Je comprends assez vite que je suis la seule vampire du lot. C’est assez contraignant, quand les autres vont prendre le soleil et qu’il faut rester enfermé. L’ennui commence à venir, rapidement. Même si Scaar veut rester, je l’envois se faire des amis. Bon ok, ce n’est pas vraiment comme cela que je l’ai dit parce que sinon, ça ne serait pas vraiment bien passé. Mais l’idée est la même au fond. C’est juste la forme qui change. Je ne veux pas qu’il s’enferme h24 avec moi ou quoi. On n’est pas venu pour ça. J’attends avec une seule impatience, que la nuit tombe pour que je puisse enfin sortir. En attendant, je reste dans ma cabine, et je discutaille vaguement avec certaine candidats. Sauf que j’ai faim, vraiment, mes crocs tentent de sortir à peu près toutes les deux secondes. Je préfère vraiment m’isoler dans ce cas. Je vais donc me chercher une poche de sang, j’pendrais bien une paille mais je n’en trouve pas. Honnêtement, je suis toujours aussi dégoûtée de boire cette chose. J’achève l’épreuve  et je décide de monter sur le pont. Je sors à l’air frais, ça ne me fait plus rien depuis quelques années. J’aperçois une silhouette dans la nuit. Je sais évidemment que c’est Scaar. Ce ne peut qu’être lui. Evidemment. Même s’il a envie de dormir, il est resté.  Je cours pour le rejoindre, on va dire que j’accélère le pas, la seconde d’après je suis cramponnée à son dos, mes jambes entourent son bassin, mes bras agrippent ses épaules. « Ce n’est que moi. » Je préfère prévenir tout de même pour éviter tout mouvement brusque ou violent de sa part. On ne sait jamais, un accident est vite arrivé.

On est plusieurs loups, c'est cool. Il y a beaucoup d'humains aussi, ainsi que des créatures qu'on ne rencontre pas forcément tout les jours comme des centaures ou même des sirènes. Pourtant, il n'y a qu'une seule représentante de la race vampire. Ma vampirette. Je suis assez soucieux pour elle, sachant qu'elle ne peut vivre que la nuit et que à part les insomniaques, personne ne lui tiendra compagnie. C'est pourquoi alors que tout le monde est déjà couché, je reste sur le pont, accoudé au bord pour pouvoir voir l'eau. C'est pas comme si on pouvait faire grand chose de plus sur un bateau de ce genre. Je suis pas un grand fan des croisières et encore moins des croisières où la seule activité possible est de voir l'eau s'agiter. Mon corps tremble légèrement, mais pourtant ma peau a toujours cette température très élevé. Un avantage de loup, si on peut trouver ça avantageux. Je trouve le temps long, mais je continue de patienter. Soudain, je sens un poids sur mon dos. Habitué, je me retiens à la rambarde pour ne pas chuter à l'avant en grognant quelques peu inaudible. Cette femme est brusque, combien de fois vais-je devoir lui dire ? Je l'empoigne par les fesses et avec une force surhumaine, qui paraît si normale à mes yeux, je la retourne et l'assoit sur la rambarde sur laquelle je me tenais un instant auparavant. Mon regard sombre s'adoucit quand il croise son regard écarlate. Notre température est si différente qu'à peine ma main rentre en contact avec son dos, après avoir passé son bras sous son t-shirt, que cela me provoque un frisson comme à chaque fois que je la touche. Avec mon autre main libre, je frotte de mon pouce le coin de sa lèvre qui encore toute tâché de ce sang synthétique qu'elle est obligé de se coltiner. Je l'amène à ma bouche qui s'étire en une grimace de dégout. « Je comprends vraiment pas comment tu fais pour supporter ça. » Puis après avoir secoué la tête en soupirant, je recroise son regard de nouveau. « Ton binôme est comment ? » En gros, j'attends d'elle un rapport détaillé sur ce type qui heureusement ne dors pas dans le même lit qu'elle.

Je l'entends grogner et je ne peux pas m'empêcher de sourire, je dépose mes lèvres glacées contre son cou avant qu'il ne m'oblige à lâcher de prise pour bouger. Je ne résiste pas, évidemment, je me laisse faire telle une poupée. « C'était très délicat. » Je commente alors qu'il m’attrape pour me faire changer de place. Après c'est moi qui suis la plus brutale selon lui ... Mais bien sûr. Il finit par me poser sur la rambarde, deux centimètres en arrière et c'est le vide. Il remarque une trace sur ma bouche. Il goûte, je lève les yeux au ciel. « Ce n'est pas fait pour toi, Oscar. » Je lui rappelle, bien sûr qu'il ne va pas aimer. « Ce n’est pas comme si j'avais le choix. » Je lui rappelle une énième fois, une de plus. Les traits de mon visage se tordent, se distordent lorsque j’aperçois sa mimique de dégoût. J'ai tout simplement envie de lui répondre que c'est parce que je suis morte que j'y suis obligée mais je n'ai pas envie de faire dans le glauque, enfin pas ce soir. J'essaie d'avoir l'air le plus humaine possible quand je suis avec lui, mais il m'arrive très souvent de tout foirer. Son bras se faufile sous mon tee-shirt et c'est le choc thermique entre nous, mais on commence à s'y faire, après dix ans. Il m'interroge comme ça, l'air de rien sur mon binome. J'étire un sourire sur mes lèvres. Mes deux bras s'en vont entourer son buste. « Il a l'air bien. » Je lâche simplement, j'attends une réaction de sa part, je plante mes prunelles aciers dans les siennes. Je guette. J'arque légèrement un sourcil. Je sais que celui qui est le plus content que les couchettes ne soient pas mixtes, c'est bien lui. Il ne peut pas le nier. « Mais je pense que tu as dû le voir plus que moi. » Je continue alors, oui, mon partenaire se porte disparu. Enfin il est d'une discrétion absolue contrairement aux autres, ce n'est peut-être pas si mal que cela. Et puis lui et Scaar dorment bien dans la même pièce non ? Ce qui n'est pas mon cas. « Il a peut-être le mal de mer ou je ne sais quoi. » Je poursuis alors en me questionnant réellement. Peut-être malade, qui sait.

