Breiv recherchait la fraîcheur en ce début de soirée en pleine mer. En mal de son pays, l’océan, et s’étant promise de ne pas y sauter trop tôt, elle faisait en sorte de trouver toute sorte d’excuse pour pouvoir se rapprocher de la mer sur laquelle glissait le navire. Elle n’aimait guère ce type de voyage, à vrai dire cela constituait même pour elle une sorte de torture maquillée gentiment. Mais elle ne s’en plaignait pas : après tout, elle n’était pas là pour se la couler douce. Elle était bien décidée à mettre de côté ce type de caractère. Elle était allée chercher un petit gilet dans sa cabine avant de se rendre sur le pont où elle comptait faire quelques pas. Elle inhala l’air qui lui rappelait ces instants passés au creux de la mer et son ventre se serra. Elle se concentra pour penser à autre chose et, automatiquement, son regard fit l’inspection du pont pour observer les personnes qui s’y trouvaient. Une seule. Voilà qui était étrange. D’autant que cette personne-ci faisait bien en sorte de se trouver à l’ombre, sous quelques constructions. Intriguée, Breiv se rapprocha et prononça : « Bonjour » avant de se rendre compte que la peau de cette personne luisait étrangement. OH NON. Par les chaussettes sales de Merlin, elle se jetait dans la gueule du loup ! Ou plutôt NON … sous les crocs d’un VAMPIRE. Elle fit quelques pas en arrière, apeurée. Elle allait la bouffer, lui sauter dessus, la déchiqueter, OU PIRE, observer les parties de son corps dans lesquelles elle voudra croquer une fois la nuit tombée !  Parce qu’en plus elles dormaient dans la même cabine. OH MON DIEU. C’était une ca-tas-tro-phe, elle était perdue. Perdue. Perdue. Et bien sûr, cela se voyait sur son visage tendu. Oh, elle devait faire bonne figure, pour ne pas attiser les envies carnivores du vampire. OH MON DIEEEEEEEEEEEEEEEU. Breiv fit volte-face et commença à courir sans réfléchir… Si bien qu’elle se prit les pieds dans une corde et qu’elle trébucha, tombant la tête la première par terre. Aïe.  

Je suis tranquillement sur le pont lorsqu’une blonde entre dans mon champ de vision, je m’apprête à engager la conversation, genre comme toute personne civilisée, lorsque celle-ci se met à courir dans la direction opposé. Euh ... que se passe-t-il ? Un exercice d’évacuation ? Non mais j’aimerais comprendre quand même ! Elle est presque stressant la blonde, là. « C’est quoi ton délire ? » Je lui demande en fronçant les sourcils en alignant quelques pas dans sa direction, je ne comprends pas. Je la scrute un instant et il me semble lire de la peur sur ses traits, oui, c’est bien cela. Je penche légèrement la tête.  Elle est sérieuse ? Ça m’étonne plus que ça me vexe, la prochaine fois, je sors les crocs, au moins, ça sera un minimum crédible quoi. « Non mais j’vais pas te boire. » Je la rassure avec un bref sourire, je hausse les épaules. J’viens de manger il n’y a pas longtemps en plus. « Si c’est ce que tu penses, c’est dépassé, antique. Ou presque. » Je lui informe, cela bien longtemps qu’on ne saute plus sur les humains pour s’abreuver de leur sang, c’est même has been carrément. En tout cas, grâce au progrès, on ne fait plus cela. Elle vit où pour ne pas être au courant ? Elle faisait une retraite spirituelle loin de tout ? Je ne sais pas. Je lui tends ma main pour l’aider à se relever, elle croise mon regard acier. Je dirais même vu la situation, elle ose. « Tu sais ce qu’on dit, il ne faut jamais regarder un prédateur dans les yeux. » Je lui dis en me moquant gentiment parce que oui, clairement, je ne suis pas habituée à ce genre de réaction lorsqu’on me croise.

Breiv avait réagi comme elle pouvait face à la vue d’une vampire : une de ses plus grandes phobies. A vrai dire, elle pétait carrément un plomb à chaque fois qu’elle voyait un vampire, persuadée qu’il allait lui sauter dessus et lui lacérer le coup de ses crocs acérés. Bref, il fallait dire qu’elle ne s’était guère renseignée concernant les races vivant en milieu terrestre et qu’elle se fiait uniquement aux dires de ses aînés qui lui avaient conté de nombreuses histoires lorsqu’elle était gosse. Ainsi, elle en était venue à avoir une peur bleue de ces créatures sanguinaires. Mais la vampire devant elle ne semblait pas comprendre pourquoi elle réagissait comme ça. Breiv se demanda un instant si ce n’était pas une stratégie pour mieux pouvoir la prendre par surprise mais, de toute évidence, la vampire marchait vers elle sans montrer de signe indiquant qu’elle allait lui sauter dessus ou même qu’elle avait envie de croquer dans son cou. Breiv fit donc en sorte de se détendre d’autant qu’elle se sentit assez idiote quand la fille lui expliqua qu’en fait les vampires ne buvaient plus le sang humain. « Ah bon ? ça ne se fait plus ? Je… Ouah, désolée. Je pensais que t’aller me sauter dessus et me bouffer le cou… Je… Ouais, je sais c’est bête. » Elle ne savait plus trop comment expliquer son comportement. D’autant que la vampire se moquait un peu d’elle à présent – et elle avait bien raison. Breiv tenta de sourire. « Désolée. Je n’ai vécu que dans l’océan jusqu’à maintenant et donc j’avoue que je ne suis pas vraiment à la page niveau nouveautés du monde magique. » Voilà qui devrait suffire.

