Je crois que je suis enfermé dans la gueule de Moby Dick lorsque ma silhouette en sueur se redresse violemment, ma tête heurtant le lit au-dessus du mien dans un bruit sec. « PUTAIN DE MERDE ! » Je gueule dans le dortoir en me tenant la tête, fulminant intérieurement contre la vieille, frappant le mur de la paume de ma main gauche et arrachant la couette pour l’envoyer valser sur un autre candidat. Ils n'ont pas pensé aux grands dans cette foutue émission ? Je marmonne quelques insultes supplémentaires avant de poser un pied sur le sol, puis j’enfile un short par-dessus mon slibard pacman et un débardeur vert fluo, sans oublier l’immanquable casquette que je visse au fond de mon crâne pour dissimuler la bosse que je viens de me faire et ma gueule de mec pas frais. J’ai passé ma nuit à vomir mes tripes, psychoter sur le Titanic et insulter les autres candidats, aussi je suis plutôt contrarié que la ridée m’extirpe des bras de Morphée aussi violemment que l’autre fée clochette (Auxence) au milieu de la nuit. Je traîne des pieds jusqu’au pont, pas vraiment super rassuré, lâchant un « Si seulement » à la référence du poisson (Milo). Je remarque du coin de l’œil que ma partenaire (Saana) est déjà présente, et qu’elle a l’air aussi motivée qu’Usain Bolt puisqu’elle emboite le pas à tout le monde pour mener la danse. Je grogne une seconde –faut pas déconner non plus- avant de jeter un regard blasé à ma voisine (Maisie) pour répondre à son sourire niais. Puis je commence à courir à la suite de la sirène sans poser davantage de questions, par solidarité de binôme vous voyez, alors que si ça s’trouve il fallait attendre les instructions de la vieille et qu’on passe pour deux abrutis. Mais peu importe, je n'vais pas rester en arrière et lui donner davantage de raisons de me traiter de mauviette. Ouais en fait c'est plutôt une question de fierté que de solidarité, mais passons.

Six heures du matin. Je ne dors pas, bien évidemment. Je dois être la seule. Oui, la seule à voir la tête de mort vivant qu'ils affichent tous. Je les imagine déjà se plaindre ou pester contre la prod. C'est dans une heure ou deux que j'irais dormir. Le soleil n'est pas encore levé, enfin on pourrait avoir cette impression, mais ce n'est pas le cas. C'est plus vers sept heures, si le délire de la Vieille dure plus d'une heure je me casse, je ne vais pas me transformer en torche humaine rien que pour ses beaux yeux. Enfin, ses beaux yeux ... Ce n'est qu'une expression. L'alarme retentit, j'ai l'impression que des tympans vont exploser, ça fait plaisir. Je me rends sur le pont, comme demandé et j'attends la suite des instructions. Quoi, on doit courir ? C'est tout ? J'en vois déjà qui s'élancent. Et les autres ? Bah ils attendant quoi ? Je jette un regard en biais à une petite brune. « On y va ? » Je lance à Maisie, prunelles interrogatrices. Je vais courir à l'allure d'un humain, je fais illusion, comme soulever les épaules toutes les cinq secondes pour donner l'impression que tu respires, c'est bon, je suis rodée. Aller, faut se motiver, ou tout simplement faire semblant de l'être. J'opte pour la deuxième, en ce qui me concerne. Je commence en petite foulée, si on attend tout le monde, on en a encore pour trois siècles.

brusquement, j'ouvre les yeux et saute hors du lit. je soupire fort, secoue un candidat qui dormait encore (LIBRE). celui-ci ce rêve, ne comprenant pas ce qu'il se passe. j'enfile un t-shirt et un short de rugby, un peu court du coup. et qui fait un cul de rêve. bref. je me dépêche à marcher jusqu'au pont. ma mâchoire se serre quand le vieux bateau tangue et que j'heurte violemment un bout de mur. j'ai l'impression que ça fait aussi mal d'une pénétration à sec. je frotte le haut de bras, la douleur passe instantanément.
j'suis à moitié coiffé, j'ai l'air un petit garçon pommé.
cute.
j'arrive auprès des autres candidats. ils sont presques tous là j'ai l'impression. ma partenaire est là elle aussi. je lui adresse un regard ni-neutre ni-poli. je soupire doucement et me place à côté de Reno qui n'a pas l'air de bon poil. je me demande bien pourquoi cette foutue alarme à sonner. je passe une main sur mon visage, en soupirant. essayant de sortir du brouillard.
en vain. j'ai la tête dans le cul.

