Ça fait un bail que je n’ai pas plongé un orteil dans ce lac, après tous les malheurs qu’il m’a fait subir. Mais je me dis que maintenant que l’aventure est bientôt terminée –je verserais presque une larmichette-, je ne vais plus me priver de mon entraînement aquatique. Parce qu’il faut que je sois au meilleur de ma forme pour étaler mon adversaire, et ça implique redoubler d’efforts. Quand j’y pense, tout se joue sur ces putains de duels, c’est quand même hard comme principe. Bref. Je me pointe près du lac une fois la nuit tombée, parce que je trouve ça beaucoup plus apaisant de n’avoir que la lune comme compagnon, achevant ma sixième série de crawl lorsque j’aperçois une silhouette qui se profile entre les arbustes. Je glisse une main dans mes cheveux en inspirant le parfum qu’elle dégage, identifiant sans mal la ventouse non sans un léger foncement de nez. Zut. Je m’étais dit que je parviendrais peut-être à éviter toute confrontation jusqu’à la fin du jeu, et j’hésite d’ailleurs à me planquer comme un lâche, mais ce serait vraiment puéril. Aussi je m’appuie sur le bord du lac pour me hisser à l’extérieur, essuyant mon visage d’une main. « Attends te barre pas. » Je lui signale quand même au cas où l’idée lui traverserait l’esprit. « S’il te plaît. »  J’ajoute en la fixant dans l’obscurité, gardant toutefois mes distances. Je laisse quelques secondes s’écouler, ne sachant pas vraiment par quoi commencer, avant de me gratter la tempe. « Bon écoute il nous reste probablement une semaine à tout casser, je pense qu’on pourrait enterrer la hache de guerre non ? » Je frotte nerveusement mon pied contre l’herbe, me remémorant notre dernière conversation. Elle doit sérieusement avoir envie de tirer un gros trait sur ma tronche et de ne plus jamais me causer. « On a passé des bons moments ensemble quand même. » C’est là que je cherche à argumenter et que je me retrouve à court d’exemples, ou alors je ne pense qu’à celui de son corps chaud serré contre le mien. Ouais, c’est pas trop une bonne idée de lui évoquer ce souvenir-là. Enfin pour moi les autres n’étaient que des bons moments -sauf les fléchettes, il est à rayer de la liste celui-là, et la guêpe aussi-, mais étant donné qu’elle a passé les trois-quarts de son temps à me gueuler dessus j’imagine que ce n’est pas un sentiment partagé. Du coup je me creuse un peu la cervelle, et je n’ai finalement qu’à observer le décor qui m’entoure pour qu’une illumination me traverse. « Quand on était perché avec bobonne, c’était cool, non ? » Ça craint un peu, que le seul exemple que je trouve soit celui où on était tous complètement défoncés. Mais bon, ne dit-on pas que c’est dans ces instants-là qu’on est véritablement soi ? « D’ailleurs, j’ai toujours pas eu mon massage … » Je lâche, le regard dans le vague. Non mais parce qu’elle avait perdu hein, la dernière à l’eau. Qu’elle se détrompe je ne le lui réclame pas –j’aurais trop peur qu’elle me brise les os du dos, et puis ce serait carrément abuser de sa patience-, seulement je le fais remarquer. Bon ouais j’essaie un peu de jouer aux cons pour que la conversation ne prenne pas un tour trop sérieux aussi, j’aime pas ça le sérieux. Parce que quand je m’agace il se passe toujours des choses indésirables, y’a qu’à voir comment s’est terminée notre dernière rencontre. Mais je suis certain qu’on peut arriver à discuter plus de deux minutes sans s’insulter, j’y crois. Enfin je ne suis pas certain de réussir à la convaincre sans m’excuser, et c’est un peu la seule chose que je peux faire là. Alors je soupire en glissant une main sur mon oreille. « Je suis désolé d’avoir parlé de tes parents, j’ai vraiment dépassé les limites. Je suis naze pour m’excuser, mais c’est sincère. » Parce qu’elle n’avait pas l’air bien, toutes les fois où j’ai évoqué sa famille. J’ignore toujours où est le problème vous voyez, mais d’après ce que j’ai compris ça doit être quelque chose comme le fait que ses géniteurs ne la considèrent pas à sa juste valeur. « Le fait que tu sois arrivée jusqu’ici prouve qu’ils avaient tort, non ? » J’essaie encore de bluffer un peu, mais c’est pour la bonne cause, genre histoire de lui apporter du réconfort ou au moins de lui faire comprendre que je ne pensais pas un mot de ce que je lui ai dit. Mais c’est pas évident d’avancer à l’aveuglette, comme ça. « J'aimerais bien que ma fille soit aussi bornée, chiante et caractérielle que toi en fait. » Si je prévoyais d’en avoir une. Et oui, c'est un compliment.

