Maisie est assise à côté d'un canon. Pas d'une personne extrêmement belle, mais d'une arme qui lance des boulet. Elle ne compte pas l'utiliser, bien qu'elle sait pertinemment qu'il n'est plus en état de marche. Elle l'espère en tout cas. Quoiqu'on peut se rassurer, elle n'est pas assez maladroite pour actionner une telle machinerie. Elle est assise à côté, en regardant la mer qui s'étend à perte de vue. Le problèmes, c'est qu'elle est un peu malade et un peu triste aussi. Malade, parce que c'est la première fois qu'elle prend la mer. Habituellement, elle voyage au moyen de ses pattes, et en plein milieu des terres. Jamais si près de l'eau, qui ne la rebute pas, mais qui ne la rassure pas pour autant. Et puis elle est triste. Pas parce que sa timidité lui pose des barrières entre elle et les autres. Elle a l'habitude. C'est juste qu'elle a compris, à présent, qu'elle était la seule centaure ici. Elle se faisait une joie de rencontrer quelqu'un comme elle dans la compétition, même si elle vit vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec des centaures. Elle aurait eu un ami comme ça, mais non. Elle est la seule de leur espèce à être présente. Du coup elle n'a pas très envie de montrer son vrai physique là, en sachant qu'elle est seule. Elle ne veut pas que les autres se moquent. Même s'il y a des sirènes. Même s'il y a des centaures. Même s'il y a des loups. Elle, c'est quand même un cul de cheval qu'elle a, c'est autre chose. Avec quelqu'un d'autres de son espèce, ça aurait pu passer, mais pas toute seule. Elle ne pleure pas, mais elle est à la limite. Seule et sur un bateau. Enfin pas seule, parce qu'elle voit se refléter dans le canon, bah un reflet oui, d'une personne. Un garçon. Elle se retourne un peu et elle remarque un qui parle fort, du prime. Enfin, elle croit que c'est lui. Elle ne peut pas dire qu'elle ne les aime pas, c'est pas vrai, elle ne les connaît pas. C'est plutôt qu'elle ne veut pas paraître faiblarde devant ce genre de personne. Ca serait le début de la fin et pourtant, c'est plus fort qu'elle. Elle lâche un soupire. « Salut. » Qu'elle dit de sa petite voix fluette, mais pas énervante. Elle ne peut rien dire d'autre, mis à part ça. Sinon quoi ? Elle ne sait pas taper la discutions, comme une personne normale et en plus, elle n'en a pas très envie non plus.

Après cinq jours passé sur le cauchemar flottant j’ai toujours cette sensation désagréable qui me noue l’estomac, comme si mon repas pouvait être expulsé à tout moment. Et j’ai beau fixer l’horizon, me réfugier dans la salle de la chaîne, arpenter le bateau de long en large, rien n’y fait. Je crois que le seul remède durable c’est la terre ferme, et je prie quotidiennement pour qu’elle n’ait pas l’idée saugrenue de nous débarquer sur une parcelle flottante comme ces trucs que font les japonais. Ou les milliardaires du désert je ne sais plus. Bref, je rêve d’une forêt luxuriante, d’insectes rampants, d’écorce et de mousse. Rien que d’y penser ça me donne envie de m’arracher les cheveux devant une caméra pour manifester mon mécontentement, mais j’aime autant éviter de risquer l’expulsion. En attendant j’erre sur le bateau pour tenter de calmer les protestations de mon corps, atterrissant près de canons qui devaient autrefois servir à bombarder l’ennemi. Cool. Mais ce qui est bien plus cool encore, c’est la silhouette assise près de l’un d’eux que je reconnais comme étant  la seule créature sur ce foutu bateau que j’ai VRAIMENT envie de côtoyer. Aussi je m’approche d’elle avec un certain empressement, la scrutant comme s’il s’agissait de la huitième merveille du monde. « T’es un centaure, pas vrai ? » Mes yeux habituellement blasés s’illuminent presque devant cette constatation, et j’en oublie mon mal d’estomac. « J’ai bien cru que la vieille les avait tous recalés. » Je fais remarquer avec une grimace. J’aurais été bien emmerdé qu’elle le fasse, parce que les centaures c’est tout ma vie. Je ne comprends toujours pas pourquoi le connard qui nous sert de dieu m’a filé des pattes de bouc plutôt qu’une croupe de cheval –je me serais même contenté de celle d’un âne-.  