L'alarme retentit et Segen ouvre lentement un oeil, puis un second, elle hausse les épaules. C'est quoi cette connerie ? Et ça s'arrête pas. Vraiment pas. La rousse jette donc sa couverture d'un geste et se décide à descendre au bas de sa couchette. Certaines filles sont déjà parties, remarque-t-elle. Ca doit être urgent ? Alors Segen ne prend pas le temps de se changer et sort en pyjama, un short et le t-shirt de la fac de la Capitale Magique. Elle arrive auprès des autres et reconnais déjà certaines personnes présentes, elle observe un instant Milo qui parle de mourir et un sourire amusé étire ses lèvres alors qu'elle attache ses cheveux en un chignon flou. Segen se place aux côtés d'une blonde vraiment belle (Raisa) et la regarde parler avec une brune (Maisie). Il serait peut-être temps qu'elle se socialise un jour ? Et la Vieille Fée parle alors d'un footing matinale. Super. Elle sourit, elle se sent presque comme à la maison. Et il faut dire que ça l'a inquiété de ne pas avoir d'endroits où courir... mais c'est vrai que le pont est assez grand en fait. Et elle commence à courir en même temps que certains candidats avant de se placer près de la blonde et de la brune qu'elle a repéré plutôt. « Bonjour. » lance-t-elle finalement à leur adresse.

Sans déconner, c’est quoi ça encore ? Je me relève d’un bond, manquant au passage de me cogner contre la couchette supérieure qui se trouve au-dessus de ma tête. Je baille en me décrocher la mâchoire en observant d’un air morne le reste des garçons s’activer dans la cabine. Je décide enfin de me lever pour enfiler, lentement mais sûrement, un t-shirt sur le dos. Une belle brochette de candidats se trouve déjà sur le pont, mais même si la vieille fée est déjà là pour jouir de ses pouvoirs tyranniques, je ne suis pas le dernier. Je passe ma main sur mon visage, tapotant mes joues dans le vain espoir de me réveiller, pendant que l’autre continue de se la jouer commandant chef. J’hausse un sourcil interrogateur lorsque certains commencent à courir et j’ai la présence d’esprit de me mettre à en faire de même en petites foulées. Je reste au milieu du peloton, juste derrière un petit groupe de trois filles ne cherchant ni à dépasser les plus lents, ni à me ménager en restant à la traîne. Je suis moyen. Point. Je préfère me faire discret et silencieux, mais je n’oublie pas pour autant de tendre l’oreille au cas où j’intercepterais une conversation intéressante au cours de ce petit footing matinal.

J'en vois encore quelques uns qui ne courent pas, là ! Allez, hop hop hop !

