La cale, ou sans doute l'endroit le moins charmant qu'il m'ait été donné de voir sur ce bateau. Lugubre et peu lumineux, autant dire que je ne compte pas passer mes journées ici. Mais cette atmosphère hostile présente l'avantage que peu de personnes osent s'aventurer par ici. C'est donc en cet endroit que je compte me réfugier lorsque je souhaiterai me retrouver seule, toute seule. Bien plus pratique que dans les cabines où treize lits sont collés les uns aux autres. Même les sardines dans leurs boîtes ou dans mon cher océan sont plus à leur aise. Je pose mes fesses sur le bois poussiéreux, tant pis pour ma robe. Les humains font chier aussi, à la moindre tâche il faut laver leurs affaires. Nous au moins, on vit à poil avec juste de quoi cacher nos seins dans la mer et le tour est joué. Je m'adosse en position indienne, et même si cette position est particulièrement inconfortable, elle a le mérite de me permettre de reposer mes fesses. Pas que je sois une experte pour utiliser mes jambes, mais je me débrouille au moins mieux que Milo qui, lui, semble n'avoir jamais, ou presque, posé de sa vie une écaille sur la terre ferme. Soupir. Non, je secoue ma tête de gauche à droite frénétiquement. Il faut que j'arrête ça. De soupirer. Je ne veux pas paraître antipathique aux yeux des autres. Mystérieuse suffira amplement. Un ronflement qui s'échappe juste à côté de moi me fait sursauter comme jamais et je hurle tout ce que j'ai dans la cale du bateau. « Mais c'est pas vrai ?! Ça va vous n'avez pas trouvé mieux comme endroit pour faire la sieste ? » Navrée de l'avoir réveillée, je me reprends un peu. « Je veux dire, ton lit est plus confortable non ? Oui après ces présentations un peu brutales je pense qu'on peut se tutoyer, Breiv. » Comment avoir oublié son prénom.

La jolie sirène avait un coup de barre, un énorme coup de barre. Ses paupières tombaient et elle se sentait aussi molle qu’une guimauve. Bref, ce n’était pas la joie et à dix-huit heures elle s’était décidée à aller faire un petit somme. Or, dans la cabine, quelques couchages étaient pris par des ronfleuses, ce n’était pas bien agréable ; c’est pourquoi Breiv se décida à aller se poser dans la cale où peu de monde se rendait. Elle avait emporté avec elle un coussin moelleux qu’elle calla sous sa tête. Ses paupières se fermèrent et, très rapidement, elle s’en alla dans les bras de Morphée, au creux d’un sommeil de plomb tout à fait réparateur. Alors qu’elle nageait en plein rêve, dansant avec son ami le poisson clown, une voix vint s’immiscer dans cette danse bon-enfant et l’extirpa de son rêve pourtant si agréable. Elle entrouvrit ses paupières alors encore assez lourdes. Une fille était carrément en train de lui hurler dessus. Elle prit toute cette agressivité en pleine figure et se redressa, les traits tendus et les larmes aux yeux. Qu’est-ce qu’elle avait fait, bon sang ? La voix de la fille se radoucissait, elle proposait le tutoiement et l’appelait même par son nom – alors que Breiv ne savait pas qui était cette fille. Celle-ci resta un instant sans rien dire, sachant qu’elle allait éclater en sanglots si jamais elle prononçait un mot puis, lorsqu’elle eut réussi à ravaler ses larmes, elle répondit, penaude : « Heu… Oui, un peu bru-brutal, en effet. » Pauvre petit sourire. Allez on se reprend. « Tu pou-pourrais me rappeler ton nom ? » Il serait plus simple de discuter de cette manière. « Je… Dérange ? » Il serait aussi assez sympathique de connaître la raison de ces hurlements.