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Mmmh. Eukleia poussa un petit râle dans son sommeil. Ses paupières se soulevèrent. Des étoiles tombèrent dans son regard. Une douce brise caressait son visage et faisait voleter quelques mèches de cheveux sur son visage. Elle était des plus agréables après les journées de fortes chaleurs qu’ils avaient pu connaître. La sorcière prit un petit instant avant de se souvenir pourquoi elle se trouvait là, couchée dans l’herbe d’un parc. Elle se souvenait être venue s’asseoir, à l’ombre, pour profiter du calme de la nature qui contrastait fortement avec le bruit ambiant présent au sein du château. Ensommeillée comme elle l’était, elle avait du s’effondrer dans les bras de Morphée assez tôt. Il était assez étrange de s’endormir en plein jour pour se réveiller à la nuit tombée, sous ce parterre d’étoile. Elle observa un moment les reflets métalliques qu’on pouvait observer dans le ciel. Elle se sentait revigorée et, déjà, elle se levait et retirait ses chaussures. Elle avait l’envie soudaine de marcher tranquillement dans le parc tout en sentant le contact entre sa voute plantaire et les brins d’herbe. Eukleia n’avait pas souvent ce type de moments bien à elle depuis qu’elle était entrée dans l’aventure et elle s’appliquait donc à en profiter pleinement. Cependant, elle comprit vite, en s’approchant du lac, que le destin en avait décidé autrement. En effet, elle marchait lentement quand son regard, perdu sur l’étendue d’eau, tomba sur une silhouette nageant. Rien de bien affolant aux premiers abords… l’ennui était que cette silhouette se trouvait être celle de Sullivan. Or, Sullivan égal énervement, égal problème. Elle tenta de se retourner en silence, espérant qu’il ne l’aurait pas remarqué mais elle l’entendit l’interpeller derrière elle. Elle observa avec une pointe de mélancolie l’espoir d’une soirée de tranquillité s’envoler en quelques paroles puis se retourna. Il était sorti du lac. Elle était tentée de s’en aller malgré son appel quand elle entendit son ton… gentil. Oui, vous avez bien lu : gentil. Sullivan avait peut être décidé de paraître être un mec sympa après l’avoir traitée de tous les noms la dernière fois qu’ils s’étaient vus. Elle attendit qu’il continue de parler, curieuse de savoir ce qu’il avait à lui dire. Woh. « C’est assez… inattendu » dit-elle, presque choquée par la proposition soudainement très pacifique de Sullivan. Elle ne savait que penser de tout cela. Il fallait dire que le loup lui en avait fait voir de toutes les couleurs et qu’elle préférerait éviter sa présence… Elle préférerait également ne pas se rabaisser à faire ami-ami avec lui mais il fallait tout de même exposer le fait que leur petite guerre commençait à devenir épuisante et qu’elle s’était même soldée par un malaise de sa part. Ainsi que répondre à ce garçon qui tentait réellement de trouver des bons moments passés avec l’autre sans n’en trouver ? Ah si. Un. Mais ils étaient tout de même pas mal perchés ce soir-là. Est-ce que cela comptait ? Eukleia s’interrogeait sur la manière dont elle devrait se comporter à présent. Il était vrai, pourtant, que  la fin de l’aventure approchait. Alors, il y avait deux idées. La première se prêtait à dire qu’étant donné que la fin était proche, elle ne devrait pas se rabaisser à faire ami-ami avec ce gars-là qu’elle pourrait bien supporter encore un moment. La seconde quant à elle exposait le fait qu’ils pourraient très bien se ‘réconcilier’ de sorte à ne pas vivre ces derniers jours – semaines peut être – dans la haine. Pourtant… certaines choses restaient en travers de la gorge à Eukle. Et Sullivan semblait l’avoir compris. La sorcière se félicitait assez de l’avoir laissé parler… il s’excusait à présent. Et c’était réellement plaisant à entendre. Mais que faisait donc la phrase suivante dans la bouche de Sullivan ? Qu’ils avaient tort ? Elle fronça les sourcils. Ouah. Elle ne pensait pas que ce garçon pourrait être aussi futé que ça. Il avait réussi à la décrypter alors qu’ils se détestaient et passaient leur temps à s’envoyer des vacheries en pleine tronche. Elle retint un soupir. Cette histoire familiale, elle préférerait ne pas trop l’étaler. Surtout pas à la télé. Elle n’avait pas envie de montrer que cela l’avait touché, mais là, oui, ce soir-là elle était tentée de déverser son sac. Pourtant, elle restait plantée, sans dire un mot, souriant quand Sullivan parla de vouloir avoir une fille lui ressemblant. Il savait s’y prendre lui. Elle ne dit rien, mais se rapprocha de deux mètres et lui tendit la main. Ils enterraient la hache de guerre, sortez les caméras les gars ! Il faut immortaliser cette scène. « Sache que je garde toujours un peu d’amertume, mais… je commence à être épuisée de me battre contre toi constamment. » Elle serra sa main mouillée, puis tripota à son tour ses cheveux. « Et… heu, merci pour… les excuses. » Fallait bien lui montrer que c’était une bonne manière d’agir quoi.

