Y’a Corde qui gueule à Nico de m’attaquer. Non mais non ! Avant que je puisse protester, je reçois une onde positive, je deviens toute calme, voilà. Je les regarde moitié en souriant, enfin je sais pas trop s’ils le remarquent sous ma forme de loup. Y’a Nico qui demande ce qu’il m’a fait. C’est lui qui m’as fait ça ? J’ai envie de lui dire qu’il a rien fait de mal, mais je peux pas parler. Puis on tombe, d’un coup. Je  hurle à nouveau en secouant les pattes dans tous les sens, j’ose pas m’approcher des autres, de peur de les griffer, on sait jamais. Puis tout s’arrête, comme par magie. Y’a Corde qu’est assise sur le sol en mode relax. Son don m’énerve un peu, à force. Je peux même pas lui gueuler dessus sous cette forme, alors je décide de courir d’un coup, droit devant, vers la porte. Je fonce sur Cordelia en chemin, histoire de faire une petite attaque. Ils vont peut-être me prendre pour une folle, surtout que ça a pour résultat de faire tanguer tout le pont, mais il me faut vraiment des fringues. Je sors comme si de rien était de la salle d’entrainement, file dans le château, puis une fois dans le dortoir saphir, reprends ma forme humaine puis m’habille. Ça fait du bien. J’ai croisé un ou deux candidats en chemin, j’espère qu’ils n’ont pas eu la peur de leur vie. Je retourne rapidement aux entrainements, Corde et Nico n’ont pas bougé et sont toujours suspendus dans le vide, sur le pont invisible. Bon, bon, bon. Pas qu’on commence à se faire chier, mais le pont commence à devenir lassant. « Eh, ça vous dit d’aller dans la foret ? » que je leur demande. Elle m’as l’air cool cette foret. Je trottine presque en chantant, m’engageant sur le sentier. Il faut croire que le don de Nico fait toujours effet. Malheureusement, ma voix mélodieuse fait rappliquer un troupeau de sangliers au bout d’une centaine de mètres. Ils nous chargent. « SANGLIEERS » que j’hurle de toutes mes forces en commençant à courir dans le sens inverse. On est pas assez rapides, ils vont finir par nous rattraper, alors je prends l’initiative de grimper dans un arbre. « Grouillez-vous » que je leur dis en tendant mes mains pour les aider à monter.

Y'a personne qui lui répond. Au lieu de ça Cordelia commence à faire les cent pas. C'est qu'elle a vraiment oublié l'essence de son pouvoir, faut croire. Nico l'observe un instant, puis, lorsqu'elle se reprend, il a un soubresaut. Ils sont dans la merde. D'un coup ça l'angoisse, il regarde le pont sous ses pieds et n'aperçoit que du vide. Ils tombent, putain, ils tombent. Le garçon s'agite, un peu ahuri et halluciné. Non y'a des rochers en bas, ils peuvent pas finir écrabouillés. Il entend les autres gueuler à leur tour. Ca dure de longues secondes, trop longues à son goût, cette chute libre. Et enfin ça s'arrête. Comme s'il s'écrasait par terre. Comme s'il reprenait contact avec la réalité. Nico est accroupi par terre, les mains collées contre le pont. Livide comme pas possible. Quand il relève la tête, Maia n'est plus là. Il lance un regard interrogatif à Cordelia, convaincu qu'elle y est pour quelque chose. Malgré son rythme cardiaque encore trop accéléré, il se relève, tâtonne et fonce vers la rambarde. Y'a le pont qui tangue énormément. Il jette un regard par-dessus mais pas de signe de la louve. Elle est où ? Son interrogation ne dure pas à l'infini. La porte s'ouvre à nouveau. Putain si c'est encore Sara... " Maia  " qu'il murmure. Ouf. Elle propose de bouger vers la forêt. Ouais ça le tente carrément. C'est qu'il commence à ne plus en pouvoir de ce pont invisible. Il file, Nico. A la suite de la louve. Et en passant près de Fauve il exerce une petite pression de son pouvoir sur elle. Si elle se retrouve un peu perdue, y'a moyen qu'elle fasse réapparaître le pont, non ? Parce que ce serait quand même pratique que le truc redevienne visible, pour quand ils sortiront de la forêt, voyez ? Bref. Ils s'aventurent. Y'a des espèces de bruits chelous dans cette forêt. Mais c'est tant mieux, ça apporte un peu de suspense. Maia se met à gueuler. Sangliers ? Par réflexe ils se mettent tous à courir. C'est pas facile quand le chemin est infesté de racines et autres obstacles dérangeants. Nico se prend une branche d'arbre dans la tête qui le ralentit un peu. Bordel de merde. Il va se faire rattraper, c'est certain, ces conneries sont apparemment entraînées à courir le cent mètre. Faudrait les inscrire aux JO. Mais il repère Maia qui est grimpée dans un arbre. Nico bifurque et dévie de chemin avant de sauter sur le tronc et de s'accrocher aux branches. Il attrape la main de la jeune femme qui l'aide à franchir les centimètres pour se mettre à l'abri. " Fiou. " On a eu chaud. Enfin. Y'a l'arbre qui se met à bouger. " Bordel c'est quoi ça. " Les branches s'agitent. Comme des montagnes russes. Dans deux secondes ils s'écrasent par terre, c'est certain.

