Cette journée ne pourrait pas être meilleure, et vous savez pourquoi ? Parce que c’est la putain de nouvelle lune. Eh ouais, cette salope ne peut rien me faire. Quoique je me demande si trottiner gaiment les jours de nouvelle lune ne consiste pas en soi à se faire manipuler par l’astre nocturne, mais peu importe. Je ne me soucie pas non plus du fait que ce soir se dérouleront les nominations, même si mon cul est sérieusement en danger au vue des relations que j’entretiens avec certains candidats du château. Mais ils n’auraient pas osé voter contre moi ces bouseux, si ? Bref, je suis tellement à l’ouest que je me pointe dans la mauvaise salle de bains, un étage en dessous, mais faut dire qu’ils se ressemblent tous ces étages. Je trouve que ça manque effectivement de bleu, mais je me dis que la vieille peau a peut-être décidé de refaire la déco. Et c’est en observant sous toutes les coutures ma gueule de beau gosse en me répétant à quel point j’suis un vrai tombeur, que je remarque un morceau de boue magique toujours accrochée sur une partie de mon cou. Ah la garce, elle est tenace ! Je fais tomber mon pantalon et mon t-shirt sur le sol, conservant mon boxer parce que j’ai trouvé la technique qui tue pour éviter de créer une émeute en montrant mon cul à la télévision. Le truc je le lave aussi, par la même occasion. C’est bougrement intelligent hein ? Ouais je sais. Je me dirige vers les douches que j’ai un peu de mal à reconnaître, et quand je vois le nabot en train de nettoyer sa crasse je me dis qu’il n’est pas gêné de squatter notre salle de bains. Les jeunes de nos jours, ils ne respectent plus rien. C’est seulement en marchant sur du carrelage au lieu des galets qui me niquent habituellement les pieds, que je comprends qu’en fait c’est moi, qui me suis sans doute planté d’étage. Mais bon, maintenant que j’suis là hein. J’avance doucement près de sa silhouette, j’crois qu’il a les yeux fermés –dommage pour lui-, et tourne le robinet vers la gauche pour transformer l’eau chaude en eau glacée. « Désolé mec, j’espère que j’interromps rien de gênant. » Non, je ne suis pas en train d’insinuer que le gosse était en train de s’accorder un petit moment de plaisir solitaire. En même temps, il aurait bien raison. « Et ne t’avise pas de penser à ma partenaire en faisant tes cochonneries. » Je lui jette un regard menaçant, au cas où, mais je n’ai pas franchement envie d’imaginer un truc pareil. « Puis si t’en as marre de fantasmer tu sais, y’a toujours la folle du cul qui a l’air bien intéressée. » Je scrute les environs du regard avant de me pencher vers lui. « En plus, c’est un sacré bon coup la meuf. » Je chuchote presque avant de frotter mon cou en allumant une autre douche. J’ai bien envie de lui demander s’il sait utiliser les préservatifs, histoire de lui donner quelques conseils, mais je suis persuadé qu’elle sera une très bonne instructrice.

C’est difficile le matin pour Nico. Il a déjà fait un exploit l’autre jour en se levant aux alentours de neuf heures pour aller pêcher, mais il était pas vraiment prêt à voir l’histoire se répéter. Sauf que quand Adonis donne un gros coup dans le lit à l’improviste, le petit gars se sent émerger de son rêve brutalement. Il met un instant à comprendre où il est. La chambre. Très bien. Le lit, très bien. Son regard ahuri parcourt un instant la pièce jusqu’à se poser sur le corps à ses côtés. Nico râle un peu, il se retourne et serre sa tête dans son oreiller. Mais rien n’y fait, ça ronfle trop fort de partout. Nico se tourne une fois, deux fois, il fait bien bouger le matelas histoire d’embêter un peu son binôme – qui aime bien châtie bien – et puis finit par se lever. La bouche un peu pâteuse et les yeux à moitié fermés il s’engouffre dans la salle de bain. Ni une ni deux il fait tourner l’eau chaude et se faufile sous la douche. Sans blague, c’est un moment assez sacré pour son réveil à Nico, la douche bien chaude. Il laisse tomber son calbar à ses pieds et ne tarde pas à se tartiner les cheveux de shampoing et le corps de savon. Réveil en douceur. Ouais, plus pour longtemps. Quand il sent quelqu’un rentrer Nico ne s’inquiète pas trop. C’est normal des allées et venues dans la salle de bain, ils vivent en communauté après tout. Mais par contre quand l’eau devient glaciale ça va moins bien. « Putain mais qu’est-ce que vous avez ce matin ?! » C’est quoi, ils se sont tous ligués pour les lui briser dès le réveil ? Ne sentant pas l’eau se réchauffer il finit par rattraper son caleçon et l’enfile rapidement. Peut-être que y’a un problème de chauffe-eau ? Il est prêt à aller jouer le plombier s’il le faut. Mais non, même pas le temps d’ouvrir un œil qu’il entend une voix. Et ça lui plait pas trop. « Bien l’bonjour à toi aussi Sullivan ». Ca siffle un peu entre ses dents. Et ça l’énerve d’autant plus lorsque le loup-garou enchaîne ses conneries avec un ton guilleret. Nico hoche la tête de droite à gauche et puis rallume l’eau chaude histoire de se débarrasser du savon qui lui brûle les yeux. Il décide d’ignorer du début à la fin les petites blagues et remarques de l’autre, et lorsqu’il l’entend ouvrir l’eau dans la douche à côté il finit par ajouter. « Bon ça s’passe comment on t’a déjà viré de ton dortoir parce que t’es trop insupportable ? » Non sans blague, y’a pas moyen d’être un peu au calme dans ce foutu château ?