D’accord elle est super choquée la ventouse, genre on dirait qu’elle assiste à un débarquement extra-terrestre. Faut pas charrier non plus, j’ai été sympa plein de fois avec elle, c’est juste qu’elle ne l’a jamais compris. Du coup je me dis que si elle ne retient que les mots, il va falloir que je m’exprime vous voyez, le truc que je DETESTE par-dessus tout. Parce que c’est faire un effort pour quelqu’un, un effort qui s’entend. Je préfère quand ça reste discret, par des gestes que je peux toujours expliquer autrement que par un désir de me comporter comme un mec gentil. Du coup je me sens mal là, j’ai limite envie de faire un truc bien stupide pour effacer ce que je viens de dire, ça me démange. En plus elle va me mettre une veste c’est sûr, et je vais être humilié publiquement pour la deuxième fois de ma vie. Enfin … de l’aventure. Je me mordille l’intérieur de la joue comme un gamin qui attend sa punition et j’ouvre la bouche pour ruiner ce moment, mais sa main tendue vers moi a pour effet immédiat de sceller mes lèvres. Ok, ta gueule Sulli. Parce que c’est clairement une proposition de paix, et je suis tellement abasourdi moi aussi que je tends mollement mon bras. Ouais non là y’a un piège c’est sûr, y’a bobonne qui est planquée quelque part et qui va surgir pour me lobotomiser le cerveau. Je scrute d’ailleurs la pénombre dans son dos, délaissant son visage quelques secondes avant d’y revenir. Hm non, je ne perçois pas non plus de bruits anormaux qui pourraient trahir la présence d’un autre être humain. Et l’explication qu’elle me fournit me semble plausible. C’est clair que notre gu-guerre est épuisante à la longue, j’ai l’impression d’avoir couru un marathon à chaque fois qu’on se quitte et j’ai les oreilles qui sifflent. C’est souvent l’effet de la rencontre entre deux caractères forts, deux chieurs quoi, disons-le. « On a qu’à dire qu’on a fait un match nul alors. » Je hausse les épaules en laissant un sourire planer sur mes lèvres, constatant qu’elle est aussi douée que moi pour les excuses et les remerciements. Mais étrangement je ne me sens pas particulièrement gêné, non, j’ai l’impression que je lui devais ça et que c’était la bonne chose à faire. Je fais un pas vers elle, attrapant la main qui n’est pas logée dans ses cheveux. « C’est trop tôt pour espérer mieux te comprendre, j’imagine ? » Je l’interroge en plantant mes yeux bleus dans les siens, mon index effleurant la paume de sa main pour lui rappeler mon petit numéro dans le bosquet. Mieux la comprendre à travers cette chose qu’elle dissimule à tout le monde et que j’essaie d’arracher en tirant dessus depuis le tout premier jour. J’ignore pourquoi j’éprouve toujours ce besoin de connaître les gens dans leurs moindres détails, je crois que c’est maladif. C’est comme partager quelque chose de fort avec une autre personne, un substitut à des sentiments amicaux ou amoureux. Une sorte d’empathie, un truc inexplicable. Et c’est ce qui m’intrigue le plus chez elle. Parce qu’elle peut toujours transformer le lac en cascade ou parasiter le preneur de son avec l’un de ces cris stridents avec lequel elle m’a attaqué lors des entraînements, si jamais c’est un souci d’intimité. « Je laisserai bobonne effacer ma mémoire. » Je lâche même d’un air super sérieux. C’est vrai, je suis prêt à faire ça uniquement pour savoir, pour la comprendre vraiment même si ça ne dure que quelques heures seulement.

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Sa main m’échappe assez rapidement, dans un geste de recul qui signifie clairement qu’elle n’est pas prête à ça, pas prête à me confier ce que je voudrais qu’elle me donne. Je soupire en scrutant sa silhouette assise sur l’herbe fraîche, un peu piqué qu’elle ne soit pas capable de supporter un simple contact de ma part. Comme si j’avais la lèpre ou quelque chose comme ça. Je l’imite en prenant place en face d’elle, les crépitements du feu brisant le silence presque angoissant de la nuit. Je me retiens de lui souligner que je risque probablement de crever de chaud dans trente secondes étant donné ma température corporelle, essayant de me concentrer sur la brise qui rafraîchit l’air et m’apporte ses mots. Comme je m’y attendais, elle m’oppose de nouveau un mur infranchissable. « Moi ça m’intéresse. » Je m’empresse de la détromper. J’imagine qu’elle voulait dire dans le sens de ‘concerner’, mais au final ça revient au même. « Ça intéresse tous ceux qui cherchent à te connaître. Te connaître vraiment. C’est ce genre de choses qui te forgent, ce genre d’histoires tristes qui font mal mais qui font partie intégrante de toi et qui permettent de te déchiffrer. » Et croyez-moi, je sais de quoi je parle. Sans cette clé on peut toujours essayer de la comprendre, mais on n’y arrivera jamais totalement. Parce qu’il y aura toujours cette ombre mystérieuse planquée dans un coin, menaçante. Surtout si ça concerne sa famille, c’est le genre de sujet qui revient constamment dans les conversations. Et elle aura des réactions inattendues qui surprendront, qui intrigueront, parce qu’elle est incapable de les maîtriser. Pas encore du moins. « Sans ça les autres restent dans le noir. Et puis t’as sûrement tout un tas d’astuces pour éviter que le monde entier entende. » Qu’elle ne me fasse pas croire que c’est ce qui la retient. Bon sang, je suis en train de lui faire un monologue à la meuf, n’importe quoi. « Il faudra bien que t’en parles un jour, parce qu’à force de le garder pour toi ça va te péter à la gueule, d’ailleurs ça te ronge à chaque fois qu’on évoque le sujet, ça revient et ça te bousille de l’intérieur. » Voilà pourquoi personne n’a envie de me voir sérieux. Parce que soit je suis super agressif, soit je me montre totalement déprimant. Mais je l’ai vu agir son poison, à trois reprises, chaque fois que j’ai évoqué ses parents. Je l’ai vu s’insinuer sournoisement dans son regard et prendre possession de son corps pour la conduire à la colère, la frustration, la douleur aussi. « Va chez un psy au moins. » Je lâche en haussant les épaules. Ouais parce que bon, y’a aussi cette solution au pire, si elle préfère parler à un parfait inconnu qu’à un type qu’elle déteste. C’est vrai que je ne suis pas forcément la meilleure oreille pour elle, et pourtant, je suis probablement celui qui est le plus apte à la comprendre. Et finalement je pose mes mains dans mon dos pour m’appuyer dessus. Voilà, je crois que j’ai rarement autant gaspillé de salive en une seule fois pour quelqu’un d’autre que moi. « Mais si tu préfères on peut toujours parler de comment tu comptes annoncer au bûcheron que t’es enceinte. » Que je balance en haussant un sourcil, style t’as vraiment envie que je change de sujet ? Et puis au pire je peux toujours la faire un peu flipper, elle pourrait éventuellement penser que je perçois deux battements de cœur, même si ça m’étonnerait que ce soit possible avant six ou sept semaines. Bref. Il fallait bien que je sorte une connerie, sinon elle aurait cru que j’étais souffrant.    

