Un supermarché. Sérieusement ? Je m’avance le premier au milieu des rayons qui s’agitent devant mes yeux, scrutant d’un œil circonspect les clients qui s’emparent des produits comme si de rien n’était. Si la présentatrice n’avait pas précisé qu’il s’agissait de fausses personnes, j’aurais été convaincu que la vieille sadique nous avait placé des innocents entre les jambes. Je lève les yeux vers ma partenaire qui fait son apparition de l’autre côté du rayon, attrapant un paquet de riz pour tâter la matière. Wow, sacrément réaliste. « Alors, t’es enfin prête à me montrer ce dont t’es capable ? » Je vais probablement devoir la provoquer un peu, étant donné les réticences dont elle a fait preuve sur le bateau. Et je commence à me dire que j’aurais préféré être couplé avec un autre mec, parce que là je ne sais pas trop comment m’y prendre. Je n’ai pas franchement l’habitude de frapper les femmes, et contrairement à certaines candidates ma partenaire ne fait pas partie de celles que je rêve secrètement d’égorger. J’ignore totalement ce qu’elle est capable d’encaisser, et même si la vieille nous remet d’aplomb à la suite des entraînements, je n’ai pas particulièrement envie de réveiller chez elle un ressentiment dû à un os brisé ou un petit doigt tordu. Encore si j’étais doté d’un pouvoir que je pouvais plus ou moins moduler … mais là, je n’ai pas des milliers de possibilité à part me servir des objets contenus dans le décor et de mes quatre membres. Du coup je ne trouve rien de mieux à faire que d’arracher un caddie des mains d’une vieille qui rouspète. « Ta gueule mamie. » Je la menace en marchant tranquillement vers ma partenaire comme si je m’apprêtais à faire les courses du dimanche. « Tu crois qu’on peut ramener des trucs à bouffer ? » Je lui demande en pointant mon doigt vers l’un des rayons flottants, histoire de la déconcentrer, puis je lance le caddie dans sa direction pour qu’il s’écrase sur elle. « Réflexe. » Je lui signale en guettant sa réaction. Ça va, il n’est rempli que de couches pour adultes, j’imagine que ça ne doit pas peser bien lourd.    

Quinze heures, faudrait peut-être que je songe à aller m'entrainer. J'ai bien nagé ce matin, maintenant je suis d'attaque, c'est clair. Je me rends jusqu'au bungalow amphitrite qui est, il faut le dire, ridicule vu de l'extérieur. Mais d'après les indications de la Vieille Fée et aussi mes souvenirs de la saison passée, l'intérieur n'aura rien à voir, puisqu'en effet le lieu est capable de se modifier à souhait. Un peu comme la salle sur demande dans harry potter. Waw, trop bien. J'appréhende un peu dans quel genre d'endroit on va se retrouver. Puis là, bam. Des rayons de partout, des clients, des caisses, des étalages. Fiou, l'exotisme de l'aventure en prend un coup. C'est clair que y'a plus glamour comme lieu pour combattre. Je fais un peu le tour des rayons, vraiment pas très emballée, jusqu'à tomber sur mon coéquipier. « Est-ce que j'ai le choix ? » je réponds d'un air faussement blasé, en articulant exagérément toutes les syllabes. J'avance dans le rayon, balayant l'endroit du regard. Un ridicule supermarché humain vraiment pas commode. Même pas d'eau dans les parages. « J'ai trop mal dormi aussi, à cause de toi. » Pause. « Mais ça pourra pas être pire que ce soir. » Ouais, la vieille vient de faire une annonce comme quoi ce soir je vais passer la nuit sur les piquets. Je ne préfère pas me prononcer sur cette sentence et compte dépenser mon énergie dans cet entrainement plutôt qu'en m'énervant. Ma zen attitude me surprend même un peu. J'essaie d'attraper un truc mais le rayon s'envole en l'air, ah ouais. Mes yeux suivent sa trajectoire, et je n'sais si je dois m'en réjouir parce que c'est drôle ou m'énerver parce que l'objet m'a filé entre les mains. « Apparemment non. » je constate, et lorsque je regarde à nouveau devant moi, je vois le caddie qui me fonce dessus. C'était moins une avant que je me le prenne en plein dedans ; je m'écarte de sa trajectoire avant de m'accrocher derrière l'engin en fer, et de le faire rouler à travers les rayons, comme une gamine. Comme ça, on dirait que j'ai six ans d'âge mental alors que je sais très bien ce que je vais faire. Je continue à rouler, jusqu'à m'arrêter dans un rayon - okay c'est pas très discret mais ça va faire l'affaire - puis j'attends que l'étalage de paquets de farine redescende jusqu'au sol, et je donne un grand coup dedans avec le caddie, genre je m'appuie dessus avec toutes mes forces, ouais ouais. J'vois pas ce qui se passe de l'autre côté mais normalement Reno devrait avoir un certain nombre de paquets de farine qui lui tombent sur la tête, de quoi ruiner son bronzage.