Le nabot n’est pas très engageant ce matin, à croire qu’on l’a réveillé avec un sceau d’eau sur la tronche. En même temps, c’est vrai que je ne le mets pas franchement à l’aise. Il me salue, quand même c’est sympa, et je ris légèrement à sa remarque sur mon dortoir. Il n’a qu’à dire que je suis indésirable aussi. « Oh pardon mon pauvre chou, tu t’es levé du mauvais pied ce matin à c’que je vois. » Et vous, vous le voyez ce sourire carnassier sur ma gueule ? Bon sang, je suis tellement content d’avoir trouvé une nouvelle victime dont je n’ai pas encore testé les limites que je ferais presque une danse du ventre pour les téléspectateurs. En tout cas je viens d’apprendre une chose, les petites blagues foireuses ne lui font pas le moindre effet. Il les ignore, tout simplement. Je lorgne en direction du nabot et franchement, j’ai beau me foutre de sa gueule mais il est quand même bien roulé le mec. Pas aussi bien que moi, c’est clair, mais il a à peine achevé sa puberté aussi. Et là, l’idée naît toute seule dans mon esprit tordu, et s’il pouvait voir mon regard de prédateur il s’échapperait probablement sans demander son reste. « Allez, je vais te shampouiner pour me faire pardonner. » Et je me colle à son dos sans demander la permission, glissant mes mains dans ses cheveux plein de produit. Puis je commence à frotter doucement son crâne, l’air de rien. J’crois bien qu’il est hétéro le mec, parce que c’est pas parce qu’on est puceau qu’on n’sait pas ce qui nous intéresse, aussi je suis à peu près certain qu’il appréciera moyennement la situation. Parce que là je suis clairement en train de jouer les coiffeurs collants, et tout le monde sait que les coiffeurs sont tous de la jaquette. « Y’a rien de mieux qu’un massage pour se détendre. » Je lui souffle à l'oreille d'une voix suave, juste pour aggraver mon cas.

