A me voir traîner comme ça, parmi les étagères de nourriture, on pourrait presque croire que je suis venu piquer quelques gâteaux pour faire taire ma faim de loup –ah ah, elle est bonne celle-là-. Mais au vue du chiffon posé sur mon épaule, j’essaie plutôt de véhiculer l’image du mec qui met la main à la patte. Je n’ai jamais compris pourquoi, mais les nanas trouvent ça excitant de voir un type qui fait le ménage. Franchement je ne vois pas ce qu’il y a de séduisant à agiter un plumeau, mais passons. Pour tout vous avouer j’ai hésité avec l’un des nombreux aspirateurs –comme si cette activité se faisait collectivement-, mais je ne suis pas certain de savoir faire fonctionner ce machin. Rassurez-vous, je n’ai aucune intention de réellement prendre part à cette tâche ingrate, j’ai compté treize femme dans cette maison –d’ailleurs il va falloir y remédier, c’est un putain de mauvais présage- et elles ont toutes l’air compétentes pour remplir cette fonction. S’il y a un placard qui se casse la gueule, la machine à laver qui rend son dernier souffle, le frigo qui cesse de fonctionner, je suis l’homme de la situation, mais y’a des trucs qu’un homme ne devrait jamais faire, et s’amuser à chasser la poussière avec une chaussette usagée en en fait partie. Bref, je suis sur le point de quitter la buanderie pour aller feinter dans les différentes pièces du château, lorsqu’un petit frigo attire mon regard. C’est surtout le logo représentant des crocs qui retient mon attention, et je ne tarde pas à comprendre ce qu’il nécessite de mettre au frais pour une bête pourvue d’une dentition aiguisée. Du sang. Là-dedans reposent probablement des poches d’hémoglobine bien fraîche pour nos amis les vampires, que je n’ai d’ailleurs toujours pas identifiés. Mais étant donné la taille de l’objet, ils ne doivent pas être nombreux, à moins que la prod’ ait décidé de les affamer. Et suivant le fil de mes réflexions, une idée tordue ne tarde pas à germer dans mon esprit. Les affamer, ce serait un bon choix stratégique ça, non ? Sans prendre en considération les menaces de la vieille peau concernant sa capacité à nous surveiller aussi attentivement –et sournoisement- que Big Brother, je m’active vers le local d’entretien pour m’emparer d’un sceau. Je m’accroupis près du frigo pour en soulever le couvercle, puis défait la chaîne qui trône autour de mon cou afin d’attraper le pendentif : une croix aux branches piquantes. Je prends soin de jeter un œil derrière mon épaule avant de choisir une poche de sang et de l’éventrer à l’aide du petit Jésus qui se retrouve bientôt imbibé d’un liquide visqueux et rougeâtre.

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La nuit avait été horrible et quand je dis horrible, ça veut bien dire horrible. Nous dormions dehors et honnêtement c'était pas génial. Certes, je suis une fée, mais vous n'allez pas me croire, j'ai une maison ! Je ne vis pas dans les arbres ou que sais-je. Je faisais des aller et retours tout en ronchonnant. Je devais mettre trompé d'émission, ils ont cru qu'on allait faire Koh Lanta. Même si Bear Grylls m'avait appris à faire un abris avec deux bouts de bois et une feuille de palmier, ça me tentait pas vraiment. Je continuais à me plaindre intérieurement en trainant du pied. Le pire dans tout ça c'est que je m'ennuyais. Heureusement une chose me remonte toujours le moral, la nourriture. J'avais tellement faim que j'aurais mangé un ours entier. Je me dirigeais vers le garde manger quand j'aperçus quelqu'un qui était déjà là. Il ne 'avait pas remarqué. Visiblement il était en train de vider les poches de sang des vampires. Le pire c'est que ça avait l'air de l'amuser. Sale type. Il était pas capable de gagner à la loyal. Je me rapprochais de lui avant de lui dire. « Tu veux un coup de main ? » Avant qu'il ne croit que je voulais l'aider je rajoutais. « Enfin ça sera pas un coup de main dans le sens que tu l'espères. » J'étais pas du genre à défendre la veuf et l'orphelin, mais j'avais trop faim pour revenir à la raison. Je soupirais avant de le laisser pour me prendre un bout de nourriture, n'importe laquelle. J'ai faim. Je vis alors un morceau de gâteau à côté du type. Je reportais mon regard sur lui, puis sur le gâteau. Si jamais il y touche, il est mort. Et puis je l'avais vu en premier c'était à moi et pas à lui. Je me résolu à lui parler de nouveau. « ... C'est quoi ton prénom ? Pas que ça m'intéresse, mais je vais pas t'appeler l'autre ou toi tout le temps. Surtout si on doit parler. » Malgré que je ne sois pas la plus sociable, j'avais un minimum de savoir vivre tout de même.