Plus le vent tapait, plus les candidats arrivaient. Auxence était venu à ses côtés, Auxence la tête d'ange. Milo avait suivi, puis Breiv, Chaz, Pipper, Lena, Maisie, Reno, Raisa , Ur, Shiva et Johnny. Bref une grande partie de la clique des candidats. Les prénoms semblaient être une douce musique de réveil dans l'oreille de Beha, et elle commençait d'ailleurs à les assimiler -même si probablement personne ne se rappelait du sien, elle y était habituée. D'ailleurs, aucun des candidats semblait mentalement prêt pour cet entraînement, c'était un soulagement -mais qui avait été détruit dès que les premiers avaient commencé leurs foulées. Elle voulait demander combien de temps ce manège  allait durer, mais elle se mordit la lèvre inférieure, et sauta la question inutile. Pas de besoin de se faire remarquer si tôt dans l'aventure. Elle était tentée d'aller voir Chaz, il était le seul qu'elle connaissait jusque là. Mais c'était le matin, mieux valait pour elle et sa grande bouche de se taire et de rester à sa place sans broncher. Les matins de Beha n'étaient que rarement glorieux. Beha n'aimait pas faire du travail à l'avance, elle préférait regarder les autres faire le dur boulot: il fallait qu'on lui donne une raison, un gain, pour qu'elle s'exécute. Faire le minimum, c'était bien, surtout quand on parlait de sport. Cependant, la Vieille Fée rappela les non-coureurs à l'ordre. Beha se lança, retrouvant son rythme d'antan difficilement -ça faisait quatre ans qu'elle ne s'était pas entraînée après tout.

Voilà que la ridée se met à mettre du son pour - soit-disant - nous motiver à avancer plus vite. C'est sérieux encore ça ? Limite ça me donne envie d'aller donner un coup de pied dans la sono, parce que là ça me déconcentre plus qu'autre chose. Ouais, j'ai besoin d'être dans ma bulle pour réussir quelque chose et cette musique à la noix m'en empêche. Tout en continuant mes foulées, je jette un regard noir en direction de la Vieille, et même si je sais pertinemment que cela n'y changera rien, je lâche un « n'importe quoi. » lorsque j'arrive à sa hauteur, tout en continuant mon chemin. Certains se sont élancés à ma suite, d'autres se sont bêtement mis en ligne en attendant des instructions qui ne sont pas venus. Je le savais, qu'il fallait se mettre à courir directement. Au moins, le staff voit que je suis motivée. J'aperçois Reno qui se lance lui aussi, ainsi qu'un groupe de filles, et quelques autres mecs. Certains ont vraiment l'air de n'avoir pas dormi de la nuit - ce qui est mon cas aussi et pourtant je me suis débrouillée pour ne pas avoir une tête de zombie. Genre les bruns (Shiva et Ur) là-bas. Enfin, ce n'est pas mon problème. Le triton (Milo) commence à se plaindre, là je me dis qu'il commence à me chauffer. Pour l'instant, je suis encore la première du peloton, étant donné que je cours vite, et que je suis partie la première. Mais peut-être que certains vont vouloir faire les malins et me dépasser dès le départ. Autant poser les bases direct, le premier qui tente de me dépasser se prend mon poing dans la gueule. Comme ça c'est clair.

Swann avait été discret lors du prime. Allez savoir pourquoi, ce n'était pas dans ses habitudes mais il faut croire qu'il avait eu un coup de mou. Il faut croire que tout est prévu pour le motiver. Une alarme retentit, le faisant presque tomber de son lit. Le fait de passer la première semaine sur un bateau a le don de le déstabiliser par un mal de mer certain. Il espérait sérieusement avoir un pied à terre rapidement pour ne pas totalement perdre les boussoles. Presque trop ronchon, Swann traîne du pied jusqu'au pont où il accueille l'annonce  dans le même état d'esprit. Courir ? Vraiment ? Swann reste un moment immobile pensant pour lui que c'était une blague pas vraiment drôle. Le seul sport qu'il aime pratiquer et sans nul doute d'ordre plus physique si vous voyez ce que je veux dire. Les autres candidats s'activent. En entendant tout mouvement je me contente simplement d'affirmer les propos de Johnny. « Je vais investir dans des boules quies. » Il rit pour malgré lui commence à trotter à un rythme plus ou moins lent pour le moment. Il ne faut pas trop lui en demander, il vient à peine de se réveiller. Vous ne voyez pas comment sont ses cheveux ? Oh et mince...il a oublié d'enfiler son tee-shirt. Bon, tant pis.