Eh ben, elle a l’air super motivée ma partenaire, ça fait plaisir. Le pire c’est qu’elle m’accuse, comme si j’étais pour quelque chose dans ses problèmes d’insomnie. « N’importe quoi. » Je lève les yeux au ciel en parcourant le rayon. Elle n’a visiblement pas conscience que j’ai, pour ma part, passé des heures les yeux grands ouverts à fixer le plafond en comptant les moutons pour m’empêcher de me focaliser sur son corps tout près du mien, aussi raide que le piquet sur lequel elle va passer la nuit prochaine. Du coup je vois mal comment j’aurais pu être responsable de son malheur, à moins que mes angoisses lui aient été transmises par empathie. Et quelque part cette sanction me réjouit, parce que je pourrais pioncer paisiblement au moins une fois dans la semaine sans me réveiller avec les mêmes yeux qu’un camé qui vient de sniffer son rail de cocaïne. Faut dire que ça ne me réussit pas franchement ce manque de sommeil, et je loupe lamentablement ma première attaque sur la brune qui évite le caddie de justesse. Chier. J’affiche une mine contrariée alors qu’elle s’éloigne avec mon arme, disparaissant dans les rayons en roulant comme une gosse impatiente. Je m’imagine presque qu’elle s’en fout complètement, de cet entraînement, mais les paquets de farine qui vacillent sur l’étagère au-dessus de ma tête me laissent penser le contraire. J’ai à peine le temps de m’emparer d’un père de famille pour m’en servir comme bouclier humain, la majorité des produits lui tombant sur la tête. Le pauvre crie en se tortillant, et c’est quand je m’imagine tiré d’affaire que le dernier paquet heurte mon crâne en s’ouvrant, déversant son contenu sur mes cheveux bruns. Aïe. « Garce. » Je siffle entre mes dents, secouant la tête en m’aidant de mes mains pour me débarrasser de la farine. « Au pire pour éviter de passer la nuit sur ton piquet il reste la technique du : ‘oups je perds l’équilibre, je tombe à la flotte’. » Non parce que ça m’étonnerait qu’elle parvienne à rester debout sur un piquet pendant une dizaine d’heures, et si elle glisse dans l’eau elle ne manquera pas de prendre sa forme de sirène et sera dans l’incapacité totale de remonter sur son perchoir. Du coup, je m’interroge. « Vous avez des lits sous l’eau, ou vous dormez dans des huîtres géantes ? » C’est vrai, j’essaie encore de la déconcentrer, mais d’un autre côté je gratte des informations, je m’instruis. En attendant j’ai repéré un arc dans l’un des rayons –probablement placé là pour la centaure-, et je l’attrape discrètement pour ne pas attirer ses soupçons. Je me planque comme je peux, plaçant une flèche en visant derrière elle, dans un pack d’eau. « Bouge pas surtout. » Je signale avant de tirer, le projectile lui effleurant le bras avant de transpercer le paquet de pâtes un peu plus bas. Putain cet arc est vraiment une merde. Pas réglé, pas professionnel, limite aussi performant qu’un jouet. Je m’empresse de tirer une seconde flèche qui cette fois atteint sa cible pour trouer l’une des bouteilles d’eau, mais elle a eu le temps de comprendre où je voulais en venir …    

Je tends l'oreille pour voir si ma tentative de lynchage par paquets de farine a fonctionné ou non. J'entends quelqu'un qui gueule mais bizarrement je ne reconnais pas la voix du satyre. Il a pris quelqu'un en otage ou ? Peut-être qu'il a simplement défoulé ses nerfs sur un des clients imaginaires, je ne sais pas. D'ailleurs, ça me traverse l'esprit mais, puisqu'ils sont imaginaires, on a le droit de les taper et tout ? Va falloir que je teste ça. En attendant j'ai le temps de relever mes cheveux en hauteur au-dessus de ma nuque, et de choper l'élastique à mon poignet afin de me faire un chignon négligé, de quoi ne pas être perturbée par ma tignasse pendant l'entrainement, même si des mèches rebelles risquent de s'échapper de leur emprise. J'me rends compte que le supermarché est bien calme, tout à coup, genre film d'horreur et je sais pas par quel côté Reno va arriver donc bon, mon coeur commence à s'emballer, ça me stresse un peu quand même cette histoire. Puis j'entends sa voix. Il raconte des conneries pour changer. Mais son conseil aurait pu m'être utile, à un détail près: « Ça aurait été chouette si seulement la Vieille Fée » (je prends garde à bien utiliser son pseudonyme complet et pas un surnom désobligeant à haute voix, pour ne pas me faire engueuler et punir par celle-ci) « n'avait pas précisé qu'elle comptait me ligoter sur le fameux piquet. » je lâche, d'un ton las. Evident que la production a déjà pensé à tout, même à ce cas de figure, et qu'ils se sont bien doutés qu'une sirène n'aurait pu résister à la tentation de se glisser dans l'eau pour la nuit si seulement elle n'était pas attachée à son bagne. « Et toi, tu sais, l'eau, va bien falloir que tu t'y habitues. » Vu que cette saison tous les endroits où l'on évolue se rattachent plus ou moins étroitement à une étendue aquatique, je me dis que voilà.. « On dort pas. » je fais, pour l'interloquer et le faire penser à autre chose. C'est fou que les autres espèces soient aussi peu informées sur les sirènes, bande de moldus va. J'entends un "bouge pas surtout" qui me fait hésiter entre la pulsion de justement me casser ou alors obéir au risque de mourir empâlée par sa flèche. Heureusement pour moi je ne bouge pas d'un poil, avant d'entendre deux objets se transpercer à la suite. Euuuuuuh, c'est une blague, de l'eau là ? Je sens des projectiles - pâtes et gouttes d'eau, donc - heurter ma peau, et je me magne de monter dans le caddie parce que non putain j'ai pas envie que mes jambes changent encore d'aspect là. J'pourrais plus rien faire après. Je me prends une pâte dans l'oeil et je grommelle, avant de m'appuyer à un étalage pour foncer à toute vitesse sur Reno, calée dans le caddie. J'ai envie de gueuler "à l'abordaaaaaage !" mais ça fait pas très professionnel alors je m'élance simplement en silence, non sans moins d'énergie tout de même. Lorsque j'arrive à sa hauteur je me mets debout dans le caddie - ouais c'est risqué mais en mode guerrière-j'ai-peur-de rien - je le pousse de mes deux mains le plus fort que je peux, en évitant de me casser la figure sauf que ça risque d'être un peu tendu.

Je ne sais pas trop où se trouve ma cible, avançant à pas de loup à travers les étagères en me dissimulant du mieux que je le peux derrière les clients, mon arc tendu entre les doigts. Je tente de la faire parler pour me repérer, levant un sourcil lorsqu’elle affirme que la vieille a ordonné qu’on l’attache. Sérieux ? Ils ont le droit de faire ça ? Avec les droits de l’homme tout … Je n’me souviens pas avoir signé une case ‘renonciation à la protection contre la torture’ dans le contrat. « Et ça t’angoisse pas toi, d’être attachée avec la vieille qui traîne dans le coin ? » Je sais pas moi, mais c’est avéré que la mémé est une sadique, du coup j’aimerais pas franchement être à sa place. Surtout avec les doutes concernant sa sexualité … Elle switch la caméra sur off et hop elle en fait ce qu’elle veut, c’est facile pour elle. Enfin après je ne voudrais pas angoisser la brune, ce serait vraiment dommage qu’elle commence à paniquer pendant l’entraînement. Et je la repère enfin, adossée à l’un des rayonnages. La meuf a carrément eu le temps de faire un chignon pendant que me la jouait mission commando, à l’aise Blaise. Je m’accroupis pour viser, grognant une sorte de ‘gniagniagnia’ comme un gamin de six ans sans aucune répartie lorsqu’elle évoque l’eau. « T’as qu’à m’apprendre à nager. » Vaut sans doute mieux pas si on veut éviter de s’entretuer mais bon, je n’vois pas d’autre méthode pour chasser mes démons. Et j’essaie de changer de sujet en me focalisant sur ses nuits de sirène, abaissant même mon arme lorsqu’elle me fournit sa réponse. Comment ça ‘on ne dort pas’ ? C’était  un peu une question rhétorique pour moi, je l’imaginais parfaitement endormie dans un coquillage géant, les bras croisés sur sa poitrine comme un vampire aquatique. Sauf que ouais, j’ai trop regardé les bouquins imagés de mon neveu. C’est peut-être pour ça qu’elle est prise d’insomnies du coup, non ? Enfin j’sais pas moi mais quand t’es pas habituée à dormir … Elle en ressent le besoin sous sa forme humaine ? Putain les sirènes sont vraiment un casse-tête de malade. Que je résoudrai plus tard, parce que là faudrait que je la transforme en gros