Et je suis tellement emballé que je prends même la peine de me présenter –ce qui représente en soi un miracle-, histoire de casser la première impression de gros chieur à la tête d’enterrement que j’ai éventuellement pu donner lors du prime. « Moi c’est Reno. » Je ne vais pas non plus jusqu’à esquisser un sourire, mais mes lèvres s’étirent légèrement. « C'est vraiment cool qu'il y ait un centaure. » Je juge bon de préciser, comme si c’était indispensable alors qu’elle doit probablement se dire que je suis un grand malade. Et puis c’est surtout qu’elle risque de mal l’interpréter si elle fait l’association entre moi et les membres de ma race. « Enfin j’veux dire … t’inquiète hein, j’vais pas te pourchasser pour essayer de t’violer comme dans les contes. » Je précise pour éviter tout malentendu, posant mon coude sur le canon à côté duquel elle s’est installée. Je fais alors vriller mes pupilles dans sa direction. « Ça n'arrive que quand on m'provoque. » Et j’attends une seconde avant de lâcher un rire nerveux. « Je déconne hein, j'ai jamais ... » Voilà pourquoi je ne fais jamais d’humour. Du coup je décide d’adopter de nouveau ma mine renfrognée. « ... violer personne. » Allez c'est bon, ferme ta gueule maintenant.

« T’es un centaure, pas vrai ? » La question arrive comme un cheveux sur la soupe et Maisie ne sait pas comment y répondre. Enfin, elle pourrait simplement dire oui, mais c'est plus compliqué que ça pour elle. Elle aime être une centaure, mais elle n'aime pas ça en « société ». Avec des autres, quoi. Du coup elle tourne sa tête dans sa direction, fronçant un peu ses sourcils de peine. Elle bouge sa tête de haut en bas pour lui dire, sans réponse, parce qu'il n'en a pas besoin. Il embraye rapidement, précisant qu'il avait cru que la Vieille Fée les avait tous recalés. Cette fois, Maisie est vraiment touchée. Non pas qu'il ait été méchant avec elle, mais il appuie où sa fait un peu mal. « Je sais... Je suis toute seule... » Qu'elle lui dit, dans un sanglot, alors qu'une larme coule sur sa joue. Elle est triste d'être seule. Sur ce point, elle est très vulnérable. Elle laisse ses cheveux masquer son visage, tandis qu'elle essuie la larme qui vient de mouiller son visage. Il se présente. Elle est trop polie pour ne pas répondre, du coup elle souffle doucement : « Maisie. » Tout simplement. Alors lui, il s'appelle Reno. Elle ne sait rien de lui, alors que lui sait qu'elle est centaure. Elle a l'impression que ça se lit sur son visage ou qu'elle est très bête de ne pas être assez perspicace. Et puis il dit que c'est cool qu'il y ait un centaure. Elle relève doucement son visage vers lui, une petite moue sur le visage. Elle se méfie. Elle ne veut pas qu'on se moque d'elle, alors de telles paroles, ça la fait se méfier. Et puis c'est un peu drôle parce qu'il s'emmêle les pinceaux en parlant alors qu'au contraire, il a plutôt l'air « à l'aise » pour parler. Ou c'est une idée qu'elle s'est fait... Il parle de violer. Elle fronce les sourcils et puis, elle comprend ce qu'il est. En quelques sortes, une bête, comme elle. Elle croit que ça la rassure un peu. Qu'il n'est pas un humain venu la regarder comme une bête de foire. Non pas qu'elle voit les humains aussi méchant, c'est simplement qu'on les a dépeint de cette manière. Il ne la violera pas, c'est noté. D'ailleurs, elle fait un petit mouvement de la tête à son attention pour lui montrer qu'elle était d'accord. Il essaye de faire une blague. Elle le regarde, un peu bloquée, sa bouche entrouverte. Alors elle ne peut pas s'empêcher de lâcher un rire et de masquer alors sa bouche de sa main pour ne pas le lui montrer et risquer de le vexer. Quoiqu'il disait déconner et donc un rire était un peu ce qu'il attendait. Elle ne peut alors s'empêcher de sourire, même si elle a encore un peu la vague à l'âme de se sentir seule. « Je te crois. Je ne pense pas que la Fée d'un certain âge aura prit le risque de