La majorité des candidats reste alignée bien sagement en attendant les instructions, et finalement ce sont eux qui passent pour des cons lorsque la vieille reprend les retardataires et les inactifs en nous balançant une musique pourrie datant de sa jeunesse. C’est quoi cette merde, sérieusement, elle est obligée de faire résonner ça sur tout le bateau ? Je siffle entre mes dents en accélérant ma course pour rattraper ma partenaire (Saana) qui a pris de l’avance. Pas question de la laisser s’échapper comme ça. Il ne me faut pas plus de quelques secondes pour arriver à sa hauteur, l’observant en haussant les sourcils pour essayer de la déconcentrer, mais elle a l’air carrément dans son trip la nana. Une habituée du footing, sans aucun doute. Si elle est endurante, c’est déjà un bon signe pour les combats. Alors je me contente de retirer ma casquette pour la poser sur sa tête, l’aveuglant probablement par la même occasion. « Tu risques de choper une insolation. » Je fais remarquer pour l’emmerder en poursuivant ma course, la dépassant d’une foulée. Allez le sushi, on accélère.

En fait, le mec qui venait de te pousser, c'était ce mec chelou là, le voisin d'en-haut, Chaz. Quand on parle du loup. Sur le pont les candidats se hâtent, et Milo vient vous rejoindre, Beha et toi. T'avais rien demandé mais bon. Et ça commençait à brailler dans tous les sens. Putain mais fermez-la. Milo qu'est hyper actif surtout, et il était foudroyé par certains regards. Il adressa alors au triton : T'as toujours la patate comme ça le matin ? Et Reno qui traînait des pieds, nan sérieux c'était quoi cette casquette mec ? Et puis t'aurais bien ajouté d'un brin taquin : Alors mec, t'as passé une bonne nuit ? Mais Reno fulminant de rage, t'avais peur de t'en manger un dans la gueule. Ur, dont tu ne te souviens absolument pas du nom, se place à côté de Reno, après Maisie. T'avais du mal avec les prénoms, mais on verra ce détail plus tard. Tu t'adresses alors à Ur, désintéressé, mais c'était juste pour placer quelque chose. Sympa ton short. T'hausses les épaules, et reviens à tes moutons. QUAND TOUT A COUP. Une musique venue d'on ne sait trop où retentit. Oh merde. Oh nan. Et là tu peux pas t'empêcher de pouffer. Vous alliez avoir l'air ri-di-cules. Mais fallait faire des concessions, c'était soit le fric et la gloire, soit la fierté. Tant pis pour elle la conne, on la mettrait de côté un moment. Les premiers s'activent, et tu suis. T'étais un des seuls à peu près enthousiaste à l'idée de courir, et c'est le sourire aux lèvres que t'entames quelques grandes foulées. Tu le regretteras amèrement.

Tout le monde était presque là, autour de cette vieille femme qui nous disait que nous devions courir. Fallait bien l'écouter, sinon, elle allait nous faire manger cher. Et puis, c'est un entraînement pour l'aventure, alors, ça pourrait toujours servir. J'essaye de me motiver. Je frotte mes mains pour les réchauffer, puis je fais un semblant d'échauffement avec mes genoux, mes chevilles et mes jambes. Certains se sont déjà élancés. J'y vais moi aussi, c'est à mon tour de courir. Je me lance. Je commence doucement à trottiner, à faire le tour du pont. Je vois Beha un peu plus loin, je lui souris. Puis je continu à trottiner, en me disant que parler en courant ce n'est pas une bonne idée, sinon je vais finir par mourir d’essoufflement à même le sol. Je vois certains se parler, ils ont déjà l'air de tous se connaître. Ils me font tous rire, ils ont l'air si détendus. Une mèche de cheveux vient tomber devant mes yeux, comme par magie. Elle me fait ralentir. Je la repousse en arrière, puis j'accélère pour dépasser certaines personnes. D'ailleurs, je me demande comment cela est possible, puis je trouve une excuse et je me dis que c'est parce que j'ai des plus longues jambes.