poisson frétillant sur le sol lustré du supermarché. Ma deuxième flèche atteint son objectif, se plantant dans une bouteille d’eau qui déverse lentement son contenue sur ma partenaire. Trop lentement. Je lève les yeux au ciel en soupirant, m’accoudant au rayon en désespérant. Mon plan ne s’est pas DU TOUT déroulé comme prévu. Voilà pourquoi je ne fais jamais de conseil de guerre penché au-dessus d’une carte du monde en déplaçant des petits chevaux, parce que t’as 80% de chance que ça foire complètement. Et j’ai à peine le temps de ruminer sur mon échec et de tourner mon visage que j’aperçois ma partenaire en mode pirate, prête à assaillir un navire ennemi. Ne manque plus que le sabre entre ses dents pour compléter le tableau … Et ma seule réaction est d’attraper son poignet en me vautrant sur l’un des clients qui me fait trébucher, histoire de l’entraîner avec moi. Parce que vu sa position, j’imagine que l’équilibre n’est pas son point fort. Je me plante dans l’un des rayons avant de me laisser glisser sur le sol, ma partenaire à moitié avachie sur moi. Idée de merde du jour, bonjour. Et je la regarde sans vraiment savoir quoi faire, attrapant une boîte d’œufs sous le coup de la panique instituée par notre soudaine promiscuité pour lui écraser sur le chignon. Ouais bon, on a connu mieux comme attaque, mais j’avais que ça sous la main. « Tu devrais vraiment songer à te faire une couleur. » J’ajoute en ravalant un début de sourire devant sa tignasse qui a viré au jaune canari particulièrement dégueulasse. « Tu sais, comme celle de Breiv, ses cheveux sont tellement beaux ... » Non, j'essaie pas du tout de l'énerver. D’ailleurs, je remarque que mon arc a glissé un peu plus loin, aussi j’essaie de m’extraire de là pour ramper jusqu’à lui.      

« Parle pas de malheur. » Si on pouvait parler d'autre chose maintenant ce serait cool. Visiblement il pense à toutes les éventualités pour moi pour ce soir, alors que moi je comptais ne pas y penser jusqu'au moment venu. Le plus embêtant est qu'étant donné que j'ai du mal à m'endormir en ce moment, le temps risque d'être très long, sur ces piquets de malheur. D'ailleurs, je dis cash à mon partenaire que mes congénères sirènes et tritons et moi-même, on ne dort pas. Vu son air contrit et interloqué, on dirait qu'il m'a cru. Finalement le QI des satyres n'est pas bien plus élevé que celui des créatures marines, on dirait ? « Ça risque d'être tendu étant donné que moi je nage pas avec des jambes alors que toi si. » Et que je n'ai aucune idée de comment les maitre-nageurs humains font pour apprendre aux enfants eux aussi humains, à nager. Pédagogiquement parlant, ça risque d'être difficile pour moi, mais bon. « Mais c'est une bonne idée. Sérieux. » Je blague pas, je prends mon air le plus sérieux possible. Bref il est temps de se lancer à l'attaque. Bon alors si je me casse pas la figure c'est un miracle. Mais j'y avais pas pensé avant, bah oui, ici on n'a pas vraiment le temps de réfléchir cent cinquante ans à la prochaine attaque qu'on va faire comme je l'aimerais donc bon, je fais le premier truc qui me passe par la  tête et puis voilà. Dans tous les cas faut juste qu'il y ait de la baston non ? En fait, quand je me mets debout pour le faire tomber par terre, j'avais pas prévu que le caddie ne comptait pas s'arrêter le temps que je fasse mon affaire avant de continuer son chemin. Du coup, moi j'me mets debout et pendant ce temps-là il taille la route, le caddie. Bon c'est râté, vu que je tombe à la renverse en plein sur Reno qui ne cache pas sa joie, d'ailleurs pour contre-attaquer je me prends des oeufs sur les cheveux, mais wahou c'est vraiment n'importe quoi cette émission. C'est pas grave j'demanderai à Segen ses produits magiques pour les cheveux. « C'est vrai. » j'appuie, me montrant tout à fait calme. S'il cherchait à m'énerver c'est loupé, je m'en fous des cheveux de Breiv moi. Bref, je me relève comme je peux, tout en prenant soin d'essuyer mes cheveux au passage sur la joue et dans les yeux de Reno pour qu'il ait du jaune d'oeuf partout. J'en rajoute une couche en essorrant mon chignon encore un peu plus sur lui. Genre attaque aveuglement, quoi.