mettre un violeur parmi nous... » Surtout auprès de si jolies filles que sont les autres candidates. Pas elle, non, elle ne se sent pas très jolie comparée aux autres. « De toute façon, tu ne me rattraperais pas... Si tu voulais me pourchasser » Qu'elle souffle, avec une petite moue malicieuse. Autrement dit, elle court trop rapidement pour lui, simplement. En tout cas, elle se rend compte qu'il n'est pas comme elle l'aurait pensé. Que même s'il ne sourit pas beaucoup, il est gentil et il parle très bien aussi. Du coup, elle ose lui demander, avec sa petite voix tout de même : « Tu trouves vraiment que c'est cool qu'une centaure soit là? Pourquoi ?... Tu ne te moques pas de moi en disant ça, dis? »

Putain qu’est-ce que j’ai dit encore, pourquoi elle se met à chialer ? Pour une fois que je cause à quelqu’un de mon plein gré, que je lui manifeste un peu de sympathie, je récolte une larmichette. Bon sang, je n’suis vraiment pas doué pour les relations humaines ou cette fille est dépressive ? En même temps je la comprends, des créatures terrestres il n’y en a pas beaucoup sur ce bateau, et je me souviens encore de la gueule que je tirais quand j’ai tenté un court séjour dans la capitale magique. Je dépérissais à vue d’œil loin de ma forêt, j’imagine que pour elle c’est un peu pareil. Aussi je me donne pour mission de lui remonter le moral, parce que bordel c’est un centaure. Alors je me présente et tout, et je me laisse même aller à une tentative d’humour au moins aussi foireuse que celle du footing matinal de la vieille. Sauf qu’elle a l’air un peu plus réceptive que ma partenaire, lâchant un rire qu’elle tente de dissimuler pour dieu sait qu’elle raison. Et là, je suis tout fier d’être parvenu à lui décrocher un sourire. J’ai rarement été aussi excité de toute ma vie –pas dans le sens sexuel du terme-, je me demande même si la mixture de la sirène ne contenait pas une substance pour rendre les gens heureux. Parce que cette sensation, je n’ai pas l’habitude de la ressentir. Enfin pas d’inquiétude, l’euphorie d’avoir déniché un centaure ne va probablement pas durer éternellement … Ce qui est bien c’est qu’elle n’a pas l’air trop stupide, agressive ou bourrée de préjugés concernant les satyres. Tout ce que je décèle chez elle c’est un manque de confiance, et ça m’échappe totalement. Je m’accroupis près d’elle, le dos posé contre le canon alors qu’elle affirme être plus rapide que moi, et ça me fait rire. Sauf que ça ne se voit pas, parce que c’est à l’intérieur vous voyez. C’est sûr qu’avoir quatre pattes ça aide pas mal, mais sous forme humaine je suis à peu près certain d’être plus endurant. Je m’apprête à lui répondre, mais là, elle me pose une question qui me laisse parfaitement incrédule. Pourquoi ? « Attends tu plaisantes ? » C’est un CENTAURE quoi, la meilleure créature du monde magique. La meuf devrait rayonner d’assurance plutôt que de fouiller le sol d’un air gêné comme si elle n’avait pas sa place ici. « D’aussi loin que j’me souvienne j’ai toujours traîné avec des centaures. Jouer de la flûte et participer à des orgies c’est pas franchement mon trip. » Ouais je raconte un peu ma vie là, ça me rappelle mes séances de psychothérapie. « L’un d’eux m’a appris à tirer à l’arc d’ailleurs. Enfin … j’suis pas aussi bon que vous mais je m’démerde. Faudra qu’on s’entraîne ensemble. » Je lui propose avant d'esquisser un micro-sourire en lui tapotant le genou. CONTACT. WARNING. « Mais bon, en ce qui concerne la course j’ai toujours été meilleur que les centaures sous forme humaine, désolé. » Histoire de lui faire comprendre que si je compte la pourchasser je parviendrais probablement à la rattraper. Et je tire sur le bout de son vêtement en guise de démonstration. « Attrapée. » Oui oui, je viens de faire ça, ceci est parfaitement normal. « On dirait que t'as honte d'être un centaure ou je sais pas, pourquoi t'es pas à l'aise ? » En même temps, on ne peut pas faire pire que moi. Je crois que je n'ai jamais côtoyé autant de personnes dans toute ma vie.