J’aurais pu m’en douter, c’est vrai, se retrouver avec vingt-trois autres candidats rend la tâche plus ardue quand on est animé par de mauvaises intentions. Y’a forcément un péquenaud qui va se pointer pour te faire une leçon de morale, et dans mon cas j’aurais pu me douter qu’il s’agirait de la fée vorace. La vieille peau avait raison, cette nana doit penser à la bouffe comme elle respire, même si au vue de son gabarit aussi développé que celui de ma partenaire on n’aurait pas parié un doigt. Je pense l’avoir mal jugée lorsqu’elle me propose son aide, ouvrant même la bouche pour la convier à ma petite entreprise, cela dit elle me devance en apportant une précision essentielle. Je tente alors de trouver une excuse bidon du genre : ‘je voulais repeindre le mur de la cuisine en rouge’, mais à la place je me contente de dire : « Non mais ce n’est pas ce que tu crois. Tu vois toi t’es une affamée de gâteau … » Je lui tends le paquet qu’elle lorgne avidement sans oser tendre la main pour l’attraper, comme j’allais la lui bouffer –en même temps elle a raison de se méfier-. « … moi mon péché mignon c’est le sang. » Mytho.com, bonsoir. Non pas que j’ai besoin de me justifier voyez-vous, tout ce que je fais est irréprochable par nature, mais je commence à percevoir un peu trop de regard méprisants dans mon dos, il serait peut-être temps que je passe à l’offensive pour conquérir le cœur des candidats. D’un autre côté je ne suis pas tellement un adepte des mensonges pour la manipulation, mais elle va bien se douter que de toute façon, je raconte n’importe quoi. Parce qu’en portant le sang à mes lèvres pour lui prouver ma bonne foi, je m’étouffe comme un adolescent pré-pubère qui fume son premier joint. « J’ai toujours eu du mal avec le AB +. » Et la marmotte elle met le chocolat dans le papier d’alu … En même temps je lui ai filé un paquet de gâteau, je suis forcément dans ses petits papiers maintenant, pas vrai ? Dommage que je ne possède pas la capacité de me transformer en petit LU géant lors des combats, ça aurait été bien utile pour contrer ses attaques. Je me rends compte que je n’ai même pas répondu à sa question, parce que les présentations ça m’intéresse peu. « Sullivan, au fait. » Je ne prends pas la peine de lui retourner la politesse, parce qu’elle restera la fée vorace dans mon esprit, mais je me souviens de mes bonnes résolutions alors je fais l'effort. « Et toi ? » Puis si j'arrive à retenir un prénom, ce sera pas mal.

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Quel boulet ce type ... Je pouvais sentir sa bouletitude à dès kilomètres. Il fallait pas être devin pour se rendre compte qu'il était une vraie quiche. Enfin je lui laissais une seconde chance pour se rattraper, surtout qu'il m'avait proposé le gâteau que je regardais fixement. Je n'osais pas le prendre, on sait jamais c'était peut-être un piège. Et le voilà maintenant qui me raconte que son pêché mignon c'est le sang. Je lève les yeux au ciel. Il pense sérieusement que je vais avaler cette histoire ? J'avale beaucoup de choses, mais pas ça. Et maintenant il est en train d'en manger ... Au moins il allait jusqu'au bout dans sa connerie. J'attrape le paquet qu'il venait de reposer quelques secondes plus tôt quand il essayait de boire du sang. Alors, comme ça il s'appelait Sullivan, intéressant c'est sûr que j'allais pas l'oublier lui. « Dieu, appelle moi Dieu. » lui dis-je sans rigoler et tout en mangeant mes gâteaux. De toute façon voyant le personnage, je doutais qu'il se souvienne de moi. Mon ventre commença à gargouiller et quand j'ai faim je deviens la pire des filles de tout l'univers, je pourrais faire un massacre. Évidemment Sullivan était sur mon chemin. Dommage pour lui. « Bouge, sinon je grave mon nom sur ton cul avec un pic à glace. » lui dis-je en le fixant comme-ci c'est lui que j'allais avaler. C'était une crapule donc je n'avais aucun remords. D'ailleurs je n'avais pas souvent des remords. En faite je n'attendais même pas qu'il bouge et je le bousculais pour récupérer de la nourriture. Tout en mangeant je lui posais une question. « Mmmh t'es quoi toi au juste ? Te méprends pas je fais juste la conversation apparemment ça aide à se sociabiliser. » Me sociabiliser. C'est dur à réaliser comme concept. En y réfléchissant j'aurais dit qu'il était un loup-garou, cela expliquerait son air bourrin tout l'inverse d'une fée. « Je t'ai vu lors du prime, du moins étendu. T'as pas l'air de te prendre pour de la merde. » D'accords on juge pas sans connaitre, mais désolé je suis comme ça.