Ouais c’est vrai, j’avais pas pensé à ça. Je n’pense pas à beaucoup de choses en fait, souvent. Du coup je me sens un peu con, et ça m’emmerde. Au pire je me construirai une nageoire avec les rideaux de douche, et puis j’apprendrai comme ça. Ouais, ça n’aura pas l’air bizarre du tout quand je me pointerai à la piscine. T’façon y’a pas de piscine dans la forêt, y’a pas d’eau tout court à part des ruisseaux de trente centimètres de profondeur. En fait, ça me servirait carrément à rien d’apprendre à nager, en dehors de cette aventure. Est-ce que ça vaut vraiment la peine de faire cet effort ? Parce que faire des efforts n’apportent pas toujours la récompense espéré, aussi si c’est uniquement pour être humilié en barbotant comme un nouveau-né, je passe mon tour. D’ailleurs je ne sais pas si elle se fout de ma gueule en affirmant que c’est une bonne idée, parce qu’avec la brune on ne sait jamais trop sur quel pied danser. La preuve, je suis désormais persuadé que les sirènes ne dorment pas quand elles sont sous l’eau. C’est peut-être à force de penser à toutes ces conneries que je foire plus ou moins mes tirs en me la jouant Robin des bois. Je n’sais pas, c’est ça ou la qualité de l’arc digne d’un cadeau de fête foraine. Et ma partenaire ne tarde pas à contre-attaquer dans son caddie, genre aussi flippante qu’une mamie sur son fauteuil roulant, mais tout ce qu’elle arrive à faire au final, c’est s’échouer au pied d’un rayon non-flottant à côté de moi. Mais bon, je suis mal placé pour critiquer étant donné mon ‘écrasement d’œufs sur chignon’, offensive plus originale qu’efficace. Je n’arrive pas non plus à l’agacer en parlant du sushi blond, pour faire court : je suis une brêle absolue. Une brêle aveugle absolue. « Tu m’as crevé les yeux espèce de malade ! » Je m’exclame en ne tenant pas compte du fait que ‘crever’ signifie plutôt ‘transpercer’, me frottant les paupières. C'est gluant, c'est dégueulasse. Et ça me met carrément hors de moi, du coup j’attrape l’arc du bout des doigts avant de la frapper avec en plein visage. Enfin, je crois, vu la tronche qu’elle tire quand j’arrive enfin à ouvrir mes yeux rougis. Merde, elle va pas être contente là, aussi je m’éloigne à quatre pattes avant d’attraper la jupe d’une gamine. « T’oserais pas t’en prendre à une gosse. » Je la défie en me recroquevillant derrière la petite pour m’en servir de bouclier. Si ?

