Breiv & Jea

You're just a pain in my ass

L'aventure avait débuté depuis cinq jours et Jea n'avait quasiment pas échangé le moindre monde avec l'autre morue blonde qu'on lui avait collé comme partenaire. Bon ce n'était pas vraiment une mauvaise chose, discuter avec les sirènes lui donnait de sérieux maux de têtes, les écouter raconter leurs conneries était encore plus fatigant qu'écouter le vieux Ambre raconter ses histoires de la dernière guerre contre les vampires. Mais pourtant, il ne pouvait échapper que l'autre poisson allait être son partenaire pour une durée indéterminée, qu'une fois à destination ils allaient partager un lit – cette idée le dégouttait déjà par avance – et qu'en plus leurs destins seront étroitement liés. Alors autant faire des petites formalités histoire de ne pas complètement gâcher cette aventure. Ravalant le peu de fierté qui lui restait, il s'était mis à la recherche de la blonde sur tout le bateau.
Il la trouva dans une salle de repos, un livre à la main. Tiens les sirènes savaient lire, il ne savait pas. Elles n'étaient finalement pas si débiles que cela. Il oublié très vite son affirmation lorsqu'il arriva juste à côté de cette dernière, elle était en train de feuilleter un bouquin qui s'intitulait 'Écailles coquillages poissons et fruits de mer : comment mettre la mer dans mon assiette', qu'elle tenait en plus de ça à l'envers. Jea soupira, son aventure allait être dur, très dur. Il se mit assis à côté de lui et dans un élan de bonté retourna le livre que la blonde tenait dans les mains pour qu'elle puisse le voir dans le bon sens. «  Omelette d’œuf de sirènes aux champignons des forêts du Nord. Ma mère m'en faisait tous les hiver quand j'étais petit, j'adorais ça. » Oui, bon peut être que dire qu'il aimait bouffer sa progéniture n'était pas le meilleur moyen sur terre pour briser la glace... Mais Jea n'était pas vraiment connu pour un être un maître dans l'art des sociabilités. Et puis de toute manière c'était pas comme si parler de cela lui avait donné envie d'en remanger, qu'il y aurait pensé tellement fort que l'assiette serait apparu sur ses genoux … Ah si, il vient tout juste de le faire finalement.
Il en prit une bouchée sans trop se soucier d'elle. «  Bon je ne t'aime pas vraiment … Pas du tout même ! Mais on va devoir faire équipe alors je pense que le minimum ce serait qu'on se présente. Donc moi c'est Jea, loup-garou, futur gagnant de Golden Valor, blablabla. » Bon pas la peine d'ajouter le et toi, il imaginait qu'elle n'était pas stupide au point de ne pas le faire d'elle-même.

Ce livre, une véritable tuerie. Breiv n’avait guère eu le temps de beaucoup lire durant ces quelques jours sur le bateau de Golden Valor et pourtant, elle arrivait aux dernières pages de la mécanique du cœur de Mathias Malzieu. Un délice. A l’état pur. Un petit bijou. Bref, elle ne se sentait pas le cœur de lâcher le roman jusqu’à ce qu’elle soit arrivé au dernier et pourtant… un élément perturbateur avait décidé de couper court à cet instant niché en plein dans le merveilleux. Jea. Ah tiens, il ne s’était pas noyé lui ? Breiv aurait juré qu’il était tombé à l’eau. Ou bien qu’il avait tout simplement oublié l’existence de sa partenaire. Mais la vérité était qu’elle l’avait bien vu l’éviter toute la semaine comme si elle n’était rien d’autre que la peste. Pas un gars très sociable ce Jea, ni même très sympathique. Carrément antipathique à vrai dire. Hum, Breiv n’avait guère envie de discuter avec lui, d’autant qu’il venait de briser son moment de lecture. Ce gars-là ETAIT la peste, elle en était presque certaine. Elle posa en vitesse son livre de Malzieu à côté d’elle – pensant ne pas être à l’abri d’une connerie de la part de ce garçon foncièrement méchant – et attrapa au pif un livre qui traînait par là et le mit devant ses yeux. Des… Coquillages ? Merde, le livre était à l’envers, elle s’était trop précipitée. Et voilà qu’elle ressemblait de nouveau à une cruche. Tout cela n’était qu’une ignoble adition de circonstances. Jea ne se gêna pas pour retourner le livre, du genre geste moqueur. Et il ramenait un peu de méchanceté avec lui, en foutant sous le nez de la sirène sont omelette répugnante. Elle s’éloigna de quelques centimètres. Jea était immonde. « Charmant. Belle entrée en matière. » Il avait eu le toupet de ne pas daigner lui offrir ne serait-ce qu’un regard et à présent, il parlait d’omelette d’œuf de poisson ? Mais il vivait dans quel monde ce barge ? Elle évitait tout simplement de le regarder manger son infâme repas. Ouah. Il était franchement sympathique EN EFFET. Voilà qu’il venait de lui dire tout net qu’il ne l’aimait pas. La chose était au moins claire. « J’ai le plaisir de t’annoncer que la chose est réciproque. » Par Merlin, d’où sortait ce gamin et qui l’avait élevé ? C’était une… plâtrée de mépris, d’orgueil et de méchanceté et encore d’orgueil. Où Breiv était-elle tombée ? Elle n’en revenait pas de pouvoir croiser autant de gens de ce caractère-ci dans un si petit bateau. Les producteurs avaient fait forts cette année pour trouver le plus grand cru des candidats narcissiques, méprisants et méprisables. « Breiv, sirène. » Voilà qui suffirait pour les présentations. « Ceux qui s’annoncent vainqueur dès le début ne le sont généralement pas à la fin, mon pauvre garçon. je sens que tu ne vas pas faire long feu. dommage que je sois tombée avec un perdant. » Ouais, leur côté désagréable déteignait sur elle, et elle n’aimait pas vraiment ça. « Ce jeu est aussi basé sur le travail d'équipe, or tu ne sembles pas trop taillé pour la chose. »