J’y crois pas, j’étais sur le point de lui faire la même blague –celle relative à Dieu-, mais je l’ai trouvée tellement pourrie que je me suis abstenu. C’est à peu près le même niveau que celle du mexicain et du café, vous voyez. A croire que son humour n’est pas bien meilleur que le mien, c’est bon à savoir. Même si je doute qu’elle soit susceptible de se bidonner, vu la tronche qu’elle tire. Ce château est visiblement dépourvu de gens capables de se dérider. Sérieusement, ils ont tous cet air renfrogné passablement lassant et s’offusquent pour la moindre petite chose. On peut être intimidant et un minimum sociable, si c’est ça qui les angoisse. Et c’est qu’elle ne s’arrête pas là la blondasse vorace, elle m’agresse carrément comme une junkie en manque de came. « Tu vas un peu vite là ma jolie, on n’est pas encore assez intimes pour ton nom sur mon cul. » Railleur ? A peine. « Enfin, c’est une chose à laquelle on peut remédier. » Je fais quand même remarquer, sûr de moi. N’en pêche ces candidats sont vraiment tous des malades, entre le mec atteint du syndrome de Peter Pan, la geisha hystérique, la fée kaïra et ma partenaire marmotte, j’ai l’impression de vivre dans un zoo de bêtes curieuses. Je l’observe tandis qu’elle attrape un autre paquet de gâteau –merde, c’est fou la quantité de bouffe qu’elle peut avaler en si peu de temps-, relevant un sourcil. « C’est clair que la socialisation, c’est pas ton point fort … » Je rétorque du tac au tac, attrapant sa perche bien tendue. « Si tu veux un conseil, évite d’employer le mot ‘bouge’, ‘cul’ et ‘pic à glace’ dans la même phrase. » Ouais parce que généralement, ça ne fait pas bon ménage. Je ne prends pas la peine de répondre à son interrogation, je fais simplement apparaître deux crocs que je lui dévoile pour qu’elle fasse le calcul et étant donné ma piètre prestation avec les poches de sang, je suis à peu près certain qu’elle ne va pas me placer parmi les vampires. « Parce que tu te considères comme étant une merde, toi ? » Non mais attendez, ça me fait toujours rire quand on me dit ça. Quelqu’un qui est en paix avec lui-même, on le méprise, mais la plupart des gens sont des hypocrites. Ils s’aiment tout autant que moi sans se l’avouer, ou le dissimulent volontairement pour éviter d’être qualifiés d’égocentrique. Mais si tu ne t’aimes pas, t’es un peu mal barré pour passer le restant de tes jours avec toi-même. « Je sais ce que je vaux, c’est tout, et je ne m'en cache pas. Et puis si je me surestime, c'est plutôt positif pour vous, non ? » Ouais parce que si on y réfléchit bien, je préfère un gars qui prétend être un Terminator et qui se révèle être aussi inoffensif qu'un gamin de trois mois, qu'un petit con qui te jure être une feuille tremblante alors qu'en fait il va te botter le cul à la première occasion. Au moins, c'est honnête. Qu'elle ne se méprenne pas cependant, je vais l'humilier sans scrupules devant des milliers de téléspectateurs, et tout le monde comprendra alors pourquoi je clame à qui veut bien l'entendre que je suis le futur gagnant de ce jeu.