Il a l'air crédule mais moi j'suis très sérieuse, je pense franchement que ça serait utile qu'il apprenne à nager. Parce que bon, on sait jamais dans quel milieu on va se retrouver en duel ou quoi que ce soit, imaginez qu'on soit à la flotte et que lui soit en train de se noyer, c'est pas super pratique comme stratégie. « J'te donnerai des cours. » je dis du coup rapidement, pour soutenir que je blague pas, même si je ne sais pas encore comment je vais m'y prendre. Ça doit pas non plus être la mer à boire. Je me relève, apparemment ça lui a bien niqué les yeux, je voulais pas en faire autant mais visiblement le jaune d'oeuf attaque bien la rétine. « Nouvelle règle, on bannit le mot "malade" de notre vocabulaire, j'arrête pas de me faire traiter de malade j'en ai marre. » Cf Breiv qui me demande le plus sérieusement du monde si je suis bipolaire, avant de me traiter anyway de "malade mentale" trois fois de suite. Je replace vite fait mes cheveux pour rester présentable malgré qu'on soit en pleine guerre, et là j'me prends un coup en pleine face. Bon. J'ai l'impression mon nez va se décoller tellement j'ai mal, en plus mes cheveux se sont pris dans l'arc, super y'a toute ma coiffure de compèt' qu'est ruinée, je ressemble plus à rien. « Fuck. » Pendant ce temps-là je vois mon partenaire qui part se cacher derrière une petite fille innocente. On dirait un bébé là sérieux. « Une gosse non, mais un gosse oui. » J'attrape les cheveux de la gamine - c'est des fausses personnes toute façon, on peut tirer ? - et y met toutes mes forces. Je la dégage de mon chemin puis fous à Reno un coup de pied bien placé - pas trop fort non plus parce que j'ai appris que la douleur d'un gnon dans les bijoux de famille est équivalente à celle que l'on ressentirait lors de cent accouchements simultanés - avant de repartir, le plus naturellement possible et pas pressée pour un sou, de l'autre côté d'un rayon pour me recoiffer. Maniaque oui et alors.

Ah bon, elle insiste ma partenaire. A croire que j’ai encore du boulot pour ce qui est de distinguer ses moqueries de ses affirmations sérieuses. « Chiche. » Je lâche simplement, parce que me donner des cours de natation je l’imagine un peu comme un camp de travail en Corée du Nord. Je ne sais pas trop ce que ça signifie, mais c’est le mari de ma sœur qui me le dit parfois, quand il s’occupe du petit toute la journée ‘je préférerais encore être dans un camp de travail en Corée du Nord’. Du coup ça doit être un truc extrêmement chiant, comme le laisse présager l’association des termes ‘camp’ et ‘travail’. Et puis la brune tente de m’aveugler, la traîtresse, en imposant une nouvelle règle. « Comme c’est étonnant … » Je lâche à peine sarcastique. « Qu’est-ce que t’as fait encore ? » Parce que si j’ai placé ce qualificatif dans un contexte où elle projette du jaune d’œuf dans mes mirettes, les autres candidats l’ont eux aussi probablement utilisé de façon totalement justifiée. Mais à vrai dire je suis plus préoccupé par ma vengeance, l’agressant avec mon arc avant de partir me planquer derrière une jeune cliente du supermarché. Oh, c’est moi qu’elle traite de gosse là ? J’essaie juste de me préserver, aussi lâchement soit-il, en espérant qu’elle ne viendra pas tenter le corps à corps. Parce que je ne voudrais pas lui faire mal moi, à ma partenaire. Ouais au final, si je me dissimule derrière une gamine en invoquant son amour pour les enfants, c’est uniquement dans son intérêt. Sauf que, dommage pour moi, s’attaquer à plus petit qu’elle ne semble pas l’arrêter. Elle aurait simplement pu la pousser délicatement, lui demander gentiment de s’écarter, faire le tour pour  m’attaquer par derrière, mais non, elle s’empare logiquement de la tignasse de la môme pour résoudre le problème. Une vraie malade, c’est bien ce que je disais. Je suis tellement estomaqué par sa grande sensibilité que je n’anticipe pas le coup de pied qu’elle m’assène entre les jambes, laissant lourdement retomber mon dos contre le carrelage en grognant. Merde, mais merde ça s’fait pas. Je me tortille quelques secondes avant de m’accrocher à une étagère pour me redresser. « Putain, quel instinct maternel … J’espère que tu n’projettes pas d’avoir des gosses. » Je souffle en suivant sa silhouette qui s’éloigne doucement dans le rayon, glissant ses doigts pour redresser ses cheveux. Une vraie gonzesse. « Remarque ça te ferait grossir un peu, ce serait pas plus mal. » Je ne peux m’empêcher d’ajouter par pure provocation en attrapant une flèche qui traîne sur le sol. Alors je m’approche d’elle en silence avant de saisir son cou de mon bras droit, plaquant son dos contre mon torse, la pointe de la flèche dirigée contre son cou, comme un terroriste qui utilise un otage pour se protéger des tirs policiers. Et je contemple sa peau tandis qu’une mèche de cheveux me fait froncer le nez, mon arme s’enfonçant légèrement dans sa joue pour commencer à lui dessiner le ‘R’ de ‘Reno.’ Mais je suis loin d’être aussi rapide que le cavalier masqué, aussi il faut le dire : mon R ressemble davantage à un T renversé. « Arrête de bouger j'arrive pas à me concentrer. » J'ordonne, contrarié, tel un artiste au modèle revêche.