Spoiler:

Le feu crépitait devant ses yeux et la sorcière soupirait. Comment la conversation avait-elle pu dévier sur un tel sujet ? Parler de sa famille, de son enfance, voilà tout ce qui pouvait la rendre mal à l’aise. Elle n’avait pas envie de se confier et pourtant le loup énonçait une véritable tirade argumentée de sorte à lui faire comprendre qu’il avait fortement envie de connaître ce passage de sa vie. Elle ne répondait pas, le laissant parler et regardant simplement le feu qui dansait lentement au rythme de la brise qui se levait. Il lui parlait comme s’ils étaient de grands amis et qu’il était temps qu’elle se confie à lui, simplement pour se décharger de son poids. Elle gardait pourtant à l’esprit ces instants où ils étaient à la limite de s’entre-tuer et se demandait presque s’il ne faisait pas cela simplement pour connaître des choses la concernant. Des choses qu’il pourrait utiliser contre elle, pour lui faire du mal. Elle ne voulait pas se confier, il l’avait senti, alors il sortait la carte de l’amitié. Mais cela l’intéressait-il vraiment ou n’était-ce qu’une ruse parmi tant d’autres ? Il fallait s’attendre à tout. Eukleia sortit une clope et l’alluma. Elle tira dessus. Et s’étouffa. Ouah, c’était quoi le mot qu’il avait prononcé ? Ouais, psy. Ahah, ce gars-là était un rigolo. « Je me demande comment tu peux bien en avoir quelque chose à foutre, alors que quelques jours plus tôt tu m’insultais encore de… comment déjà ? ah oui, de putain de salope aigrie, c’est vrai ! » Elle porta sa cigarette à ses lèvres. « Pourquoi cela t’importe tant de libérer une 'salope' dans mon genre qui 'devait être la déception de ses parents' d’un poids qui ‘la bouffe de l’intérieur’ ? » Ce n’était pas dit agressivement, mais elle s’appliquait à ressortir tout ce qu’il avait pu lui envoyer en pleine tronche, ce jour-là dans la salle d’entraînement. Ce soir-là, elle n’avait aucune raison d’être énervée contre lui, il était même pas mal adorable ce soir-là mais elle comptait bien savoir ce qu’il avait derrière la tête. A moins que cela ne soit que curiosité malsaine à l’égard d’Eukleia. Pourtant, il avait raison. Ce poids-là, ces souvenirs de son enfance, cette ambiance dans laquelle elle s’était construire, la suivaient toujours. Et cela la rongeait de l’intérieur. Néanmoins, elle ne ressentait en rien le besoin d’en parler. Elle préférait garder cette étape de sa vie pour elle-même. Elle raviva un peu le feu à l’aide de ses pouvoirs quand soudain la conversation dévia d’une manière assez inattendue vers Adonis. A croire que cela faisait jaser dans le château… et pourtant ils n’avaient fait que coucher ensemble. Sullivan lui demandait comment elle allait faire pour annoncer au beau loup qu’elle était enceinte de lui. « Je suis assez rôdée sur la chose, j’ai déjà dû faire une bonne vingtaine d’annonces de la sorte depuis le début de ma vie, en bonne salope aigrie que je suis ! » Dit-elle, sur un ton ironique. « Tu crois qu’il va bien le prendre ? Parce qu’à vrai dire, je compte le garder ce gosse et lui faire une bonne dizaine de louveteaux en plus de celui-ci. Ah oui, tu seras même invité à notre mariage. Tu en as de la chance. » Ouais bon, elle se foutait un peu de lui, mais c’était de bonne guerre.  « Tu sais le  ‘ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants’ c’est tout à fait moi. » Laissez-nous rire.