Courir, c'est ce que je continue de faire. M'arrêter, jamais. Pas tant que la dame fripée ne m'aura pas dit de le faire. Une lueur de lucidité traverse mon esprit. Et si la Vieille Fée nous faisait courir toute la journée, pire, toute la nuit ? Pour nous tester, nous et notre endurance. Non, pas possible. J'entends les gens qui accélèrent derrière moi. Mais je ne me retourne pas. S'ils me dépassent, c'est moi qui leur en retourne une. De toute façon. Un mec arrive à ma hauteur et je tourne la tête pour voir s'il a le culot de me dépasser pour faire son intéressant ou non. C'est là que je vois mon binôme. Ah, il reste près de moi. Je préfère. Concentrée dans ce que je fais, je préfère ne pas parler pour éviter à mon souffle de s'estomper. C'est ce que j'ai appris à faire lors de mes premières fois sur la terre ferme. J'ai même été courir tout l'après-midi lorsque j'ai appris que j'avais été sélectionnée, pour me mettre dans le bain ; mais ça, je ne le dis pas. Ça m'agace quand même. Je sais que j'irai bien plus vite avec mes écailles et dans l'eau. Mais qu'importe. Cela reste un entrainement et non pas une compétition. Même s'il convient de mettre certaines choses au clair. Je sens un truc se poser sur mes cheveux, mes doigts me signifient que c'est une casquette. Celle que Reno vient de me visser sur la tête, prétextant une insolation. Bah vas-y ouais, j'aime bien les casquettes. Bon je préfère les bonnets et les oreilles de Minnie, mais voilà. « Qui serait là pour te soigner sinon, hein ? » Je prends le risque de parler, tout en joignant mes mains ensemble, pour faire croire à Reno que c'est un rituel de sirène et le faire flipper ou un truc du genre. « Tu veux pas aller charmer la Vieille Fée pour qu'elle change de musique là ? Vraiment. » J'accélère pour rester à sa hauteur. Non mais.

Maisie ne sait que sourire. Un garçon – qu'elle avait repéré au prime – lui envoie un regard assez spécial. Elle détourne alors son visage. Elle n'ose pas le regarder plus que ça, de peur de recevoir ses foudres. Elle attend. Certains se mettent déjà à courire. Maisie, elle, elle préfère attendre que l'on le lui dise clairement. On ne sait jamais, si elle ne peut pas. Pourtant, plusieurs se mettent à imiter les premiers. Elle regarde autour d'elle et elle se dit que finalement, elle devrait faire pareil, quand justement, une blonde lui demande si elles s'y allaient. Elle lui adresse un large sourire. Elle essaye de paraître moins niaise que tout à l'heure. « Oui ! » Et elle court à la même allure que la blonde. Elle la regarde faire et elle se cale pile à côté d'elle. Elle ne sait pas à quelle vitesse elle peut aller avec ces jambes si et comme la fatigue ne se fait par ressentir, et bien elle continue. Et puis une rousse fait finalement son apparition. Maisie lui adresse à elle aussi un sourire. C'est en quelques sortes sa carte de visite. D'autre l'aurait envoyé chier, elle, elle lui sourit. Elle lui dit même : « Tu aimes le footing, j'espère... » Qu'elle lui dit en rigolant. « Toi aussi... » Qu'elle adresse à la blonde, entre elle deux.

