Voilà, la deuxième nuit venait de passer tranquillement. J'm'étais endormi plutôt vite, fatigué par la veille, le premier jour. Je crois aussi que j'avais été bercé par les vagues. Ce que je sais, c'est que cette nuit a été bien, c'est peut-être un signe. J'en sais rien, et en fin de compte je m'en fous. J'me réveille, j'me lève, j'me fringue et j'me tire dans la salle de repos, directement. Il n'y a presque personne ici. On nous a expliqué le fonctionnement du bateau, et on nous a dit que tout était à notre disposition dans cette salle. J'me sens donc comme chez moi. J'aperçois une pile de livre, je regarde leur tranches, et je prends celui avec la plus belle. C'est un livre en cuir un peu rougeâtre. Je m'installe donc à la table. Le banc craque sous mon poids, mais je ne m'en préoccupe pas, je contemple le livre. C'est un recueil de poèmes, écrit par un pirate. Ça fera l'affaire pour ce matin. Je pose le livre violemment sur la table en essayant de me rappeler comment faire pour obtenir de la bouffe dans ce putain de bateau. J'hésite encore quant à ce que je vais demander. Bon, pensons à un café à la noisette et un beignet pour l'instant. Je tape dans mes mains, et soudain, une magnifique tasse et assiette apparaissent devant moi, comme par magie, parce que c'est de la magie. Alors, je bois une gorgée et mange une bouchée, puis j'ouvre le livre. Il est orné des signes clichés des pirates, têtes de morts, épées et bateaux. Je commence à lire quelque poème tout en mangeant. Puis je me lève soudainement à la vision d'un hublot, ce qu'il y a derrière m'intrigue. Alors je reste debout à regarder à travers, l'océan qui défile sous mes yeux.

Ce n'est pas parce que j'ai pas dormi de la nuit que j'ai pas faim. Toujours vêtue de ma tenue de la veille, je fais un détour par la salle de bain afin de me changer, et de revêtir une robe noire courte, simple, suffit que je sois à l'aise dedans. J'ignore quand le sommeil m'arrachera au lever du jour alors, autant bien commencer la journée. C'est la deuxième nuit où je ne dors pas, depuis qu'on est sur le bateau. Pas très en forme même si comme d'habitude je ne laisse paraître aucun signe extérieur de faiblesse, je déposesquelques gouttes d'eau sur mon front, mes joues. Pour me réveiller d'un sommeil dans lequel je n'ai jamais plongé. C'est fou comme les gens sont si actifs dès le matin. Sans doute l'excitation des premiers jours qui ne s'est pas encore assourdie. Ça me fatiguerait presque de voir les gens s'agiter autant comme ça. Tôt ou tard, je risque sans doute de sortir de mes gonds ; mais pour l'heure, j'ai réussi à rester dans le rang. Sans faire de vague. Comme le veut la tradition, la salle de repos nous attend, moi et les autres candidats. Première fois que je me ramènes là-bas. Ouais, faire comme les autres ça me fatigue. Mais, à ma surprise mesurée, peu de monde se trouve dans la pièce. Sans doute trop occupés à se maquiller pour paraître parfaits devant les caméras. Soupir intense. Deux ou trois personnes mangent tranquillement, je ne m'en préoccupe pas vraiment, et vais directement m'allonger sur le billard au fond de la pièce, je ne sais pas pourquoi. Comme précisé sur l'écriteau, je tape dans mes mains jointes en pensant fort, très fort à ce dont j'ai envie. Mais malheur, ce n'est pas un donuts qui apparait entre mes paumes mais un petit pain tout défraîchi que j'balance aussitôt à l'autre bout de la pièce. C'est quoi ces conneries encore? Je me lève d'un coup brusque si bien que des étoiles dansent devant mes yeux par le choc mais je m'en fous et les envoie valser. « Pourquoi ça marche pas avec moi? » je demande au premier mec venu, pointant du doigt la bouffe qui se trouve à ses pieds.

Je suis toujours là à regarder dans le vide à travers ce foutu hublot. Ca commence à me gonfler, alors je retourne m'asseoir sur le banc, où j'étais il y a deux minutes à peine. En allant à ma place j'ai du laisser passer une fille devant moi, une brune, Saana je crois, une sirène. Elle est directement aller s'allonger sur le billard. J'ai directement deviné son caractère, juste par cette attitude. Je la vois qui commence à frapper dans ses mains pour obtenir ce qu'elle veut apparemment. Je la vois qui galère à tel point qu'elle ne réussi à faire apparaître qu'un vulgaire petit pain desséché qu'elle s'empresse de jeter plus loin.  Elle commence alors à me demander pourquoi ça marche pas avec elle. Pourquoi moi ? J'étais tranquillement en train de bouffer et de lire. C'est le silence dans la pièce, j'ai l'impression que tout le monde attends ma réponse et qu'elle va finir par s’énerver. « J'sais pas moi, tu l'fais peut être mal ou trop vite » J'vais réessayer pour lui montrer que c'est pas compliqué. J'pense fort et je frappe dans mes mains. J'rigole en voyant apparaître un plat d'algues suintante, encore couverte d'un voile d'eau. « J'espère que ça te va. » j'dis alors sérieusement. Puis je retourne à ma bouffe, tout en jetant parfois, un coup d'oeil à elle, pour l'instant immobile.

Ça m'énerve, pour une fois que j'essayais de faire comme les autres, il faut que les choses n'aillent pas dans mon sens. Je prends ça comme un signe, à l'avenir je resterai bizarre et c'est tout. Sans me poser de question. Apparemment, je viens de déranger le mec à qui j'ai adressé la parole, vu qu'il paraît paumé par ce que je dis, même s'il semble plein de bonne volonté. J'allais m'excuser du dérangement, mais en fait non. Flemme de gaspiller ma salive pour des paroles inutiles. « Le faire mal ? Tu rigoles ? Je n'pense pas qu'il y ait trente-six façons de taper dans ses mains. » C'est le comble, ça. Du coup, comme une idiote, j'essaie de taper dans mes mains de façons différentes. Plus ou moins rapidement, plus ou moins avec le côté des paumes, plus ou moins doucement. Et, à chaque fois, des trucs plus ou moins réussis apparaissent sur la table devant nous. Du lait, un pain au chocolat, et même un poulet rôti. Ah ouais. Quand même. « Et on fait comment pour faire disparaître ça maintenant ? » J'espère que le mec a une réponse à ma question parce que je suis au bord de la crise de nerf, autant le dire. « T'es quoi au fait ? » je demande, tandis qu'il fait apparaître un plat d'algues devant moi. Il a l'air plutôt doué dans ce qu'il fait. Première fois depuis le début de l'aventure que ma mémoire me joue des tours, la garce. Je me rappelle bien sûr des prénoms de tous les candidats, mais celui-ci a visiblement glissé entre les mailles. Trop discret. Même son prénom m'échappe. Nouvelle source d'agacement. « T'es mignon mais des algues dès le matin.. » Je ris sans bruit parce qu'il est gentil quand même.