 

Je fronce le nez lorsque la fumée vient me chatouiller les narines, observant ses doigts serrés autour de la cigarette. Je ne crois pas l’avoir déjà vu fumer, en fait ça m’étonne un peu. Lorsqu’elle reprend mes propres mots je me contente de hausser les épaules, un léger sourire se perchant sur mes lèvres. « Je suis généreux par nature. » Bien entendu. Je lève mes yeux vers son visage partiellement éclairé par le feu qui ploie sous la brise. « Que j’ai pris le temps de t’insulter te prouve justement que j’en ai quelque chose à foutre. » C’est vrai, généralement je me contente d’ignorer superbement les gêneurs, et surtout je ne m’agace jamais. Ce qui démontre qu’elle parvient à m’atteindre, et si elle le fait c’est bien parce que j’ai de l’égard pour elle. J’imagine. D’ailleurs reconnaître cette évidence ça me fait soupirer. Je ne lui demande de se confier comme le ferait un ami à un autre, je ne suis pas complètement stupide au point de croire que cette poignée de main vient de tout changer entre nous. Mais si les deux parties ont quelque chose à y gagner, je ne vois pas où se situe le problème. « C’est trop tard maintenant pour que je puisse en abuser, si c’est ça qui te fait flipper. » Son sort n’est plus entre mes mains, mais entre les siennes lors des prochains duels. L’aventure est bientôt terminée, et il est possible que nos chemins se séparent sans jamais se recroiser. Si on réfléchit bien, je suis la personne idéale pour recevoir ses confessions. Ni un parfait inconnu, ni un ami trop proche. « Ça t’étonne tant que ça, que je m’intéresse à toi ? » Parce que c’est la seule explication que j’ai à lui donner pour vouloir si avidement connaître cette chose qu’elle garde enfermée dans un coffre-fort. Et je trouve ça incroyable, moi, qu’elle adopte un air si surpris. Comme si elle n’avait pas remarqué que je m’évertue à tomber sur elle, quitte à me faire frapper ou l’entendre hurler. Depuis le début de ce jeu elle m’intrigue, et si je m’applique soigneusement à la pousser dans ses retranchements c’est bien un signe évident de mon intérêt pour elle. Mais si elle préfère jeter la clé pour que personne jamais ne la saisisse, c’est son choix et je n’ai pas vraiment d’autres solutions que le respecter. J’attrape le col de mon t-shirt pour le secouer un peu lorsque les flammes se ravivent, mon organisme se réchauffant dangereusement. Pour autant je ne dis rien, me contentant de laisser échapper un rire bref lorsqu’elle parle de louveteaux et de mariage. Mais aussi étonnant que ça puisse paraître, je l’imagine parfaitement bien glissée dans une robe de princesse Disney accrochée au bras de son bûcheron charmant, trois horribles gosses sautillant autour d’elle. Leur petite scène dans la cuisine n’était pas anodine. Un loup est particulièrement possessif, mais aussi trop démonstratif. Et sa petite crise de jalousie témoigne bien qu’autre chose se cache là-dessous, autre chose qu’une simple attirance physique. « Oh tu sais les loups aiment généralement avoir une famille nombreuse. » Si on m’exclut bien sûr. Pour perpétuer la race et agrandir la meute vous voyez, instinct de survie. « Tu feras probablement un bûcheron heureux. » Et j’imagine déjà le gosse naître avec une hache dans les mains et une bouche démesurée. « Enfin j’espère que t’aimes les grands mariages, genre de six cents invités. » Je ne dis pas ça pour la faire flipper hein, de toute façon elle plaisante, non ? Je marque une pause en essayant de décrypter son regard. « Tout le monde devient une princesse un jour, même toi. » Je souris en secouant ma main comme pour m’éventer, mais évidemment près d’un feu mon geste est parfaitement vain. « Cette merde te tombe toujours dessus sournoisement, sans que tu t’y attendes. » Je parle un peu comme un gars qui raconte l’histoire de la dame blanche à ses camarades de colonie de vacances. « PAF. » Je lance en me penchant vers elle. Ouais, et par cette merde je parle bien des sentiments amoureux hein. Je suis sûre qu’elle n’y échappera pas, si ce n’est pas déjà trop tard. Pauvre ventouse … On ne peut pas lutter contre ça. « Et puis fais pas comme si t'étais immunisée, je suis sûr que t'as déjà été éperdue d'amour, avec les yeux qui brillent à embrasser la photo d'un gars que t'avais épinglée au dessus de ton lit. » Qu'elle n'essaie pas de m'entuber, les filles sont toujours naïves quand elles sont plus jeunes. C'est peut-être même pour ça qu'elle rejette désormais l'idée d'un happy ending, et là je me dis que merde, je pars encore sur un chemin un peu trop personnel. Mais bon je sais pas moi, on a qu'à dire que ce soir c'est la trêve absolue.