Me soigner, la bonne blague. J’ai besoin de personne moi, c’est arrivé une seule fois alors qu’elle ne prenne pas la grosse tête. Et puis qu’est-ce qu’elle fait là, le salut japonais ? J’accélère un tantinet au cas où, mais je crois que je suis un brin parano aussi je ralentis légèrement ma course en laissant échapper un souffle à sa remarque, ce qui se rapproche le plus d’un sourire pour moi. « Je crois que tu serais plus compétente pour cette mission, c’est évident que cette vieille castratrice préfère les femmes. » Je me gratte la mâchoire en fixant les planches de bois. Si je mate la mer, je suis foutu. « Enfin ça pourrait être pire, elle nous a pas balancé du Bayonci … » Je lâche comme si j’étais un grand spécialiste des musiques de merde, sans me rendre compte que j’écorche le nom de la chanteuse que j’ai lu dans l’un des magazines de ma soeur. Pas étonnant en fait. Mais moi qui balance que ça pourrait être pire, c'est quand même un moment historique. Je garde le silence un instant en fixant ma casquette trop grande enfoncée sur la tête de la brune, et je me dis que j’ai eu vraiment du bol de ne pas avoir été couplé avec une louve. J’aurais dû la jeter à la flotte sinon, la brûler, la désinfecter, pour éviter d’éternuer. Et merde, en plus je dois avoir ma bosse exposée en plein soleil. Est-ce que c’est dangereux ? Putain, j’espère que ça va pas la faire grossir ou un truc du genre. « T’es au courant que les satyres sont réputées pour leur vitesse anormalement élevée ? » J’interroge ma partenaire en accélérant la cadence, ne précisant pas que cette information est surtout valable lorsqu’ils adoptent leur forme animale. Avec un peu de chance elle n’est pas au courant. « Enfin j’dis ça parce que t’as l’air de vouloir me suivre à tout prix, histoire de t’éviter une déception future. » J’ajoute en haussant les épaules, grand prince. Non, je n’essaie pas du tout de lui faire perdre son souffle en tentant de débuter une conversation. Bon si, un peu en fait. Et je trébuche sur une putain de planche mal fixée, me cassant à moitié la gueule en maugréant quelques insultes charmantes. BORDEL, je vous jure que ce bateau veut ma peau. Je me remet rapidement dans la course en sprintant sur quelques mètres pour rejoindre ma partenaire style, tout va bien. « Tu crois que le premier gagne un truc ? » Ce serait cool, parce que de toute évidence la course à pied est une discipline que les autres candidats maîtrisent aussi bien qu'un cul de jatte.

Mais quelle garce la viok. Déjà qu'il se sentait pas bien en plus on lui foutait l'alarme dans la tronche. Un footing dans son état ? Elle avait rêvé j'espère. Il regardait les autre courir, toujours appuyé contre sa foutue rambarde. Depuis une heure déjà il était là, en train de retenir son estomac à l'intérieur, blanc comme le derrière d'un vampire, avec autant d'énergie qu'une limace, alors tourner un rond sur un bateau, non merci. Mais la vieille fée était sadique, c'était bien connu et elle commença à passer une musique qui datait d'au moins mille ans -ça devait lui rappeler sa jeunesse tiens- et qui était aussi mélodieuse aux oreilles de Jea que le bruit des griffes de son prof contre un tableau.. «  Mais arrêtez moi ça, c'est pas parce que vos vieilles oreilles périmées pensent que c'est du bon son qu'on doit tous subir ça! » Bon pas vraiment le choix, entre risquer de retapisser le bateau de la vieille à force de courir au même endroit ou devoir subir ses goût musicaux plus que minable, Jea préférait la première solution, au moins si ça arrive ça lui fera les pieds à celle-là.

Alors si j'ai bien compris on doit courir. Oui voilà courir. C'est tout ? Non parce que c'est sympa de courir d'accords, mais on cours après quoi ? Moi je m'en tape de courir pour rien, non je déconne je m'en tape pas. Ok, c'est chiant j'en ai vraiment marre et ça rime à rien. Encore si on y gagnait quelque chose, mais même pas. On doit juste courir comme des lapins pour les beaux yeux de la vieille fée. Elle est chiante quand même, c'est vraiment fatiguant de courir. Aller, motivation. Je me tape un sprint c'est à ce moment là que je bouscule quelqu'un (LIBRE) pour le faire tomber. Bon merde, il fallait pas resté sur mon chemin. Enfin bon apparemment il faut s'excuser dans ce genre de situation. « Désolé, aller on se relève vite ! » dis-je à la personne en l'aidant à se relever. Puis après je décide que j'en ai vraiment marre. J'abandonne, je m'allonge par terre et je ne bouge plus jusqu'à la fin. Voilà. Au pire je me jette à la flotte et je m'en vais, mais ça aussi c'est fatiguant.