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Décidément c'était pas mon jour, moi qui pensais pouvoir être seule avec mes gâteaux et mon pot de nutella et bien c'était raté. J'y avais été un peu fort avec Sullivan je dois bien l'avouer, mais il avait tellement la tête à l'emploi que c'était dur de résister au fait de l'agresser. On n'est pas encore assez intimes ? Tout de suite il fallait qu'on soit intime pour que je lui grave mon prénom sur son cul. Il y a pas besoin d'intimité pour ça. Je ne relevais même pas sa remarque sur le fait qu'on pouvait devenir intime. Je me contentais de lever les yeux au ciel et de continuer à manger mes gâteaux. De toute façon il aurait encore trouvé quelque chose à me répondre. « Si tu veux un conseil, évite d'employer le mot 'bouge', 'cul' et 'pic à glace' dans la même phrase. » qu'il me dit. « Très bien la prochaine fois j'utiliserais déguerpi, fesses et bâtonnet. » lui répondis-je tout simplement. Quand je lui posais la question sur ce qu'il était il me montra tout simplement ses crocs. J'aurais pu faire la blague du "je me disais bien que ça sentait le chien mouillé" mais je trouvais ça trop classique et il avait déjà eu le droit à celle de Dieu. Le fait qu'il soit un loup je trouvais ça fascinant. J'avais bien envie de voir sa forme de loup. Il serait sans doute beaucoup plus mignon. Pas que Sullivan était dégueulasse à regarder, mais quand il ouvre la bouge il perd la moitié de son charme. « Parce que tu te considères comme étant une merde, toi ? » Mmmmh. Bonne question.« Ouais comme une grosse bouse même. » dis-je sur le ton de la rigolade. « Je sais ce que je vaux, c’est tout, et je ne m'en cache pas. Et puis si je me surestime, c'est plutôt positif pour vous, non ? » Au moins on pouvait dire qu'il avait confiance en lui et c'était tout à son honneur. Cependant, la confiance ça peut très vite se perdre. Je préférais le voir à l'action avant de juger, mais finalement il était peut-être pas si mal ce petit roquet. Je fis juste un mouvement des épaules pour dire "je m'en fout complètement" et je repartis prendre des céréales. Merde c'était des céréales avec un jouet je détestais ça. « C'est un scandale ces jouets dans les paquets de céréales ça fait des frosties en moins. » dis-je carrément vexé. Je récupérais le jouet, un insigne de police. Je le tendis à Sullivan. « Tiens tu vas pouvoir être Caporal emmerdeur Sullivan, ça te donnera l'autorisation d'emmerder ton monde. Porte le fièrement. » D'accords je me fichais un peu de lui. Je rigolais dans ma moustache avant d'ajouter. « Saphyr » S’appeler Dieu c'était has been. « T'en veux ? » lui dis-je en lui tendant mes céréales. Je tentais une réconciliation, peut-être que je devrais lui laisser une chance à ce petit Caporal.

Finalement cette fée vorace pourrait bien avoir le sens de l’humour étant donné ses deux nouvelles tentatives un peu ratées. Mais j’ai l’impression que comme moi, elle ne maîtrise pas ce domaine à la perfection. Son côté un peu barge me plaît bien, elle a un petit quelque chose qui m’intrigue et me donne envie de creuser plus loin. Parce qu’un sérieux problème avec la nourriture, ce n’est pas suffisant, et ça se sent, qu'elle cache des choses. Je ris à sa remarque tout en me demandant si elle a déjà consulté pour ce souci d’alimentation, attrapant un deuxième paquet derrière moi pour le lui offrir après l’avoir ouvert. « Tiens, t’as qu’à compléter avec ça. » Non parce qu’elle n’a pas tout à fait tort, ces cons mettent des jouets de plus en plus gros pour nous entuber, et nos gosses sont tellement contents qu’on n’y voit que du feu. Je resserre mes jambes quand elle me remet la récompense bien méritée de l’insigne de l’emmerdeur, accomplissant le salut militaire avec ma main. « En même temps, j’avais pas vraiment besoin d’autorisation … » Je fais remarquer en portant mon regard sur les poches de sang éventrées qui gisent toujours à côté du sceau. D’ailleurs il va falloir que je range ce bordel avant qu’un cadavre ne me surprenne en train de réduire son repas à néant. Une chance pour moi que la fée vorace n’en fasse pas partie, autrement ma vie aurait sérieusement été en danger. Parce qu’elle dévore ces céréales comme si sa vie en dépendait, ce qui me fait un peu flipper, en fait. « Tu ne te fais pas vomir après, rassure-moi ? » Je suggère alors parce que cette idée vient de me traverser l’esprit. Si ça s’trouve la meuf est boulimique anorexique, ou un truc tordu du genre. Honnêtement, il est impossible de manger autant et de ressembler à un squelette, à moins que les fées ne soit dotées d’un métabolisme particulier bannissant tout risque d’obésité. Quand j’y pense, je n’ai jamais connu de créatures de son espèce en surpoids. Et je pioche dans son paquet avant qu’elle ne change d’avis, traduisant ce simple geste par un signe de paix. Attendez, pour elle partager sa bouffe c’est comme pour moi reconnaître que quelqu’un me surpasse. Et ça ne m’est encore jamais arrivé, aussi je salue l’effort.

