voir !’ Mais finalement j’arrive à me calmer lorsque j’entends le mot 'câlin'. « Le bûcheron tu sais, le grand barbu monté comme un cheval. » C’est obligé qu’elle en ait entendu parler. Bref, il faut que je fasse disparaître ce machin moi, alors j’embrasse furtivement son nez avant de hausser les épaules. « Ouais non, en fait ça n’a pas trop marché. » Ouais je sais, je mérite une claque dans la gueule. Du coup je la stoppe avant qu’elle s’exécute. « ATTENDS. J’ai vraiment le remède en plus. » C’est vrai. Dans la poche arrière de mon jean, j’ai les feuilles curatives du bosquet que je suis allé choper le matin-même dans l’espoir de les planquer sous mon oreiller, parce que dans ce château je me fais régulièrement attaquer et je me retrouve avec des blessures tous les deux jours. « Mais j’veux … » Je fais durer le suspense, prenant l’air du gars qui réfléchit intensément. « Un bisou là. » Je désigne ma joue, je suis soft vous ne trouvez pas ? Ça, c’est juste pour l’agacer. « Que tu me racontes l’histoire de ta morsure. » Ouais, je suis comme ça. « Et le matelas vert, évidemment. » Je la fixe en me redressant légèrement. « Enfin après tu peux toujours te trimbaler comme ça et perdre toute ta dignité devant des milliers de téléspectateurs. »

Il se marre, le vilain. Il se fiche vraiment de mon sort ? Je suis défigurée, il devrait un minimum être compatissant, ou m’aider rien qu’un petit peu. « Le bûcheron tu sais, le grand barbu monté comme un cheval. » Barbu, ça fait tilt. Le type qu’on avait dit qu’on raserait avec les filles. On l’a toujours pas fait d’ailleurs. L’ours, celui qui fait peur. Ça ne m’étonne pas qu’il pense que ce soit lui. « Non non, c’est pas lui qui m’a fait ça. » Je reste évasive. Je ne vais certainement pas lui dire pour le mur. Au pire, j’improviserai, je lui créerais une identité flippante, à ce mur. Sans que je m’y attende, l’idiot m’embrasse le nez. Oh. Faut dire, je suis un vrai cœur d’artichaut. Je m’attache très rapidement aux gens et je suis aussi très sensible aux petits gestes d’affection. Mais je ne vais pas lui faire savoir, il ne comprendrait pas que je change de réaction d’un coup, comme ça. Et puis il m’énerve encore quand même, à vouloir me tâter, à me dire que je suis laide, à se marrer et à ne pas vouloir me laisser ce matelas, aussi. C’est que ça fait une longue liste l’air de rien. Je comprends que c’était une tentative pour m’enlever l’horreur qui change de couleur et que ça n’a pas fonctionné. Il me retient le bras, comme s'il avait peur que je le frappe. Ah oui, dans la logique des choses, j'aurais dû le frapper. Il faut vraiment que j'arrête de me laisser avoir par des petits trucs futiles comme ça. Agaçant, agaçant, agaçant. Ça y est, ça revient. « ATTENDS. J’ai vraiment le remède en plus. » Mes yeux s’illuminent. Qu’il le sorte vite, qu’il arrête de me faire attendre, j’aime pas attendre. Mais il ne fait rien. A la place il dit qu’il veut quelque chose en échange. Il en met du temps à la cracher sa requête. Je souffle, je suis pas patiente. Je roule des yeux quand il parle de lui faire un bisou sur la joue. J’allais m’exécuter quand j’entends qu’il n’a pas fini sa demande. L’histoire de ma morsure, qu’il veut. Je n’aime pas parler de moi quand ça touche au personnel. Je fais partie du groupe de gens qui préfèrent écouter les malheurs des autres plutôt que d’étaler sa propre vie. Je soupire. C’est toujours pas terminé. Le matelas vert pour lui tout seul. Rien que ça. Il ajoute que ce serait dommage que je doive perdre ma dignité devant des milliers de téléspectateurs, à cause de ma foutue bosse. Je tire une tête qui doit faire peur, entre l’enfant qui boude, le regard noir et l’air désespéré. Ça fait beaucoup d’un coup, ça doit être bizarre à regarder. « T’es moitié exigeant, toi » que je réponds, embêtée pour le coup. Je réfléchis. Le bisou, c’est facile. Je me redresse sur les coudes et pose mes lèvres sur sa joue. Je reviens à ma posture initiale et lui souris, une chose de faite. Ensuite, la morsure. Il veut que je lui raconte, mais il n’a pas demandé de détails. Je ne me suis jamais réellement confiée là-dessus. J’hésite un peu, puis me lance finalement. « C’était il y a trois ans. J’ai été stupide, je me suis fait avoir bien comme il faut, et il m’a mordu. » J’observe sa réaction. J’ai peut-être un peu trop réduit, à tous les coups il ne va pas être satisfait et m’en demander plus, alors je continue. « En fait, je me suis laissée séduire, alors qu’il s’en fichait complètement de moi, lui. Il voulait juste agrandir sa meute pour la renforcer. Les jeunes loups aiment se battre. Un chef de meute ennemi l’a défié, alors il n’avait pas d’autre choix. » Voilà que je le défends. Faible, t’es trop faible Maia, que je me dis. « Je ne lui donne pas raison pour autant, hein. Je me suis vite enfuie de sa meute, après. » J’essaie de me rattraper pour ne pas avoir l’air trop pitoyable. J’aime pas ça. Il reste le matelas. C’est plus compliqué ça, ce serait comme lui donner la victoire sur un plateau d’argent. Je décide de négocier. « J’suis généreuse aujourd’hui. Une moitié de matelas, ça te va ? » Qu’il n’espère pas plus, c’est déjà beaucoup. C’est bien assez pour un remède que je n’ai toujours pas vu.