Ben oui chiche, je vais pas m'amuser à dire ça comme ça juste pour le plaisir d'user ma salive ; c'est pas mon genre. « Flippé ? » Qu'est-ce que j'ai fait, qu'est-ce que j'ai fait..? Genre pour lui si on m'insulte, directement c'est que c'est moi la fautive, que j'ai fait une connerie ou que j'ai été désagréable. De mon point de vue c'est plutôt moi qui suis la victime et qui me fait maltraiter sans raison - ou du moins pour une raison pas suffisamment grave pour qu'on m'assimile à une bipolaire - mais bon. Du coup, je lève les yeux au ciel comme si je cherchais profondément dans ma mémoire, avant de lâcher au bout d'un moment « Bah j'sais plus. » De toute façon c'est Breiv quoi, faut pas chercher bien loin, elle a un problème. Y'a qu'à voir, quand un individu du sexe opposé lui adresse la parole elle sait plus où se mettre. Franchement j'ai honte de mes congénères marins parfois. Heureusement que je relève le niveau, hein. Bref je procède à mon attaque. « Tu comptes utiliser combien de boucliers humains pendant l'entrainement ? » Non parce qu'après le père de famille, la petite gamine innocente. Manquent plus que la ménagère de moins de 50 ans et l'ado boutonneux de base, sans oublier la petite mamie râleuse qui vient faire ses courses uniquement le samedi alors qu'elle est à la retraite et que c'est le jour où il y a le plus de monde. « Ouhouh, c'est des faux, on peut les maltraiter comme on veut ! » je fais remarquer, parce qu'il a l'air de l'avoir oublié. Si ç'avait été de réelles personnes, évidemment que je n'aurais pas réagi comme ça. Pas aussi violemment en tout cas. C'est un moyen comme un autre de se défouler, après s'il souhaite que je décharge mon énergie sur lui à la place, no problemo. « J'ai déjà plus de chance d'en avoir que toi. » je rétorque, un peu vexée par sa remarque sur mon instinct maternel inexistant selon lui, qui en rajoute une couche en évoquant mon poids, pour la troisième fois depuis le début de l'aventure je crois. « Mon corps c'est une obsession chez toi ? » De toute façon, quand on est un peu ronde, on est une grosse vache, quand on est très mince, on est anorexique ; en gros pour les mecs ça va jamais. Bref c'est bon je suis recoiffée là. J'ai une passion intense pour les cheveux, c'est un truc de dingue. Je me suis éloignée pour ce prétexte, mais en réalité je me suis approchée du rayon multimédia, pour une raison particulière : dérober un objet précis. Je tourne les talons mais  n'ai pas le temps de dire ouf que je sens une pression sur ma gorge, et un truc sur ma joue. J'sais pas si c'est censé me chatouiller ou un bail comme ça, mais ça m'irrite plus qu'autre chose. « Mais ça fait mal ! » je m'écrie, en essayant de me dégager de son emprise, sans grand succès. Je lui mets même un grand coup de coude dans les côtes mais ça ne change rien. Bon, c'est maintenant que je dois me bouger. Je me mets à chanter, comme j'ai tant l'habitude de le faire lorsque je suis dans l'océan. Je m'applique du mieux que je peux, d'une voice douce mes notes chantent le refrain suivant : « Reno, tu vas lâcher Saana, doucement, très doucement, sans lui faire mal, oui Reno, doucement, tu vas te tourner face à elle, et réciter la phrase suivante, écoute bien, tout doucement » je marque une pause pour reprendre mon souffle et me râcle la gorge avant de reprendre « tu vas dire : "Saana, tu es ma reine, tu es la plus belle sirène au monde et la meilleure partenaire que Golden Valor ait jamais connu." vas-y, tout doucement Reno, c'est à toi. » C'est là qu'intervient mon objet, un petit magnétophone, que j'enclenche, dans le but d'enregistrer les paroles d'un Reno hypnotisé par mon chant qui va répéter ce que je lui ai dit de dire, pour que ce moment reste gravé dans les annales et que je puisse lui ressortir ça à tout moment dès que j'ai envie de l'emmerder. Oui, toujours penser à garder des preuves.