America, la vieille morue te salue et te ferait remarquer qu'elle est beaucoup plus en forme que toi lors de ce petit footing, vieille carcasse frigide ! Pour la peine tu feras le footing à cloche-pied, et n'ose même pas contester cet ordre !
Jea, au rapport ! Les vieilles oreilles périmées t'envoient direct dans l'eau, tu feras le footing à la nage pendant quelques bonnes minutes ! Merci d'être passé !
(La Vieille Fée envoie Jea d'un revers de la main magique par-dessus bord où il nagera pendant le délai nécessaire, zéro moyen de remonter à bord chéri)
D'autres volontaires pour tester mon humeur de ce matin ?

Je demande à la brune si elle est prête, tout simplement parce que je n'ai pas envie de me lancer toute seule, la motivation n'est clairement pas au rendez-vous. Je commence à aligner quelques pas en avant et je pivote brusquement la tête vers elle, elle me suit donc je peux accélérer, elle finit par se caler sur mon rythme. Je vais un peu plus doucement pour qu'on soit vraiment plus synchro. Il parait que c'est plus facile lorsqu'on est deux. Enfin, personnellement, je m'en fous, je n'en n'ai pas besoin. Une rouquine arrive à notre hauteur, je la salue d'un sourire. C'est bien, une rousse, une blonde, une brune, variété capillaire sur la même ligne. Maisie commence à parler. « Pas vraiment non. » Je réponds à Maisie, je n'ai jamais aimé cela, de ma naissance jusqu'à aujourd'hui, et cela ne changera pas. Je m'occupe de la rousse à mon autre côté et je remarque enfin sa tenue. « C'était la précipitation ce matin. » Je constate en tirant légèrement sur le tee-shirt de fac de Segen avec un léger sourire. Puis la vieille nous passe une musique, Rocky, elle est pas sérieuse ? Le truc super crédible, avec la moitié des candidats qui n'est pas réveillée, l'autre qui grogne, je me retiens tout juste de me marrer pour le coup. Un candidat passe par dessus bord. Je regarde mes deux camarades: violent.

Sa casquette a beau être stylée, je ne vois pas grand-chose avec. Trop grande, évidemment, vu la pastèque de mon coéquipier. Sans vouloir être méchante. Avec mes deux mains je réajuste le truc sur ma tête, ce qui me fait ralentir un peu. Pas trop, juste assez pour que ça m'énerve. Derrière moi, j'entends une fille (Lena) qui se casse la gueule. Tant mieux. Une de moins. Reno, quant à lui, continue à faire son intéressant en me signifiant que la Vieille Fée préfère les femmes. Je me recule d'un pas, de lui, pour le dévisager. « C'est vrai ça ? » Avec lui je ne sais jamais s'il faut prendre les choses au sérieux ou s'il fait ça juste pour m'embêter, ça m'énerve. « J'attends de voir la prochaine. Chanson, j'veux dire. » je fais remarquer, à propos de la musique. Non parce que si la fripée nous sort toute la compil' des anciens combattants ça risque d'être sportif. Toujours en pleine course, j'observe mon partenaire s'amuser à me dépasser puis à ralentir l'air de rien pour revenir à ma hauteur. J'avais pas dit que je devais frapper le premier qui me dépasserait, déjà ? Con que ce soit mon binôme. Evidemment quoi. Déjà que j'ai passé l'autre matinée à le guérir, je n'vais pas en plus l'amocher. Sauf s'il me cherche. C'est pas fin les sirènes, quand ça s'y met. « Tu joues à quoi ? » A propos de ses foulées. Bref. « Les satyres c'est pas mes potes, moi je traine avec les fées et les humains, en général. Alors non, j'savais pas. » J'hausse les épaules pour bien lui montrer qu'il ne m'apprend pas pour autant une info qui va changer ma vie. « Si je veux t'arrêter, ça peut aussi me prendre deux secondes. » Je claque des doigts pour accompagner le geste à la parole, même si je ne chante pas. Mais qu'il arrête de faire le macho, il se croit malin. Si le premier gagne un truc ? « Y'a bien intérêt, que je ne me donne pas à fond juste pour le plaisir de courir en rond comme une idiote. » Mais la Fée en est bien capable, de nous faire courir pour rien.