La jeune femme que je viens de tirer de ses songes malgré moi, a direct les larmes aux yeux lorsqu'elle se redresse. Quoi encore ? Tout va me retomber dessus alors que j'ai simplement été surprise de voir que je n'étais pas seule ici. C'est tout. Pas de quoi chialer à grosses larmes. « Si tu fais ça pour les caméras, arrête ton cinéma tout de suite. » Je ne vais pas la ménager, non plus, et puis quoi encore. Je le sais qu'elle joue la comédie. Impossible d'avoir envie de pleurer juste parce qu'on s'est fait réveiller de façon un peu plus agitée que d'habitude. « T'as pleuré aussi, lundi matin, quand la Vieille a fait sonner l'alarme à six heures ? » Non mais je rêve.. Enfin. Elle me demande de lui rappeler mon prénom. Fiou, keep calm. Cent soixante-troisième fois sans doute que je le répète. Ma théorie du post-it va sans doute voir le jour si les gens continuent à oublier les prénoms des uns et des autres. « Saana. » J'écris les cinq lettres de mon prénom avec mon doigt sur son bras, comme pour lui ancrer dans l'esprit. « Saa-na. » Puis je m'écarte à nouveau. « C'est bon ? » Je la regarde d'un air de dire, j'te le redirai pas deux fois. Pas méchamment. Mais c'est juste la vérité. Je sais bien qu'on est vingt-quatre, et que tout le monde n'a pas ma mémoire de folie, mais quand même. « Non tu déranges pas, vas-y, tu peux continuer ta sieste. Ou on peut discuter, comme tu le sens. » Je me remets dans ma position initiale. Toujours aussi peu confortable mais au moins, cette fois, je sais que je ne suis pas seule et ne risque plus de me faire surprendre. « Tu sais je mords pas. » j'insiste. Une chance que je ne me sois pas cogné ou une autre connerie du genre. « Tu viens souvent parmi les humains ? En dehors de l'émission, je veux dire. »

Ok. La fille qui venait de faire son apparition dans la cale n’était pas une gentille personne. Voilà tout simplement ce à quoi pensait Posy tandis qu’elle la regardait se foutre clairement d’elle, sous prétexte que quelques larmes se dessinaient au coin de ses yeux. « Co… Comment te dire ? » Commença Breiv, en prenant son courage à deux mains alors que la fille venait de lui demander si elle s’était mise à chialer quand la Vieille Peau les avait réveillé le premier jour. « Elle… ne me criait pas de-dessus directement » voilà qui était pathétique. Breiv s’en voulait de ne pas savoir faire preuve de force d’esprit, ou ne serait-ce que de répartie. Face à des personnes comme celle-ci elle se sentait impuissante, démunie et carrément idiote. D’ailleurs la fille semblait penser que Breiv était idiote car elle lui répéta deux fois son prénom en l’épelant tout en articulant comme pour expliquer quelque chose à un gamin de cinq ans. « Heu, je n’ai pas de déficience mentale tu sais. Tu peux me parler normalement. Pas besoin d’osciller entre agressivité et air hautain. Ca déforme ta peau de changer d’expression toutes les trois secondes. » Breiv voulait bien être gentille mais tout de même, il y avait des limites. Et cette Saana avait un côté des plus insupportables et semblait franchement péter plus haut que son cul. D’où les petites rides sur son front. Et, bizarrement, à présent, elle se la jouait gentille grande sœur. « Je… Tu es bipolaire ? » Ouah. Elle aurait peut-être mieux fait de se la fermer sur ce coup-là, elle n’était pas sûre que Saana puisse encaisser le coup de la peau et celui de la bipolarité. Breiv se mordilla la lèvre, gênée. Il fallait vite changer de sujet et répondre à sa dernière question, viiiite. « J’ai un ami poisson clown. » QUOI ? Breiv. Du calme. Ok. Ca tambourinait carrément là-haut et elle tenta de se concentrer sur sa respiration. « Je veux dire, j’ai un ami poi… Merde alors. Non, je… Je ne suis pas souvent venue à la surface. » Ouf, ce n’était pas si compliqué.