C’est vrai qu’il a quelques à priori sur Sullivan, le Nico. C’est sans doute parce qu’il se sent complètement différent de lui. Pas vraiment confiant. Incertain par rapport à ses pouvoirs. Discret. Oui, face à Sullivan il se sent écrasé, impressionné. Comme un gamin qui flippe face à son grand frère menaçant. Face au grand méchant loup. C’est ça. Mais les frères, c’est aussi fait pour être embêté, non ? Nico essaie de se détendre. Oui c’est le matin, non il ne s’est pas réveillé de bonne humeur, mais est-ce qu’il a envie de se disputer ? Là, sous la douche ? Non. Surtout que ouais, c’est un peu bizarre de se retrouver ici. Heureusement qu’il a eu le bon sens de remonter son froc vite fait bien fait. Il est même prêt à être agréable, à faire une autre blague quant à la présence du loup ici. Mais l’autre est trop rapide. Beaucoup trop rapide. Encore, quand ça parle de shampoing, Nico se dit que ça va être une boutade, mais quand il sent le corps de Sullivan se coller au sien, il n’est plus vraiment aussi amusé. Surtout qu’il est bloqué, là, à quelques centimètres du mur. Il va pour se décaler, mais Sullivan l’attaque déjà en lui posant les mains sur les cheveux. Putain quel con, pense Nico. Il se mord la lèvre. Et quand Sullivan commence vraiment à le shampouiner il a l’impression de sentir ses poils se hérisser. C’est pas possible ce gars, pire que la peste. Il s’incruste et il lâche pas. Au son de sa voix Nico hésite franchement à user son pouvoir. Juste pour lui faire comprendre que c’est bon, on arrête de déconner deux secondes. Mais il a beau sentir ses muscles se tendre il a pas vraiment envie de dévoiler son pouvoir comme ça. Là, dans une situation aussi débile. C’est vrai quoi, il préfère garder la surprise pour les premiers duels. Sans parler du fait qu’il y a une chance sur deux qu’il ne le contrôle pas bien, et alors là ça enfoncerait juste le couteau dans la plaie. Bref, ça se passe très vite dans sa tête, et en un quart de seconde il attrape le robinet et se laisse glisser sur la droite, tournant l’eau avec. Et paf Sullivan qui s’était malicieusement faufilé sous sa douche se retrouve aspergé par le jet d’eau glacé. Et y’a un truc qui lui fait penser que les loups, déjà ça aime pas trop l’eau, mais en plus l’eau froide… Voilà quoi. Nico sourit, un peu amusé, et il tarde pas à attraper le gel douche et à le vider à moitié sur les épaules de Sullivan. « Bah alors mon loup j’crois que tu t’es pas bien frotté toi aussi » Ca vire un peu à la bataille débile, mais c’est ce qu’on fait avec des grands frères, non ? Nico en tout cas il voit la chose comme ça. C’est bon, il s’est un peu détendu. Il finit par s’approcher du loup et lui tapoter les épaules, avant de lui sauter à moitié dessus et de lui frotter le crâne avec son poing. Un vrai gamin. Il se met à rigoler.

Je sens tous ces muscles se tendre à mon contact, et si j’avais été prétentieux j’aurais juré que c’est parce que je lui fais de l’effet. Mais voyez-vous, ce n’est pas mon genre –non non, pas du tout-. Je vois bien qu’il est à deux doigts d’exploser et je m’attends à une crise de nerfs, un poing dans la figure, l’utilisation de son pouvoir dans ma tronche –d’ailleurs, son don consiste en quoi ?-, mais rien de tout ça ne se produit. Il se laisse masser un long moment, visiblement en pleine réflexion, et puis d’un seul coup il se met en action. Sans prévenir la fouine, et il est beaucoup rapide que ce que j’aurais imaginé. Je pousse une espèce de cri entre le grognement et le « connard » pendant qu’il m’asperge d’eau froide. En fait je m’en fous un peu d’être mouillé, je n’suis pas l’un de ces cabots qui tremblent au bord d’un lac, mais ce petit con vient de ruiner ma coupe de cheveux impeccable. Ouais c’est vrai je viens à peine de me réveiller, mais quand même, ça ne se fait pas quoi. « Ok ça va, j’te tripoterai plus sans permission ! » Genre il va me la donner. J’essaie d’implorer sa clémence comme si j'avais trop peur de lui, mais le nabot ne s’arrête pas en si bon chemin –ça m’aurait étonné aussi-. Je me retrouve aveuglé par du gel douche pendant qu’il me nargue et me saute dessus en me rendant la monnaie de ma pièce. Wow, c’est quoi cette attaque de gremlin là, pas vraiment dans mes plans. Mais j’peux pas m’empêcher de me marrer comme un idiot moi aussi, ployant mon dos sous son agression. En attendant j’y vois que dalle moi, ce truc me pique les yeux c’est l’enfer. Mais je me fie à mes autres sens pour attraper le gamin qui gigote et le balancer sur mon épaule comme un sac de patates. Pas très difficile étant donné ma force hors du commun. « Dis pardon ou t’as l’droit à la fessée cul nu. » Roh, ce serait trop la honte pour lui de le faire vraiment, ça réveillerait des souvenirs de sa mère le punissant d'avoir maté à travers le trou d'la serrure. Mais quand même, j’suis pas un bâtard au point de vouloir l’humilier devant des milliers de téléspectateurs. Déjà qu’il est puceau, ça suffit comme ça le pauvre. Puis je passe ma main sur mes yeux pour retirer ce fichu gel douche avant de lui pincer la cuisse, histoire de le faire réfléchir le petit merdeux.

