Ce n’est clairement pas le jour à faire la causette avec un autre candidat, les vestiges de la pleine lune provoquant toujours de sérieuses démangeaisons à la base de mes crocs. Je suis carrément à bout de nerfs sans avoir eu besoin de croiser qui que ce soit, et je compte bien me planquer toute la journée pour éviter de ronger un os humain. Piquer une tête dans le lac glacé me semble être une bonne idée, histoire de me rafraîchir les idées, aussi j’enfile mon maillot et effectue quelques longueurs avant d’adopter la position de l’étoile de mer. Je me sens déjà mieux, rien que de m’être épuisé à la nage, mais ma tranquillité ne dure pas éternellement. J’aurais dû m’en douter, disparaître une seule journée dans ce château c’est mission impossible à moins de s’enfermer dans un placard, ou d’être invisible comme la folle du cul. Une sacrée veinarde. La nana débarque au bord du lac, trempant ses pieds en m’ignorant superbement –visiblement atteinte d’un problème de vue-, et je me demande s’il ne s’agit pas de la candidate qui s’est mise à nue lors de notre première petite réunion, ici même. Alors j’attends sagement, au cas où elle déciderait de recommencer vous voyez, sauf qu’elle se contente de s’allonger pour prendre un bain de soleil. Merde. Je rejoins la rive et me hisse sur l’herbe avant d'observer la jeune femme, immobile, tel un parfait psychopathe qui contemple sa prochaine victime. Mais elle a senti ma présence et commence déjà à me faire chier. Ah ouais ça me revient, c’est pour ça que je l’appelle l’asociale. « J’dirais plutôt que je te rends service, étant donné que ta tête se métamorphose en tomate. » S’il était encore en vie, Kafka aurait pu faire une superbe suite à son roman. Bon j’exagère un peu, mais son nez commence quand même à rougir dangereusement. Remarquez c’est peut-être un vestige des duels, un coup de poing de la fée vorace en pleine tronche, ça ne m’étonnerait même pas. Dans tous les cas je m’en fous complètement, il fallait bien que je trouve un truc à dire pour fermer son clapet. C’est pas le jour idéal pour m’emmerder, pas le sien non plus visiblement. « Alors, t’as pêché beaucoup de moules ? » Ouais parce que son pantalon retourné, c’est un peu le style de la gamine qui va ramasser des bigorneaux avec son joli seau. N'empêche, ma phrase recèle carrément un double sens hyper cru. Pour une fois, je n'ai même pas fait exprès. C’est vrai, j’aurais pu m’en tenir à ma phrase précédente et la laisser se dorer la pilule. Ça aurait été la meilleure solution étant donné son air renfrogné et la lune ronde qui troue le ciel, mais faut croire que passer à côté d’une nouvelle victime à emmerder est au-dessus de mes forces. Alors je me secoue un peu au-dessus d’elle, faisant tomber des gouttes d’eau qui s’écrasent sur sa peau en plusieurs endroits comme le parfait chieur que je suis.

Je ne pensais pas vraiment l’intriguer en lui demandant si elle a péché des moules vous voyez. Je m’attendais à une remarque cinglante, un croche patte, le gel immédiat de mon sang, quelque chose de plus agressif qu’une question au sujet de la signification de ma demande. Et puis là, je comprends, avec un sourire qui se forme sur mes lèvres. Oh d’accord, elle a compris ça dans l’autre sens, quel esprit tordu j’vous jure. En fait ça me fait même un peu rire –ce qui était mal parti-, mais d’un coup je plisse les paupières en observant son regard sous sa main protectrice. Quoi mais, ça ne la choque pas que je lui demande si elle chope des moules ? Genre … elle chope vraiment des moules ? Comme blondie. OH MERDE. Vous croyez que l’asociale et blondie ont … Non parce qu’elle a souri, je l’ai vue. Le genre de sourire qui veut dire : ‘oui’. Ce serait une info en or là, et je pense déjà à la pauvre louve qui va probablement vouloir se jeter du toit en entendant la nouvelle. Attends, est-ce que ça veut dire que maintenant je peux accepter les avances de la louve ? Parce que si la partygirl se tape la meuf frigide, ça veut dire qu’elle n’est plus intéressée … Merde, ça commence sérieusement à ressembler à un feuilleton télé de l'après-midi pour les vieux. « Ben je faisais allusion à de vraies moules tu vois, mais puisque tu veux parler de ça … » Genre c’est elle qui insiste. « Franchement, est-ce que j’ai l’air d’un mec qui se tape tout ce qui bouge ? » Mauvaise question, j’imagine. Pas de quoi me jeter la pierre, la folle du cul en aura trois au compteur d’ici le prochain prime, et je me demande si la ventouse n’en est pas déjà à deux. Quant à moi, à l'exception de Fauve je me contente de chastes baisers. Un vrai gentleman quoi. Les filles sont bien plus en manque d’un bon câlin que nous autres mâles par ici. Dommage pour le boutonneux. « Alors, elle est comment au pieu blondie ? » J’y vais carrément au bluff, juste pour voir sa réaction. Selon le regard qu’elle va me lancer, je saurais si j’ai raison ou si je me fais un film.

Ne pas vouloir répondre à ma question c’est implicitement y répondre. Enfin en même temps ça me fait plus sourire qu’autre chose, parce que je suis parfaitement au courant de l’image que je renvoie. On s’imagine souvent que je baise tout ce qui se trouve à ma portée sans le moindre état d’âme. Faux. D’autant plus que je ne suis pas venu ici pour me constituer un harem vous voyez, j’ai plutôt pour objectif d'étaler tous ces losers et rafler la première place. Je sais, je suis un peu mal barré pour l’instant, mais croyez moi je n’ai pas dit mon dernier mot. Je ne cille pas lorsqu’elle se relève pour fixer mes yeux clairs, elle aussi adepte du langage des expressions faciales et des regards. « Ah là je t’avoue, un peu des trois … » Ouais franchement, je n’imaginais pas blondie capable de réchauffer la frigide aussi rapidement. « Au pire, la prochaine fois tu laisses la porte entrouverte … » Je déconne ça va. A moitié. Je glisse une main dans mes cheveux humides, baissant la tête en les frottant. « Enfin heureusement que tu sais te défendre, parce que tu viens de te mettre une louve à dos. » Je dis ça par rapport aux résultats de ses duels, je ne doute pas qu’elle soit une adversaire redoutable dans ce château. Mais elle devrait quand même se méfier, parce qu’un loup garou c’est du genre possessif et hargneux. Enfin je doute qu’elle comprenne de quoi je parle, blondie ne l’a probablement pas mise au courant de ses déboires avec Atropos entre deux soupirs : ‘ah au fait, tu risques de te faire casser la gueule par une louve’. Ça aurait fait un peu mauvais effet. Personnellement j’avais préféré rester en dehors de ces histoires. Vous imaginez si j’avais accepté les avances de la brune, la frigide et moi on aurait eu quelque chose en commun.

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