La fille continue de pleurnicher et peine à parler, à répondre à mes questions. Quel cinéma. Putain, quand je dis que je n'aime pas les blondasses, c'est pas pour rien. Toujours à se faire remarquer. Ça commence par leur couleur de cheveux, qui est souvent loin d'être naturelle. Ma théorie se confirme avec Breiv, qui pourtant m'était apparue sympathique lors du premier prime. Mais il est vrai que j'ai tendance à avoir du mal, beaucoup de mal, avec les personnes effacées et avec un cruel manque de personnalité. Breiv a visiblement du mal à s'affirmer, elle va ramer face à moi. Je n'espère cependant pas tomber face à elle en duel, préférant affronter un adversaire à ma taille. Quoi qu'il en soit, il semble que les langues se délient. La petite prend du poil de la bête en peu de temps. « Gentil de t'inquiéter pour ma peau mais je crois savoir que de nous deux la plus âgée c'est bien toi. » Je lui tapote la joue style amicalement. C'est la vérité. Breiv ignore sans doute mon âge, mais moi je n'ai pas oublié le sien, lorsqu'il a été évoqué lors de sa présentation sur le prime d'ouverture. « Ouais ouais. » je surenchéris, pas vraiment intéressée par ce qu'elle raconte. Visiblement elle essaie l'offensive. Ce qu'elle me dit entre par une oreille et ressort par l'autre, mais si je prête attention à ce que la demoiselle n'aille pas trop loin dans ses dires non plus. Et.. elle me demande si je suis bipolaire. Sur le coup, je reste figée. Quelques secondes. « Tu.. » Elle n'a pas osé ? En plus de faire des remarques désobligeantes sur le physique alors qu'il y en aurait à dire sur le sien, la blonde se permet de sous-entendre qu'en gros je suis une attardée ? La gifle ne se fait pas attendre, ne lui laissant pas le temps de finir ce qu'elle raconte sur les poissons clowns. J'y ai mis tellement toutes mes forces que ma main me brûle. C'est ce qui s'appelle se crêper les écailles en beauté. Quant à elle, je pense qu'elle vient de recevoir la gifle de sa vie. Sorry not sorry.

Breiv n’aimait pas le regard mi méprisant, mi moqueur, que lui lançait Saana entre deux phrases désobligeantes… Du moins ce que la sirène brune pensait comme étant désobligeant, étant donné que cette histoire d’âge n’atteignait pas du tout Breiv qui n’en avait tout simplement rien à fiche. Ainsi, la blonde ne répondit pas à la remarque de Saana et se contenta de décaler sa joue quand celle-ci crut bon de la pincer avec ses doigts qui puaient le narcissisme. Sa présence la gênait tout particulièrement. Tout comme Reno, le psychopathe, la brune envoyait de mauvaises ondes tout autour d’elle. Les traits de Breiv se tirèrent. Elle sentait que Saana n’allait pas tarder à dépasser ce cher Reno dans le rang de psychopathe. Et justement… A peine Breiv avait-elle prononcé le mot bipolaire – sans franchement penser à mal, tout simplement pour savoir si elle avait ce problème là – que la claque vola. La sirène eut peine à comprendre ce qui venait de se passer et sa propre main vint toucher sa joue que la gifle de Saana venait de faire claquer. La douleur était cuisante et cela n’aurait guère étonné Breiv que sa joue porte la trace de la main de l’autre folle. Tétanisée, elle n’arrivait pas à prononcer un mot, ils restaient tous coincés dans sa gorge. Soudain, après quelques temps de silence, les yeux écarquillés, elle s’exclama : « Mais… t’es complètement malade. » Voilà qui était dit. « Tu… Ta maman t’a pas appris qu’on pe-peut pas gifler les… les gens à chaque fois qu’on est contrarié ? » Elle aurait franchement du.

Les filles, vous savez à quel point on est connues pour se critiquer, se tailler, se juger, les unes les autres. On adore ça, on fait que ça. Les journées seraient trop chiantes, sinon. Mais alors, les sirènes. Si vous n'en avez jamais côtoyé, vous allez être au bout de votre vie. On dit souvent que, nous, les sirènes, sommes des femmes poussées à l'extrême. Belles puissance mille, compliquées puissance mille, féminines puissance mille. Mais aussi critiques puissance un million. Alors, quand deux sirènes se retrouvent ensemble, imaginez les dégâts. Voilà pourquoi je traine en général plutôt avec des fées ou des humaines, même si j'ai des amies sirènes faut pas croire. Disons que jongler entre plusieurs espèces me permet de ne pas péter un plomb trop rapidement parce que, les gens qui me ressemblent trop m'énervent un peu, autant que ceux qui n'ont rien à voir avec moi. Je préfère un juste milieu quoi. Bon laissez, on est compliquées j'vous ai dit. Bref, je remets les idées de Breiv en place avec cette gifle pas calculée pour un sou. On va dire que je réfléchis toujours mes actes, mais lorsque je perds patience et mon sang-froid, il m'est certaines fois difficile de me contrôler. Certaines fois comme celle-ci. Elle me dit que je suis malade ; visiblement elle n'a pas bien compris le message. Je fais une moue dépitée, elle en veut une autre ? « Non elle m'a pas appris, non. » Je n'ai rien d'autre à dire aux trente bêtises à la seconde que la blonde face à moi débite. J'aurais pensé qu'elle allait me sauter dessus en retour ou au moins riposter, mais nada. Limite j'suis déçue. Non pas que je comptais me prendre un paing, mais j'ai moyennement l'habitude d'avoir affaire à des gens qui se laissent faire comme ça. J'ai presque envie de lui demander si ça va. Euh, je viens vraiment de penser ça ? No way. « Tu crois vraiment que tu vas tenir toutes ces semaines dans le jeu ? » je demande, d'un ton neutre. J'ai l'impression d'être tombée sur la coincée du groupe.