C’est que ça commence à l’amuser le Nico. Ca y’est il est de bonne humeur. Il lui faut pas grand-chose en fait, pour se sortir de sa mauvaise lancée le matin. Un sourire ou une bonne blague c’est amplement suffisant. Alors bon, essayer d’emmerder ce grand méchant loup qu’est Sullivan, il est comblé faut croire. Et quand il « s’excuse » presque, ça le conforte d’autant plus dans son envie de continuer. Oui il lui saute sur le dos, un peu comme un ninja qui attaque sa victime par derrière. Bon, peut-être pas aussi élégamment que l’aurait fait un maître des arts martiaux, mais passons. Et oui il commence à lui frotter le crâne avec son poing. Il sait que c’est pas agréable, il détestait quand son grand-père le lui faisait quand il était petit. Mais ce con est trop rapide et en deux temps trois mouvements Nico se retrouve perché là-haut, sur son épaule, un peu comme une anguille égarée hors de l’eau. Il essaie de donner des coups de jambes pour faire lâcher prise à Sullivan. Mais bon lui aussi il se marre, alors c’est plus gentil qu’autre chose. Surtout que le loup est encore yeux fermés à se battre avec le savon. Ca doit donner une jolie scène. Sérieux si quelqu’un rentre à ce moment leur réputation est un peu niquée pour le reste de l’aventure. « Pfouah t’as cru que j’me laissais vaincre aussi facilement ? » C’est pas qu’il a franchement envie de se faire ridiculiser devant tous les téléspectateurs là, mais comprenez c’est beaucoup plus qu’une simple session d’emmerdement mutuel là. C’est un jeu, et il a pas vraiment envie d’abandonner comme ça. Nico se laisse échapper un râle quand l’autre débile le pince, et il finit par abattre ses deux mains sur les yeux de Sullivan. Genre eh, c’est peut-être un loup et il a plein de sens cachés comme les clébards, mais c’est quand même jamais agréable quelqu’un qui vous cache les yeux comme ça. Surtout que Nico se met à tirer ses joues, en lui faisant faire des grimaces dignes d’un concours de mocheté. « Dis coucou à la caméra » Et lui-même fait un grand sourire, genre pour faire croire aux téléspectateurs qu’il maîtrise finger in the nose la situation. Par contre c’est pas qu’il est pas confortable là-haut perché comme un corbeau, mais bon voilà quoi. « Bon tu me lâches, oui ? » qu’il finit par ajouter, avec ce ton du mec trop sérieux. Il est en train de gagner la bataille donc Sullivan est un peu forcé de faire ce qu’il veut, vous comprenez ? C’est la loi.

Eh, mais c’est qu’il me fait mal ce nabot, à gigoter comme ça. Parce que j’ai beau le surnommer comme l’un des compagnons de Blanche Neige, le type est aussi grand que moi. C’est plutôt pour souligner son âge, vous voyez. Il me menace, et franchement j’ai presque peur –j’ai dit presque-. Parce que vu sa précédente attaque, je m’attends à un truc bien vicieux. On pourrait limite s’imaginer qu’on s’entraîne pour les prochains duels lui et moi, et honnêtement pour l’instant je lui mets une pâtée monumentale. Laisse tomber mon p’tit, t’as aucune chance. D’autant plus que je viens de retirer la mousse sur mes yeux et que je commence à voir de nouveau. Par pour longtemps ceci dit, parce que le morveux plaque ses mains sur mes pauvres paupières déjà rougies par le shampoing. Ouais, pas très utile étant donné que je n’ai pas l’intention de bouger, sauf que ses doigts déforment mes joues, comme ceux des vieilles qui vous complimentent en transformant votre bouche en immonde grimace. « BORCHDEL. » C’est ce que j’arrive à articuler péniblement, mais j’imagine qu’il comprend clairement le message. J’attrape ses doigts de ma main libre pour les dégager de mon visage, lui tirant le caleçon pour offrir une jolie vue aérienne sur son popotin à la caméra. « Dis coucou à la caméra. » Je répète en écho à sa précédente phrase, me marrant comme un tordu de cette blague totalement puérile. Et puis je le relâche, quand même, avant qu’il ne s’agite trop et tombe la tête la première sur le carrelage. Sait-on jamais, je ne voudrais pas être accusé d’homicide involontaire. Cirer le sol des escaliers en revanche … Bref. Je me calme avant de me pencher pour ramasser la douche que je remets à sa place, tendant la main au nabot comme une offrande de paix. « On fait une trêve ? » Genre, pouce, vous voyez. Mais un pouce qui dure, quand même. « On sait tous que tu vas te faire humilier, de toute façon. » J'ajoute avec un sourire. C'était trop tentant.