Spoiler:

C’est marrant, je n’ai pas l’impression qu’elle va me frapper, et j’imagine que c’est parce qu’elle est encore sous le choc de la vision de sa bosse aux couleurs pastelles. J’ai peu d’espoir de voir mes exigences remplies, en fait je l’imagine déjà me hurler dessus avant de se transformer pour planter ses crocs dans mon cou. J’oublierais presque que toutes les filles de ce château ne sont pas aussi hystériques que la ventouse, et pourtant la louve se contente de faire la moue. Enfin la moue c’est beaucoup dire, parce que ça s’apparente plutôt à l’air d’une gamine constipée sur le point de se tailler les veines. Finalement elle me donne mon bisou sans protester, et je ravale mon air surpris, me la jouant cool genre ‘ouais normal, elle devait en rêver de toute façon’. Ok, il lui reste deux vœux à exaucer à mon génie. Alors je tends l’oreille pour écouter la suite, sur le point de brandir le carton rouge. Si elle croit qu’elle va s’en sortir avec cette explication foireuse. Mais elle poursuit, comme si elle lisait dans mes pensées, rentrant dans les premiers détails. Et en fait, je n’éprouve plus de mépris pour elle, mais plutôt pour ce connard de loup qui est venue la recruter dans ses rangs, comme un soldat à sacrifier sur le champ de bataille. Ce n’est pas la première fois que j’entends ce genre d’histoire triste, mais ça me fait toujours autant grogner. Ces types ne sont que de parfaits abrutis, comme si un humain fraîchement mordu pouvait faire l’affaire pour constituer une armée fidèle. Pour preuve, elle avait déserté à la première occasion. « On a toujours le choix. » Je me contente de faire remarquer en fronçant les sourcils, visiblement contrarié, fixant ses yeux sombres. J’ai bien envie de lui en demander davantage, mais j’imagine que me confier ces quelques bribes a déjà dû lui coûter et je ne m’attends pas à un autre miracle. Alors je hausse les épaules en rebondissant sur sa dernière phrase. « Ouais, en fait t’as envie de rester collée à moi quoi. » Je sais, c’est parfaitement agaçant. « Je comprends. » Je rajoute dans un sourire amusé. Puis je me fais tomber sur le côté, me tortillant légèrement pour attraper une feuille triangulaire dans la poche arrière de mon jean. Je la fais rouler entre mes doigts qui prennent une teinte verte, me redressant sur un coude avant de caresser la peau de son visage à l’aide de mon index. Bon j’avoue, j’étale mon truc un peu plus longtemps que nécessaire, mais elle n’est pas censée le savoir parce que j'adopte l'air super concentré du médecin herboriste diplômé trois fois. « Tadaaaam ! » Je m’exclame alors que sa bosse diminue déjà de volume que le jaune s’efface progressivement. « Par contre tu vas devoir garder ce superbe masque aux plantes pendant au moins une heure. » Et je fais glisser mon index jusqu’à la pointe de son nez, juste pour l’embêter. « Sérieusement, il t'est arrivé quoi ? C'est les effets de la chirurgie qui s'estompent ? » Ça va, je plaisante.

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