Elle est quand même en droit de se le demander. Elle est un peu méfiante pour le coup. Elle se dit immédiatement qu'il va se moquer d'elle, parce qu'en vrai elle est toute seule et c'est pour une seule et unique raison : parce que les centaures sont « nuls ». Pourtant il a l'air étonné et presque outrée. Si elle plaisante ? Non. Apparemment, il trouve ça absurde. Il a côtoyé des centaures, apparemment plus proche de ses trips, que ceux des satyres même. « Pourtant ça à l'air marrant... » Qu'elle répond, en référence à la flûte et aux orgies. Elle plaisante évidemment. Il a de la chance d'avoir pu traîner avec des personnes d'une autre race. Elle, elle n'a jamais connu que sa tribu de centaure dans sa vie et puis c'est tout. Elle plaisante, mais elle n'en reste pas moins triste. Elle s'est longtemps dis qu'elle aurait un appuie dans la compétition, un appuie émanant d'une même espèce qu'elle. Elle s'est même prise à rêver d'un beau centaure. Pourtant non, elle n'aura pas de copain centaure. Il s'en rapproche pourtant, Reno, alors qu'il n'est pas vraiment de ce bord là. Il esquisse un sourire. Si, elle l'a vu. Il tapote son genou. Elle ne le regarde pas, mais elle a un sourire au bout de ses lèvres. Ca serait avec plaisir qu'elle s'entraînera avec lui. Comme il dit, il ne pourra jamais être aussi bon qu'elle, mais il peut toujours se mesurer à elle. « Oui il faudrait... En fait tu peux être mon copain centaure... Sans en être un vraiment... Non ? » Qu'elle demande, posant délicatement ses deux grands yeux clairs sur lui. Il ne peut pas refuser, même pas lui. Elle est trop touchante et elle est trop mignonne comme ça pour recevoir un non en pleine figure. D'ailleurs elle ajoute : « Je peux t'apprendre à manier une lance aussi, mais c'est moins facile qu'on ne le pense... » Qu'elle dit doucement. Elle ne devrait peut-être pas le leur apprendre aux autres, mais elle est trop gentille pour ne pas le proposer ou refuser. De toute manière, elle sait pertinemment qu'il n'arrivera pas à son niveau, elle, qui la pratique depuis toute petite. Et puis il reprend sur la course. Il se dit plus fort que les centaures, sous forme humaine. Elle hausse les épaules. Elle ne le croit pas. Ou elle le croit peut-être, mais elle ne veut pas le lui montrer. D'ailleurs, elle allait le lui dire, quand il tire sur son vêtement, clamant fièrement un attrapée qu'elle n'a pas venu voir. Elle ne peut pas s'empêcher de lâcher un rire. Il est marrant. « Maintenant quoi ? Je suis ta prisonnière ? » Qu'elle dit, avec une moue faussement apeurée. Manquerait plus qu'il lui dise que oui, mais il ne le dira pas. Pareil, il ne peut pas faire prisonnière une aussi jolie créature. Bien qu'il l'ai cerné pas mal. Effectivement, elle n'est pas à l'aise. « Je ne sais pas. Dans ma forêt, ça ne me dérange pas, mais ici... » Elle hausse un peu les épaules, parce qu'elle n'arrive pas à mettre des mots sur son « mal ». Elle réfléchit un peu et elle reprend : « J'ai l'impression d'être vraiment monstrueuse comparé aux autres... » Qu'elle dit, avec une petite grimace, pensant surtout aux humains. Elle n'a rien contre eux, mais elle a vraiment peur de leur réaction. Qu'ils se moquent. Et qu'ils ne veulent plus lui adresser la parole pour ça. C'est vrai que c'est absurde, mais c'est sa peur tout de même. Même s'ils sont habitués aux chevaux, il ne le sont pas aux moitié homme-moitié cheval. « Je n'ai pas honte du tout d'en être une... Mais si je pouvais avoir tout d'un centaure, mais sans son apparence, ça m'arrangerait... Je dois paraître superficiel, mais je n'aime mes fesses de cheval...» Il doit comprendre lui, avec ses pattes de boucs. Elle sourit un peu en coin, mais elle est triste. C'est comme ça... « Est-ce que tu t'es déjà « transformé » ici, sur le bateau ? J'ose pas le faire, moi... » Délaisser ses jambes humaines, pour ses pattes de cheval.