Passer du temps avec Raisa me fait presque oublier que je suis dans ce stupide jeu. Seule la brise fraiche me rappelle que je suis sur un bateau, endroit où je ne suis pas habituellement. Raisa râle sur ma manière de la saisir, mais je ne fais que sourire à sa remarque, habitué à ce reproche qu'elle me fait sans arrêt et que je lui balance à mon tour dès qu'elle ne fait pas attention à la force qu'elle utilise. C'est peut être bien la chose qui nous arrange le plus dans notre relation, le fait qu'aucun de nous deux n'est vraiment besoin de mesurer sa force, vu que celle d'un loup garou équivaut généralement à celle d'un vampire. Surtout d'une jeune vampire comme Raisa. Lorsque je frotte ses lèvres, elle ne peut s'empêcher de me narguer en m'appelant par mon véritable prénom. Ma mine s'assombrit alors lorsque j'entends celui-ci, mais le regard de Raisa me radoucit aussitôt. « Tu me cherches la petite vampirette ? » J'approche alors mon visage du sien et du bout du nez je caresse le sien. Je suis beaucoup trop tendre avec cette fille, elle me fait complètement tourner la tête, même au bout de dix ans. C'est pas comme si son visage avait vraiment changé depuis ce temps là. On en vient à parler de son partenaire et pour ma plus grande joie, elle ne semble pas trop le fréquenter. Il est vrai aussi que l'idée des dortoirs non mixte me va parfaitement. « Tant mieux, moins tu le vois, mieux je me porte. » Et c'était véridique. Mes mains se baladèrent alors le long de son dos, alors que mon visage se pose sur son épaule. Je fixe la mer qui s'agite en dessous tout en lui caressant tout doucement le dos qui me refroidit sans jamais vraiment faire descendre ma température. « Je vais avoir du mal à dormir sans toi. » que je lui confie avant de finalement regarder les étoiles dans le ciel, presque gêné de faire une telle confession à Raisa. « En plus c'est pas rassurant de dormir avec des sirènes, on s'est pas trop où il cache leur queue. » Et c'est après ce jeu de mot, que je me mets à ricaner bêtement avant d'embrasser son front après avoir reculé.

C'est dingue de voir les humeurs par laquelles il passe défiler dans ses yeux. Evidemment que Scaar est content que je n'ai pas encore vu ou traîné avec mon partenaire. « Le contraire m'aurait étonné. »  Je laisse échapper avant de sourire. Il va avoir du mal à dormir sans moi. J'esquisse un sourire, moi aussi. « Dors avec moi le jour. » Je lui demande alors. Je sais que c'est beaucoup demander mais au point où il en est, il est déjà assez chamboulé et décalé  comme ça. Il est presque calé sur mon rythme. Je vous jure que j'aimerai m'adapter au sien, pour une fois, mais ce n'est pas possible. Enfin dans un sens, s'il fait ça, il ne verra pas beaucoup de monde. Et ça, ce n'est pas une bonne idée ! « Non, laisse tomber finalement. » Je lui dis en fronçant les sourcils. J'ai pas envie qu'il s’enferme avec moi.  Il fait une blague sur les sirènes, je lève les yeux au ciel. Mon dieu. Quel jeu de mots, sérieusement. « T'es con. » Je lui balance un sourire sur mes lèvres avant de descendre de la rambarde. « Viens. » Je lui demande alors en glissant ma main glaciale dans son cou. Je monte sur la pointe de mes pieds et je guide sa tête jusqu'à moi. J'écrase mes lèvres contre les siennes. J'en profite parce qu'on est seul, et c'est rare. Sa bouche réchauffe la mienne. Je poursuis quelques secondes supplémentaires avant de relâcher son emprise sur lui. « J'oubliais qu'il fallait que tu respires. » Je me moque alors en m'écartant pour le laisser reprendre son souffle avant de me retourner pour lui faire dos. Je m'accoude à la barrière et je scrute la mer sombre.