Bien. Elle était face à une psychopathe qui venait tout juste de la gifler. Très bien. Elle était dans cette foutue cale avec une folle et personne ne savait où elle se trouvait. Personne pour la sortir de ce foutu pétrin. Et en même temps, elle aurait bien honte de prendre la fuite. Cette fille là – malgré ses… hum… problème mentaux, ou ses petits problèmes de bipolarité – n’allait sûrement pas lui faire franchement mal. Elle était juste franchement méprisante et son narcissisme lui faisait péter les plombs lorsqu’on prononçait une parole désobligeante à son encontre. Rien de grave. Breiv espérait seulement que son adversaire sirène finirait réellement par se faire virer dans les quelques semaines qui suivront. Elle n’allait pas pouvoir supporter son regard dégoulinant de mépris pendant très longtemps, ça non. Bref, apparemment sa maman ne lui avait pas appris les bonnes manières, c’était affligeant. Ça lui ferait franchement saigner la bouche à Miss Orgueilleuse de s’excuser pour la claque qu’elle venait de lui mettre ? Non ? Breiv secoua la tête, désespérée. Maintenant, Saana lui demandait si elle pensait pouvoir réussir à rester longtemps dans l’aventure. Vexée, Breiv se trouvait en effet piquée au vif. Bien sûr. Elle était là pour rester le plus longtemps possible et faire en sorte d’arrêter de se faire piétiner. « Ne te fie pas qu’aux apparences, miss Narcissisme. Je… Je ne suis pas si inoffensive que j’en ai l’air. » Etait-ce un brin de moquerie qu’elle venait de voir apparaître sur le visage de Saana ? C’en était trop. Elle pouvait bien perdre ses bonnes manières et sa non-violence pendant quelques minutes. Elle regarda la sirène droit dans les yeux et, utilisant ses pouvoirs d’hypnose, elle commença à chanter. « Saana, saana, tu vas te cogner la tête sur ce meuble, juste devant toi, Saana, te cogner la tête… » Voilà de quoi lui rendre la claque qu’elle lui avait mise. Pourtant, au dernier moment, culpabilisant, Breiv rajouta : « Doucement ».

hj : pas d'échappatoire.

Toujours à en venir aux mamans dans les disputes. Les mamans, ah, les mamans. Si elles savaient tout ce qu'elles se prennent dans la figure quand deux personnes s'engueulent. Jamais j'fais ça moi. J'veux dire, même si je t'aime pas, elle m'a rien demandé, ta maman. Alors quand Breiv commence à parler de la mienne je n'ai aucune autre envie que de lui arracher les yeux. Et dire que je pensais qu'on s'entendrait bien. C'est loupé. Joyeusement. Je masse doucement ma main parce que j'ai encore un peu mal de la gifle que je lui ai donnée - et qu'elle n'a pas volée. On dirait que Breiv s'attend à des excuses. J'ai un peu envie de me marrer ; how about no ? Qui exactement frappe quelqu'un puis s'excuse juste après ? J'ai l'impression qu'hormis Pipper, tous mes camarades sirène et triton semblent nager dans un dessin animé. Peut-être qu'ils vivent dans le coin du monde de Nemo. Enfin, me semble pas qu'on cohabite dans le même océan en tout cas. Ou alors c'est juste moi qui ai un problème. La blonde commence à m'appeler Miss Narcissime. « Miaou, punchline de bébé. » je m'esclaffe avant de bailler d'une façon faussement inopinée. A croire que cet endroit donne envie de dormir. Vu qu'avant que je la réveille, Breiv dormait, on pourriat croire qu'elle a un cerveau d'enfant coincé dans un corps de mamie. Non parce qu'elle m'a pas l'air d'avoir seize ans quand même. Elle me fait tout un baratin comme quoi elle est pas si gentille qu'elle en a l'air, et je me sens soudain rêvasser, comme emportée dans un nuage de douceur, et alors je ne contrôle plus rien. Vraiment plus rien. Je me lève, fais quelques pas et, bercée par la voix mélodieuse de Breiv, commence à me frapper la tête contre la grosse caisse en bois qui se trouve devant moi. Genre, normal. J'ai envie d'arrêter parce que ça me fait mal mais je n'y arrive pas.