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Les jouets dans les paquets de céréale c'était de l'arnaque. Enfin quoique, un insigne de police ça envoie du pâté quand même. Je lui offris l'insigne de police, moi j'en avais pas besoin pour me faire respecter. Sullivan allait par contre en avoir besoin. Il portait son insigne fièrement, comme un grand garçon. Que idiot. Je continuais de manger mes céréale tout en écoutant ce qu'il avait bien pu trouver à dire. « Tu ne te fais pas vomir après, rassure-moi ? » On me l'avait tellement posé cette question qu'à force je ne m'énervais même plus et je partais sans dire un mot. C'est d'ailleurs ce que je fis, je partis avec mon paquet de céréale. Sauf qu'en appuyant sur la poignée je la cassais au passage. Finalement ce genre de question me mettait peut-être un peu plus en colère que je ne le pensais. De plus j'avais des sautes d'humeur quand je n'avais pas bien mangé, c'est à dire si je n'avais pas fait mes dix repas de la journée. Je soupirais en me retournant dos à la poignée. « Non. » C'est tout ce que je lui répondis puis je me retournais pour essayer de remettre la poignée à sa place. Ce fut un échec. Alors, je me retournais vers Sullivan. « J'ai un métabolisme différent. Toi quand tu fais un régime pendant un mois tu perds trente jours, pour moi ça se résume à ne prendre que cinq repas par jour. CINQ ! » lui dis en lui montrant le nombre cinq avec mes doigts. Je doutais quand même qu'il soit le genre à faire des régimes. Puis cette satané poignée qui ne voulait pas se remettre. Décidément il y a des jours comme ça ou on ne devrait pas se lever. Bon il fallait que je l'occupe le temps de réparer ce que je venais de casser. Sinon il allait se foutre de ma gueule j'en suis quasiment certaine. Je repensais alors à ce qu'il faisait avant que j'arrive. « Tu sais quand on commence quelque chose on se doit de le finir ou alors tu fais parti des gens qui perdent vite leur motivation ? » lui dis-je en regardant les paquets de sang. C'est vrai quand on commence quelque chose on doit la finir. Sinon autant ne pas commencer. J'avais le résumé de parents asiatiques, si tu n'es pas le meilleur alors tu es nul et c'est seulement en allant au bout des choses qu'on devient le meilleur. En attendant je reposais mes yeux vers Sullivan. « Enfin moi je dis ça comme ça, mais c'est pas digne de toi j'en suis certaine, même si on ne se connait pas temps que ça. » Aller, tourne toi bordel ! Une fois qu'il ai daigné regarder les paquets de sang je me retournais en essayant de remettre cette fameuse poignée à sa place. Vous savez quoi ça m'énerver tellement que j'allais défoncer la porte dans quelques secondes.