Trop de pression. Courir c'est fatiguant. Voilà moi j'arrête. Au passage j'avais bousculer quelqu'un, mais je suis aimable donc je l'aide à se relever. Puis bon c'est ma faute en fait donc voilà quoi. Elle croit que c'est du sabotage, mais que nenni, je suis maladroite j'y peut rien moi. Enfin si je pourrais faire un effort pour ne pas rentrer dans les gens, certes. Je décide que je vais abandonner, oui là, maintenant, tout de suite, illico presto. Je m'allonge par terre et pour moi c'est finit. Dans ma tête je suis partie. Sauf que la fille que j'avais bousculer essaye de me remotiver. Peine perdu. Sauf quand j'entends le mot "vieille fée". Cette vieille bique. Elle va me le faire payer cher après. Pourquoi je suis venue ici moi ? Quelle idée. Bon aller on se motive et on repart. Je me relève aussi vite que je m'étais écroulé par terre. « Ok c'est parti go go go ! » J'attrape la main de la fille qui m'avait aider et que j'avais bousculer. Puis là je la joue speedy gonzales et évidemment elle doit me suivre pas le choix. « Au fait moi c'est Pipper et toi ? » dis-je en courant. Mauvaise idée ça me fait perdre mon souffle, mais je m'en fiche, je suis une dingue moi. Je vis dangereusement. Me revoilà donc parti avec ma nouvelle amie enfin elle a pas trop le choix en fait. J'espère au moins qu'on va gagner quelque chose parce que là c'est un peu naze.

Qu'est ce qu'elle a la vieille peau à faire chier dès le matin ? J'aurais bien pensé à ses règles, mais elle doit être ménopausée depuis des centaines d'années. J'ai pas la tête à courir comme ça, surtout que la nuit je dors pas très tôt, histoire de pouvoir passer du temps avec Raisa. A la maison, c'est plus simple. On a tout prévu pour pouvoir se voir toute la journée sans que le soleil ne nous sépare, mais dans ce jeu et sur ce putain de bateau, c'est pas trop possible. Je me soulève de mon lit avec difficulté, c'est pas comme si on avait le droit à de vrai lit. Heureusement pour moi, il n'y a personne sous mon lit, du coup je peux m'agiter de tout les côtés sans qu'un type se plaint. C'est bien la chose que je déteste le plus, c'est que quelqu'un se plaigne. Ouais bon, en effet, j'ai qu'à me regarder dans un miroir, mais ça c'est un autre sujet. J'enfile le premier pantalon que je trouve, ainsi qu'un t-shirt que je ne me souviens même plus avoir pris. On se retrouve tous en rang d'oignon sur le pont et voilà que la vieille peau nous prépare un jogging matinal. Je la comprends vraiment pas celle-là, elle attends quoi de nous en vrai ? Bien sûr qu'on est pas au club med, je m'en rappellerais sinon. Je jette un coup d’œil à Raisa qui semble bien s'intégrer parmi le groupe, alors que je commence à m'échauffer. Heureusement, en tant que loup, je m'entretiens souvent pour me dégourdir les pattes et aussi pour ne pas ressembler aux loups qui ne font rien de leur vie et qui une fois vieux, ressemblent plus à de gros chiens galeux qu'à des loups. Du coup une fois le top départ annoncé, je me mets à trottiner à mon rythme, jusqu'à ce qu'elle se remette à gueuler la vieille. « Putain, elle va pas la fermer. » J'évite de trop râler pour éviter de virer par dessus bord. « Qu'est ce que je fous ici, sérieux ? » Je pense vraiment que cette émission n'est pas pour moi. La regarder quelques fois avec Raisa, ok, mais participer à cette daube, c'est pas gérable.