Breiv venait tout juste d’utiliser son charme sur Saana que la voilà qui commençait à franchement se taper la tête contre le meuble. Ouah, c’était vraiment efficace ce truc, elle n’avait pas perdu la main à en juger par la manière dont l’autre sirène avait été envoutée. Oups, elle ferait peut être bien de dire à Saana de s’arrêter, cela devait être pas mal douloureux, en fait, sûrement même plus que la gifle que lui avait collée la brune. Pourtant, une question se posait : comment celle-ci allait réagir quand Breiv arrêtera le charme et qu’elle sera de nouveau libre de ses mouvements ? Oh la la, la sirène s’était mise dans un sacré pétrin, c’était le cas de le dire et elle n’était pas sûre de sortir vivante de cette calle. Alors que faire ? Elle ne pouvait décemment pas laisser Saana se taper la tête pendant des lustres sur le meuble. Bien, elle pensait avoir trouvé la solution. Elle se racla la gorge pour être certaine que cela marche et recommença à chanter. « Très bien Saana, à trois tu vas cesser de te cogner la tête contre ce meuble, mais tu n’auras absolument pas envie de te venger, tout ton corps te l’empêchera, car tu sauras que… tu l’auras mérité puisque... il ne faut pas gifler les gens ainsi » Oui, voilà, en plus elle faisait en sorte de mettre les méchants sur le droit chemin. Elle était en quelque sorte… la marraine la bonne fée, mais en sirène. La justicière, la robin des bois, la kick ass avec des écailles, bref. Il fallait à présent que cela marche. « Un, deux, trois » Breiv ne put s’empêcher de fermer les yeux à demi, attendant le coup que Saana allait lui assener si le charme n’avait pas marché.

J'ai mal, ça me fait fucking vraiment mal. Mais je n'arrive pas à m'arrêter. C'est plus fort que moi. D'une main je tiens la caisse en bois et je continue à me taper la tête dessus, je n'arrête pas. Autant demander à un boxeur de me shooter en pleine figure je crois que la douleur aurait été la même mais plus rapide. Le pire, c'est que j'ai envie de crier, mais qu'aucun son ne sort de ma bouche. En fait, j'essaie d'ouvrir cette dernière mais même ça, je n'y parviens pas. Quel bordel. Machinalement je continue mon geste, me demandant quand tout ça va s'arrêter. Je suis un pantin entre les mains de Breiv, rien de plus. Et lorsque j'entends " ... trois. " je reviens à moi-même. Je sursaute et me redresse d'un geste brusque. Je me sens bizarre, comme si je venais de me réveiller d'un rêve tumultueux. D'un cauchemar. D'un de mes cauchemars. En même temps j'sais très bien qu'on est pas la nuit et que j'étais pas en train de dormir. Alors j'regarde Breiv, j'amène une main à mon front, ouais, y'a une bosse qu'est en train de se former, une sacré bosse, super, le look rhino c'était pas prévu. Je me remets debout sur mes deux jambes, cherchant un miroir dans cette foutue pièce. J'en trouve au coin de la pièce, brisé en mille morceaux. J'en attrape un et me mire à travers l'éclat. « C'est sérieux ça ? » Quel foutoir. Et là j'comprends. Je reste une sirène, autrement dit je charme moi-même les gens avec mon chant. Est-ce que Breiv est stupide ou pensait-elle vraiment qu'après des années d'expérience je n'allais pas m'en rendre compte ? C'est autorisé, ça, d'hypnotiser ses adversaires même en dehors des duels ? N'importe quoi. « T'es contente de toi, c'est malin ? » Les gens sur ce bateau m'épuisent. Genre vraiment. Elle ferme les yeux comme si elle s'attendait à ce que je la frappe à nouveau, quelle victime. Même pas capable d'assumer jusqu'au bout, chaud. Mais je vais pas rentrer dans son jeu, je laisse tomber. Ce qui me préoccupe le plus pour l'instant c'est ma bosse naissante là.