Il avait sûrement raison. Tous ces instants où il ne faisait rien d’autres que de tenter de l’embêter, ne serait-ce que pour attirer son regard, trahissaient à coup sûr une marque d’attention de sa part. Sullivan n’avait eu de cesse de s’intéresser à Eukleia. Mais n’était-ce pas tout simplement comme un simple vautour s’intéresserait à sa proie ? La sorcière avait beau se plaindre, elle n’avait pas non plus eu l’impression d’être la victime de Sullivan qui en avait tout autant pris dans sa tronche ratée qu’elle dans la sienne parfaite. A vrai dire, elle était persuadée que ce qui avait plu au jeune loup c’était simplement cette idée de jeu. Ils avaient joué un match qui venait de prendre fin ce soir. Il avait dû être surpris de débarquer dans cette aventure et de voir que, dès le premier soir, une jeune fille au même caractère que lui, lui tenait tête et lui rabattait le caquet. « Bien sûr que non, ce n’est pas trop tard. J’ai eu assez le temps de te côtoyer pour savoir que t’es le genre de gars qui serait capable de me suivre jusque chez moi à la nuit tombée simplement parce que tu aimes trop me faire chier. » Elle souriait presque en disant cela. Leur petit jeu avait été ridicule. Cela avait presque été une bataille contre son propre double même si certains points de leurs caractères différaient. Quoiqu’il en soit, ils s’étaient foncièrement détestés seulement parce qu’ils se ressemblaient bien trop pour que cela ne crée pas d’étincelle. En bon identiques, ils se sont même rapprochés l’un de l’autre un soir, dans cette cuisine, avant que cela n’explose. Il avait fallu rappeler l’enjeu de leur relation. C’était un match, cela avait toujours été match et il était hors de question de perdre, pensaient-ils tous les deux. Et maintenant que c’était terminé… devaient-ils en venir à des confidences pour recréer un intérêt à leur relation ? Eukleia n’était pas encore prête à cela. « A tout bien y réfléchir… Non, ça ne m’étonne pas vraiment. » Elle n’avait pas envie de s’expliquer plus. Elle ne voulait pas avouer qu’ils étaient les mêmes – ou presque – et qu’ils s’étaient battus pendant tout ce temps pour cette simple raison que des identiques ne peuvent se supporter bien longtemps. Elle tira sur sa cigarette et souffla sa fumée dans le visage de Sullivan, histoire de lui faire comprendre qu’elle ne lâcherait pas le morceau. A croire qu’en ayant abandonné leur petit jeu basé sur l’animosité ils en reformaient un nouveau portant sur les secrets d’Eukleia. Finirait-elle par le dire ? C’était tout l’enjeu. Et elle ne voulait pas… perdre. Ah, boucle infernale. Seraient-ils donc toujours ainsi ? C’était épuisant ! Hé mais… qu’est-ce qu’il lui prenait au loup ? Elle le regarda déblatérer ses conneries en fronçant les sourcils, mi amusée, mi agacée. « Tu nous fais un p’tit speech sur l’amour maintenant que t’es tombé dans les filets de Calliste c’est bien ça ? » Non mais j’vous jure, elle, à embrasser la photo d’un garçon le soir avant de se coucher ? Il était complètement timbré. C’était bien un sujet qu’elle n’avait pas tant envie d’aborder. Comme elle y avait réfléchi quand elle était dans la capitale magique avec Nicola, il y avait dans le sentiment amoureux quelque chose qui lui faisait peur… Et qu’elle finissait toujours par briser. Il s’agissait de cette attache. Du fait qu’elle finissait par s’oublier elle-même au profit d’un autre. Cela la terrifiait tout à fait. Ainsi, elle n’avait jamais été amoureuse bien longtemps, se protégeant de ce sentiment en lequel elle ne voyait que des points négatifs. Elle y perdait – en se montant la tête toute seule vis-à-vis d’un garçon – sa propre liberté ; cette possibilité à embrasser untel et à ne pas penser à un autre. Elle perdait l’envie des aventures. Et elle n’était plus elle. Elle était l’adolescente fleur bleu dont elle se moquait. « Pourquoi tu parles de l’amour comme ça ? T’es en période nostalgie ? » C’était bien vrai, qu’est-ce qu’il lui prenait à Sullivan de vouloir parler de ses déceptions amoureuses ? « Toi aussi t’as besoin d’aller chez un psy ? » Elle tira sur sa clope avec un sourire. « Pour parler d’un maaaaaaaal qui te bouffe de l’intérieur c’est bien ça ? » Elle reprenait ses termes avec amusement.