Je crois que je l’ai vexée la petite fée vorace, parce qu’elle se barre sans un mot avec son paquet de céréales. Pas très sociable la meuf, elle fait des efforts deux secondes et après elle se casse comme une voleuse ! En même temps ça m’arrange bien, parce que j’ai un boulot à terminer ici. Je me tourne déjà vers mes poches ensanglantées, mais un bruit titille mon oreille, le ‘crac’ caractéristique d’une connerie de gamin que j’ai entendu des dizaines de fois pour en avoir été le responsable. Je tourne mon visage vers la blonde qui tient la poignée entre ses mains, haussant un sourcil en posant un bras sur les étagères, histoire de prendre une pose confortable pour observer la scène. Une gonzesse qui essaie de réparer un truc, ça promet d’être hilarant. Elle prend toutefois le soin de me détourner de ce spectacle divertissant –ne manquait plus que le popcorn-, m’expliquant qu’elle ne prenait pas la direction des toilettes. En fait je ne comprends rien à son charabia, les régimes c’est un truc de nanas. Elle m’a bien regardé ? Franchement je n’ai pas besoin de me préoccuper de ma silhouette, plaques en béton armées ma fille, tu veux toucher ? Il suffit de faire un peu de sport, perdre du poids c’est réservé aux feignants. Je retiens quand même le chiffre cinq au cas où il serait pertinent, étant donné qu’elle a jugé bon d’écarter ses petits doigts fins. Je m’apprête à lui venir en aide, un sourire se formant au coin de mes lèvres tandis que j’admire ses capacités à réparer une poignée de porte frôlant le zéro. Je vois d’ici où se situe le problème, mais lui confier la solution à son casse-tête ne serait pas aussi amusant que rester spectateur. Elle me devance cependant, m’incitant à recommencer mon dur labeur de destructeur de nourriture. Elle est fiévreuse ou quoi ? Ce n’est pas elle qui me faisait la leçon de morale quelques minutes plus tôt ? C’est un test peut-être, elle s’attend à ce que je lui rétorque qu’elle a raison, que ce n’est pas bien et que je ne recommencerai plus. Ah ah, la bonne blague. « Ah ça, t’as de l’expérience dans le domaine. » Je fais remarquer en glissant mon regard sur les cadavres d’emballage de céréales et de gâteaux qu’elle laisse derrière elle. A propos de finir ce qu’elle a commencé, je crois qu’elle n’a rien à se reprocher. Je devrais peut-être jouer le jeu, prétendre que je suis en effet une chose fragile qui regrette ses actes, puisque visiblement cacher sa véritable nature semble pour être certain une stratégie payante. Je suis convaincu que la moitié des candidats n’ont pas encore percé à jour le petit manège du Tigre. Je la regarde lorsqu’elle me fixe de nouveau, lâchant un rire bref à sa remarque. Elle est mignonne. On croirait entendre ma sœur, toujours à espérer me transformer en charmant Bisounours inoffensif. « C’est parce que tu ne me connais pas tant que ça que tu t’imagines que ce n’est pas digne de moi. » Parce que je suis le genre de mec prêt à tout pour se consentir des avantages. Personne ne va me faire de cadeaux ici, il faut bien que je me serve tout seul. Le plus beau dans l’histoire c’est que je ne suis pas là pour me faire des amis, je n’ai donc aucun remords à détruire leur bouffe. Qu'elle se détrompe, je ne vaux pas mieux que ça. Je cesse d’observer mon œuvre pour reporter mes pupilles sur la fée qui commence à s’agacer sérieusement, la rejoignant en levant les yeux au ciel. « Donne un marteau à une gonzesse et t’es sûr de la retrouver à l’hôpital … » Ça résume assez bien la vision d’une femme qui bricole, selon moi. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle n'a pas des doigts de fée -ah ah, excellente- ! Je la pousse d’un coup de bassin en attrapant la poignée, la plaquant contre les vis qui ressortent. « T'es bien la première fée que je rencontre qui ne prétend pas faire attention à sa ligne et qui ne me met pas sa poitrine sous le nez, en tout cas. » Je tiens à préciser, concentré sur ma tâche. Je crois que je suis en train de lui faire un compliment, mais pas sûr qu'elle le comprenne. Puis je tourne mes yeux vers elle, esquissant un sourire mutin qui signifie clairement que je m'apprête à dire une connerie, histoire de venir gâcher ce que je viens de dire. Parce qu'à chaque fois que je fais ou dis un truc sympa, j'éprouve cet irrésistible besoin de tout saccager. « En même temps, c'est vrai que t'as pas grand chose à mettre sous le nez. » Quand on y regarde bien, cette fille est presque aussi plate que le travelo. Je visse les boulons et abaisse la poignée, la porte s'ouvrant dans un grincement. Je tends la main, comme un chauffeur, affichant la gueule du mec fier de lui. « Mademoiselle. » J'ajoute. Je ne dis pas "après vous", parce que je n'ai pas l'intention de quitter cette pièce, du moins, pas encore.