Ooouutch, je crois que le coup de la pierre, ça lui a pas franchement plus à Nicola. Faut dire, je doute que quelqu’un kiffe vraiment se ramasser une pierre par la tronche. Quoi que. Y’a bien des gens bizarres hein. Je lève les yeux. Je vois Maia. Je vois Cordélia. Et je me mets à hurler. « M’APPROCHEZ PAS JE VOUS JURE JE FAIS UNE CONNERIE SI VOUS M’APPROCHEZ ME TOUCHEZ PAS ME TOUCHEZ PAS ! » je recule comme une malade, style, bien collée contre la porte d’entrée, je cherche même la poignée pour me barrer, voyez. Y’a Cordélia qui se barre en courant, qui revient, qui s’en prend à Maia, et je trouve pas cette putain de poignée pour m’enfuir. J’aurais jamais cru vouloir fuir Cordélia et Maia comme ça moi hein, mais là, c’est pas possible, ELLES SONT FLIPPANTES. Et puis. Et puis je tombe. J’hurle à en crever. Le pont, il est plus supposé être invisible, je le touche plus PUTAIN il est où ce pont ! Je suis à deux-doigts de la crise cardiaque, je crois, d’ailleurs, ça y est, je chiale, ma peur du vide me revient en pleine face comme une grande claque, et je peux rien faire, rien du tout, juste à subir ça, et je vais crever comme une conne en m’écrasant le crâne contre un rocher, PUTAIN DE MERDE. Je sens mon corps tomber, longtemps, beaucoup trop longtemps, et je n’ai qu’une seule certitude, à vrai dire : je vais en mourir. Et puis plus rien. Je suis sur le pont, je m’y cramponne, et y’a Cordélia qu’est tranquille, la seule, d’ailleurs, vu la tête de Maia et de Nicola, je ne suis pas la seule à avoir ressenti ce truc. Sauf que je ne m’en remets pas. Physiquement, déjà, parce que mon cœur est limite sur le point d’exploser, là, et je suffoque, je crois. Et je continue de chialer. Comme une conne. Comme une abrutie qui flippe pour un rien. Ils partent tous dans la forêt. ON PEUT ? Ça aurait pas mieux de se battre là-bas plutôt que sur ce putain de pont, non ? Oh putain. Je ne suis pas foutue de me relever. Je viens d’essayer, mais ça ne marche pas. Mes jambes ne tiennent pas. Putain de merde, ils me laissent seule les bâtards. Faut que je sorte d’ici, de ce fichue pont, et je dois proche de la porte, alors il est hors de question que je traverse TOUT le pont pour aller dans la forêt. Bon allez. Respire Fauve, tout va bieeen. Il me faut bien dix minutes pour parvenir à retrouver un rythme cardiaque acceptable. Je veux mourir. Y’a des caméras en plus. J’ai dû me prendre la honte de ma vie. Putain. Il me faut encore quelques minutes pour arrêter de pleurer comme la dernière des connes et pour me relever, et me barrer d’ici, vite fait.

Je suis contente de mon coup, ils ne s’attendaient pas à quelque chose comme ça, Nico est recroquevillé sur le sol, Fauve est morte de peur et Maia, on s’en fout. Elle se casse d’ailleurs, suivie d’une Fauve terrorisée. Merde je crois que je suis allée un peu trop fort avec la persuasion cette fois en fait. La louve refait son apparition, sous sa forme humaine. Je lève les yeux au ciel lorsqu’elle décide d’aller visiter la forêt. Mais je suis quand même le couple, faisant attention aux endroits je pose les pieds, je n’ai pas envie de tomber, ou de marcher sur une bestiole qui risquerait ensuite de m’attaquer. Je suis un peu à la traîne, Maia devant nous hurle. « SANGLIERS » Quoi ? J’ai un temps de réaction assez faible je dois dire, les deux courent vers un arbre et grimpent dessus pour sauver leurs fesses pendant que le troupeau de sanglier fonce dans ma direction. Je cours vers l’arbre ou Nico & Maia viennent de se percher, je tends la main, mais c’est trop tard, je n’ai pas le temps de monter. Alors je cours, je cours aussi vite que je peux, aussi loin que je peux et me jette dans un buisson pour me cacher. C’est malin ça… J’vais mourir c’est sur. Cet entrainement va m’être fatal.