Je ne peux m’empêcher de lâcher un rire qui résonne dans l’obscurité lorsqu’elle évoque ma nature de psychopathe en puissance. Non quand même, je n’irai probablement pas la pourchasser à travers le monde magique pour l’emmerder avec le traitement que lui ont fait subir ses parents. Il se pourrait bien que je la coince sur un parking, mais de là à la suivre jusque chez elle … Ca va je plaisante, ce n’est pas moi le tueur ici je vous rappelle, mais le Tigre. Il est vrai que je me suis laissé aller à quelques penchants sadiques avec bobonne, mais la garce l’avait bien mérité. Un petit coup de frayeur n’a jamais fait de mal à personne, et au final la conversation –forcée- qui en avait résulté s’était avérée particulièrement intéressante. Je me contente donc de soupirer en étendant mes jambes, parce que je n’ai malheureusement plus de sérum de vérité à portée de main pour faire subir le même sort à la jeune fille ici présente. Je préférerais autant son consentement, mais je crois comprendre que ce ne sera pas pour ce soir. Tant pis, j’aurais tout essayé, et puis au moins j’ai enfin réussi à lui faire comprendre que mon acharnement ne reflétait que mon intérêt pour elle. Alléluia ! Je recule mon torse du feu en me grattant l’arête du nez, fronçant légèrement les sourcils lorsqu’elle évoque le boutonneux. Putain qu’est-ce qu’ils ont tous avec lui … S’ils avaient eu la retranscription de la scène de la salle privée ils ne me feraient pas chier comme ça. « Ah ah, très amusant. » Je lâche d’un ton amer. Et c’est elle qui dit ça, la bonne blague. Parce que même si elle crie sur tous les toits qu’ils ont juste baiser ensemble, leur petit coup de cœur il crève les yeux. Il faudrait être aveugle comme l’imbécile de prince dans Raiponce  -l’original je veux dire- pour ne pas s’en rendre compte. La scène du bûcheron dans la cuisine suivi du choix de la ventouse pour partager un moment d’intimité dans la pièce secrète, ça déclenche une alarme dans ma tête et celle d’autres candidats. Qu’elle n’essaie pas de détourner la conversation en balançant le boutonneux au milieu du truc, ou en tentant de pointer du doigt mes surprenantes révélations. Et je me contente de hausser les épaules en lui rendant son sourire. « Je n’ai jamais dit que l’amour c’était la merde en barre, c’est fou le nombre de préjugés que vous m’avez collés. » C’est clair. Tu peux être un beau connard en reconnaissant l’existence et la beauté du sentiment. Ce n’est pas parce que tu le rejettes que tu ne l’éprouves pas. Je ne me suis jamais moqué des gens amoureux, ça me donne juste envie de gerber c’est tout, et il y a sans doute un peu de jalousie là-dedans. Parce que je me suis juré de l’écraser avec le talon chaque fois qu’il s’insinuerait jusqu’à moi. Par obligation, contrairement à elle –même si je ne fais que le supposer-. « Ça existe ouais, j’en suis parfaitement conscient, c’est juste que j’en veux pas. Mais toi t’as aucune raison de n’pas en vouloir alors fais pas ta conne. » Parce que je la vois venir à des kilomètres à la ronde la ventouse, c’est finalement bien le genre à ne jamais avoir voulu se laisser piéger par cette merde étant donné le regard à la fois amusé et gêné qu’elle me renvoie. Amusé parce que ça lui semble ridicule, pourtant gêné parce que c’est exactement ce qui est en train de lui arriver. Finalement, elle est beaucoup plus proche de Fauve que de moi à ce propos, aussi effrayée qu'elle de devoir dépendre d'un homme, sans doute. « T’as peur de quoi, qu’on t’abandonne encore ? » OUI ça va, je sais. Je n’peux pas m’empêcher de remettre ses parents sur le devant de la scène. Mais il faut dire que la conversation s’y prête totalement, étant donné que c’est la seule explication que mon cerveau tordu trouve à son mépris envers les sentiments amoureux. Et finalement, je me dis qu’on est atrocement semblables et différents à la fois.

La petite blague sur Calliste ne semblait pas très bien passer. Qu’est-ce qu’il s’était réellement passé entre les deux ? Eukleia n’en savait rien et ne se fiait qu’aux rumeurs pour un peu piquer Sullivan au vif. Le ton amer en dit long sur la manière dont cela pouvait toucher le loup. On disait seulement qu’un petit béguin courrait dans le château et avait touché en plein cœur Calliste et que Sullivan ne restait guère indifférent. D’ailleurs ce dernier n’avait pas hésité à inviter Callou à se rendre dans la salle privée avec lui… Eukleia était assez curieuse de savoir ce qui pouvait bien se passer entre les deux garçons. « Amusant ? Je suis simplement intriguée… Qu’est-ce qui vous arrive à tous les deux ? Tu sais sûrement qu’il y a pas de mal de bruits qui courent… tu ne veux pas me donner ta version des choses ? » Elle était sûr qu’il était prêt à tout pour démentir toute sorte de rumeur pouvant altérer sa réputation – qu’il croyait existante – de séducteur, beau gosse et tout le tralala. C’était un sourire qu’il exposait tandis qu’il expliquait qu’il n’était pas du genre à renier en bloc le sentiment qu’était l’amour. Eukleia haussa les sourcils. « J’ai jamais pensé que t’étais de ce genre-là. Attends, un garçon qui verse sa petite larme devant le film Titanic ne peut pas être insensible aux choses de l’amour… si tu vois ce que je veux dire » dit-elle, un sourire aux lèvres montrant bien qu’elle se moquait quelque peu de lui. Il fallait dire que ces rubriques sur le ‘sombre côté des héros’ au cours de prime rapportait toujours d’intéressantes anecdotes. Aaaah. Parce qu’il fallait aussi qu’il fasse le coup de ‘j’en veux pas, l’amour c’est à chier’ et… juste après avoir dit ça ? Ce gars était vraiment très cohérent. Elle regarda sa clope qui venait de s’éteindre. Quel était ce monde qui tournait pas franchement rond. « Primo, va vraiment falloir se calmer sur les insultes, Sullivan. VRAIMENT. Secondo… Quoi ? Tu peux pas pleurer devant l’amour malheureux de Jack et Rosiiiie tout en reniant ce sentiment. Voyons, Sulli, je sais que tu as une petite flamme qui s’agitent làààà, tout contre ton cœur. Et qui hurle ‘calou ! calou, calouuuuuu !’ » Gifle imminente dans 3, 2… Ah bah non en fait. Il lui clouait carrément le bec en parlant d’abandon. C’était quoi son problème à ce type là ? Il se sentait toujours obligé de revenir à ses convictions ? « Tu te mets le doigt dans l’œil Sullivan » oui, parfaitement. Et elle espérait qu’il se déformerait correctement le cristall… Oups, c’est vrai qu’ils étaient censés avoir enterré la hache de guerre, il fallait donc qu’elle fasse attention à ne pas lui arracher les yeux elle-même. Allez, détend toi et souriiiis. « Personne ne m’a jamais abandonné, merci de t’en inquiéter. Je suis juste traumatisée depuis le jour où j’ai vu une famille abandonner un chiot au bord de la route… depuis je me suis dit ‘oh lala, jamais je tomberai amoureuse’. Voilà, tu connais la plus grande tragédie de ma vie. » Ouais, voilà. Et elle pouvait en débiter encore plus des conneries sinon ou pas ?