C'est vrai que l'on a souvent en tête l'image du vampire buveur de sang, enfin, ce qu'on était à la base, mais on a toujours une image violente, celle des crocs plantés dans le cou -aller savoir pourquoi on pense toujours à cette partie du corps- mais ce n'est plus le cas. Enfin je pense que la petite blondinette n'est pas encore bien à jour quand même. Sa réaction est disproportionnée. Enfin un peu quoi. Du coup, elle s'embrouille et tombe dans la précipitation. La pauvre. Je me demande comment je peux lui inspirer la peur, sérieusement. « Non, non. » Je me répète alors. « C'est presque un peu cliché. » Je vais même dire, je hausse les épaules. « Je ne pense pas qu'on me laisserait bouffer un candidat la première semaine, ni après.  » Je la rassure alors en souriant. Et puis je sais me contrôler, enfin, presque, mais en général, je gère plutôt bien. Mais bon l'erreur est humaine, bien que je ne le sois plus quoi. Bon demoiselle ? Tu comptes rester par terre toute la soirée avec tes petites yeux comme ça ? Apparemment oui. Du coup, je m’assois moi aussi le pont, pour être à sa hauteur, comme ça je ne suis pas obligée de baisser constamment les yeux. Elle va même jusqu'à s'excuser, ouais c'est pas bien grave. Il n'y a pas mort d'homme, si je puis dire. « Moi non plus sauf quand elles me concernent. » Je lui avoue alors enfin le sang synthétique existait déjà quand je suis morte donc la question ne se posait pas vraiment. « Sinon ton p'tit prénom, c'est ?  » Je lui demande alors parce que j'aimerai enfin savoir à qui je m'adresse quoi, je pense que c'est légitime, non ?

Le calme s’installa de manière plus importante dans l’esprit de Breiv. Comment avait-elle pu s’emporter de la sorte ? Et surtout, comment avait-elle pu encore croire que les vampires buvaient le sang humain à la nuit tombée ? Il fallait vraiment qu’elle se sorte de la tête toutes ces histoires que ses frères, et autres, lui avaient raconté alors qu’elle était encore une enfant. Tout cela restait ancré et créait des phobies, des peurs et… des instants comme celui-ci sur le pont. La Vampire devait prendre Breiv pour une folle dingue sortie d’un trou, de nulle part. D’ailleurs, elle avançait plusieurs raisons selon lesquelles elle ne pouvait guère lui sucer le sang. Il semblait qu’elle tentait de rassurer la sirène, alors encore au sol. Celle-ci la regardait, un peu hébétée, avant de se relever. Elle épousseta ses habits. « Désolée pour cet… épisode. » Hum. Voilà qui serait dur à faire oublier. Pour la Vampire elle serait toujours la fille qui était partie en courant et s’était prise les pieds dans une corde. Pathétique. Breiv se sentait pathétique. Mais la Vampire ne semblait pas tellement avoir envie de se moquer d’elle. La sirène resta à une distance assez raisonnable – tout de même, autant ne pas tenter le diable – tout en écoutant la blonde lui poser une question. Elle lui demandait son nom. « Moi c’est Breiv. Enchantée. Même si je n’ai pas trop fait bonne impression » Allez tu peux le faire Breiv, tend ta main. Exploit, la sirène avait réussi à tendre sa main en guise de salut vers la Vampire. « Et toi ? » demanda-t-elle, un peu gênée par la situation présente.

Elle a beau s'excuser pour ce qu'elle vient de faire, je remarque bien qu'elle prend bien soin à ne pas m'approcher, je ne suis pas conne. Ecoute casse-toi alors ! Ou éloigne-toi à dix mètres, on se parlera de là-bas. Ridicule. « Tu es sérieuse ? » je lui demande en sifflant alors, fronçant les sourcils, clairement agacée par son attitude de peureuse. « Essaie au moins d'être discrète. » Je lui conseille parce que ce qu'elle fait me donner l'impression que je suis un monstre près à lui sauter dessus. C'est l'image qu'elle me renvoie de moi. Je ne pense pas qu'elle s'en rende compte là. C'est usant. J'ai beau lui dire que non, je ne vais pas la boire, la manger, la vider de son sang, elle ne me croit pas, ou alors elle fait semblant de ne pas vouloir me croire. Je ne sais pas. Elle me tend sa main. Tiens. Elle n'a pas peur que je lui arrache son bras ? Parce que je sais faire ça aussi. Oui, on est connu pour avoir de la force et tout, elle devrait faire attention quand même. J'hausse les sourcils avant que mes prunelles vertes ne passent de son bras tendu à son visage, elle se force. Ça se voit. Son visage transpire l'appréhension et la gène. J'avance ma main vers la sienne et mes doigts glacés enserrent les siens. « Raisa. » Je me contente de dire le tout accompagné d'un sourire que poli, parce qu'elle est vexante, la Breiv.