Bon, je n’sais pas trop si je dois commencer à me vexer là, parce qu’elle continue d’afficher son petit air de poète torturé malgré mes efforts. Et je n’suis pas le genre de gars patient qui va la travailler sur la durée, du coup ça commence limite à m’agacer. Je sais bien que je n’ai pas la gueule d’un centaure, mais je suis sûrement ce qui se rapproche le plus des gens qu’elle a l’habitude de côtoyer. Une créature de la forêt. Un type qui ne la regardera pas avec un air amusé, effrayé, interloqué, méprisant ou moqueur lorsqu’elle prendra sa forme animale. Mais quand elle tourne ses yeux de biche dans ma direction en me demandant d’être son nouveau copain, toute trace de frustration disparaît comme par enchantement. « J’en serais honoré. » Je me prends même à dire comme si je venais d’être adoubé chevalier par une princesse, non mais n’importe quoi mec. Alors je retire ma main de son genou pour venir me frotter la mâchoire en lâchant une toux gênée. Je me suis encore foutu dans la merde moi, il va falloir que je calme mes élans de princes charmants illico. « Ce serait génial, mais je te préviens tu vas avoir du boulot. La dernière fois que j’ai essayé j’ai transpercé la chèvre du voisin. » J’annonce en esquissant un nouveau sourire –c’est la fête du slip-, visiblement amusé par mon récit meurtrier. « T’aurais dû voir sa g … bref. J'avais treize ans aussi. » Je me reprends en baissant les yeux, parce qu’elle va vraiment finir par sa dire que je suis un vrai malade. En même temps des chèvres, c’est pas ce qui manque par chez nous. Il suffira de s’assurer qu’aucun candidat ne traîne dans le coin, histoire d’éviter les accidents, et puis la vieille a parlé de quelqu’un qui soigne sur ce bateau, alors au pire … « Et en échange je pourrais … » Je m’emballe carrément là : 1/ j’ai pas l’habitude d’échanger quoique ce soit, 2/ j’ai foutrement rien à lui donner en échange. « … être ton copain centaure, c’est déjà pas mal. » J’achève en haussant les épaules. Non ? Et puis j’enchaîne sur cette histoire de course, mais elle n’a pas l’air franchement convaincue. Pourtant elle devrait. Enfin on verra bien ça lors des duels, si on se retrouve face à face. J’espère que ça n’arrivera pas de sitôt, il y’a tellement d’autres candidats sur lesquels je préfèrerais me défouler. Le chien galeux par exemple, je prendrais un malin plaisir à arracher ses crocs à mains nues. Et je fais le truc le plus débile du monde : l’attraper par son vêtement. Mais en fait ça la fait rire, et bizarrement ça me fait me sentir encore plus con. « Euh, non j’te libère, regarde. » Je laisse échapper en décrochant ma main, en fait ça m’arrange. Moi qui d’habitude déteste le contact, ça fait deux fois que je viens la toucher, et pour éviter d’y penser je m’intéresse à son ressenti sur ce début d’aventure. Il est clair qu’elle n’est pas franchement à l’aise ici, et je l’encourage du regard tandis qu’elle essaie de s’expliquer. MONSTRUEUSE ? Le mot tombe et j’ouvre de grands yeux. C’est limite si je n’appuierais pas volontairement sur son front pour lui remettre les idées en place, parce qu’elle n’est vraiment pas bien de dire un truc pareil. Et elle continue à parler comme Ariel qui rêve de délaisser sa queue de sirène pour rejoindre le monde des humains, un air penaud peint sur le visage. « Il n’y a aucune espèce plus belle qu’un centaure. » J’esquisse même un mouvement vers elle mais me ravise au dernier moment. Pas toucher. « Un centaure c’est majestueux. C’est charismatique. C’est classe. » Sérieusement, je donnerais tout pour avoir un corps de cheval à la place de mes pattes de bouc. « Tes fesses de cheval, c’est justement ce qui te distingue des autres. C’est bien d’être différent. » C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle est là, parce qu’elle est dotée d’une particularité qui la rend unique. Elle est bien plus intéressante qu’un simple humain. Et je me rends compte que je lui dis tout ça en ayant moi-même honte de ce que je suis. Mais ce n’est pas vraiment la même chose, moi je suis un satyre. « Non. » Je reconnais finalement lorsqu’elle m’interroge sur ma transformation à bord du bateau. « Tu peux t'entraîner avec moi si tu veux, je peux jouer le mec surpris. »