Spoiler:

Rah c’est pas possible, cette fille est vraiment agaçante au possible. Non Sulli calme toi, tu t’es promis de ne plus péter les plombs … C’est dingue comme elle parvient à retourner la situation à son avantage en déplaçant le centre de la discussion sur moi. Et autant vous dire que ça ne me plaît pas du tout. Surtout quand ça touche au gamin au moins aussi agaçant qu’elle –normal, ils appartiennent à la même race, tous des emmerdeurs-. Comme si je lui devais une explication, n’importe quoi. Je m’en branle des bruits qui courent, c’est ma vie et personne n’a besoin de savoir. Enfin je me dis que jouer le jeu serait peut-être amusant cinq minutes, histoire de lui donner de faux espoirs. Alors je pousse un soupir à m’en fendre l’âme avant d’afficher un air faussement tourmenté. « Ok tu m’as démasqué. Je suis raide dingue du mec j’en dors plus la nuit. Quand je pense que le Tigre l’a emballé, j’ai envie de … me pendre de désespoir ! » Et j’attrape mon cou de mes deux mains pour simuler un étranglement. Ouais là je crois qu’elle a pigé que je me fous de sa gueule, mais je lâche quand même un rire, au cas où. Et puis je me rends compte que … BREF. Ce n'est pas vraiment le moment de me poser des questions, maintenant que j'ai réussi à lui faire croire que je m'en branle totalement. « Tu joues les femmes mystérieuses avec le bûcheron et tu t’attends à ce que je m’épanche sur le boutonneux ? » Sérieusement, dans quel monde elle vit. Je ne fais rien sans rien moi, c’est donnant donnant. Et comme je suis convaincu qu’elle ne lâchera rien, je suis hors de danger. Et vas-y qu’elle en rajoute une couche en évoquant le Titanic, tout ça parce que me suis pris pour Jack uniquement pour serrer la fée vorace dans mes bras. Je vous jure, la prochaine fois je choisirais mieux mes références … De toute façon je m’en branle, ouais je mate des films de merde, on a tous nos défauts hein. Et oui contrairement à ce que vous pensiez, je ne suis que PRESQUE parfait. Quelle déception n’est-ce pas ? En plus elle comprend mes explications à l’envers, mais ce n’est pas non plus comme si j’étais super clair avec elle. Et elle revient sur le boutonneux, j’ai juste envie de la bouffer là, tout de suite. Alors j’invoque de nouveau la petite voix dans ma tête, non sans attraper un caillou au préalable pour le jeter sur sa tête, histoire qu’elle se bidonne un peu moins. « Tu veux dire la même petite flamme qui crie ‘Oh oui mon bûcheron, emmène-moi dans ta forêt magique !’ » J’utilise le même ton qu’elle avant de hausser un sourcil. « Non en fait t’as pas bien pigé, je ne renie pas le sentiment, je l’envoie volontairement se faire foutre. » Je la fixe. « Un peu comme toi. Mais pas pour les mêmes raisons. » J’imagine, parce que c’est un peu impossible vu comment elle maîtrise sa magie. Bon ok pourquoi je parle de ça avec elle d’abord, quelqu’un m’explique ? J’ai aucune intention de pleurer sur son épaule en lui confiant que le pauvre petit Sulli est condamné à être un pauvre connard pour le restant de ses jours pour éviter de vivre une existence remplie d’enterrements dont il serait le responsable. Bouhou. Bouhou. Quelle tristesse. Ouais hein ? Allez, chialez un bon coup bande de bouseux. Du coup j’espère lui fermer le clapet en invoquant le sujet de l’abandon, et je ne sais pas trop quoi penser de sa réaction. Généralement quand elle commence à s’agacer c’est que je suis tout près du but, mais d’habitude elle n’arrive pas à tourner ça au ridicule. « Bien sûr … Parce que tu te compares à un chien maintenant. » Je m’approche légèrement pour mieux sonder ses yeux. « C’est quoi le problème alors ? Tu te transformes en crapaud toutes les nuits ? » Ça se voit que je ne connais pas les Disney en fait, parce que l’histoire c’est pas du tout ça.