Comme si j’étais du genre à flipper (…). Ouais ok je suis une vraie mauviette quand je me retrouve planté devant une vaste étendue d’eau, mais c’est surtout pour elle que je dis ça. Alors je me contente de hausser les épaules pendant qu’elle fouille dans ses souvenirs pour m’avouer ce qui lui a valu d’être traitée de malade par un autre candidat. Mais oh, étrange, elle a un trou de mémoire. Comme c’est pratique. Peu importe, de toute façon je suis bien trop occupé à serrer la petite gamine contre moi. « Ben, j’élargis le spectre de mes possibilités. » Parce qu’à part coller des pins dans la gueule, tirer à l’arc et jouer de la flûte, j’ai pas une grande variété de compétences. Et puis ça pourrait éventuellement dissuader un adversaire de m’attaquer de front, quelqu’un de délicat et de doux. Comme -j’dis ça au hasard hein- Maisie. Ouais, j’suis sûr qu’elle n’aurait pas osé toucher la gamine, ELLE. Même si ce ne sont que des reproductions –ce que ma partenaire souligne en me prenant clairement pour un abruti-, ça pourrait éveiller quelques remords. C’est vrai, les utiliser comme otages c’est pas franchement mieux, mais les filles sont censées être plus sensibles à ce genre de choses. Faut croire que tout ce qu’on enseigne aux petits garçons sur la fragilité des femmes, ce sont des conneries. « J’ai l’impression que c’est plutôt chez toi que c’est une obsession. » Apparemment l’association critique de l’instinct maternel + allusion à sa morphologie de squelette = vexation assurée. A croire qu’elle n’assume pas son côté ‘fil de fer’. Parce que si elle n’affichait pas cette moue constipée à chaque fois que j’évoque le sujet, ça fait longtemps que j’aurais arrêté d’en parler. Moi je trouve ça plutôt attirant … Mais j’crois bien que je n’suis pas le meilleur juge en la matière, étant donné que mes pulsions de satyres se satisfont de pas grand-chose. D’ailleurs je me laisse un peu trop longuement distraire par la chevelure brune qu’elle tripote et qui s’agite sous mon nez au gré de ses gestes, avant de me résoudre à l’attaquer. Elle a beau se débattre comme une diablesse je parviens à garder mon étau serré autour de sa frêle silhouette, la pointe de la flèche gravant sa peau pâle. « C’est le but. » Je réponds à sa protestation. Quelle chochotte, si elle n’est pas capable d’encaisser une petite zébrure les duels risquent de se révéler compliqués. Et moi je suis fier comme un paon d’être ENFIN parvenu à prendre le dessus. Seule ombre au tableau : mon corps collé contre celui de ma partenaire, position de moins en moins confortable pour poursuivre cet entraînement. Et cette idée m’obsède tellement que j’entends à peine sa voix mélodieuse qui débute un refrain entêtant visant à me faire lâcher prise. Ordre que j’exécute avec calme, l’objet tranchant s’écartant doucement de son visage tandis que mon bras relâche sa pression autour du buste de la brune. Et là, je suis assailli de pensées positives –chose rarissime- à son égard, comme si la sirène était devenue centaure. « Saana, tu es ma reine, tu es la plus belle sirène du monde et la meilleure partenaire que Golden Valor ait jamais connu. » Je murmure avec un lueur d'admiration au fond des yeux avant de froncer les sourcils. Non mais pourquoi je viens de dire un truc pareil, ça va pas bien dans ma tête. « Oh putain … » Je lâche subitement alors que mon regard se pose alternativement sur le voyant lumineux du magnétophone et l’air triomphant de ma partenaire, l'explication de ma déclaration d'amour faisant son chemin. Garce. Garce. Garce. Je plisse les paupières en ruminant. « Nouvelle règle, on n’hypnotise pas son partenaire, JAMAIS. » C’est même pas crédible, je n’parle pas comme ça moi. Et puis j’en connais que quatre des sirènes, alors pour la comparer à toutes les autres, ça risque d’être compliqué. « Tu complexes vraiment sur ton apparence en fait. » Je fais remarquer pour l’agacer. Ouais, parce que si elle a besoin d’utiliser son don pour flatter son égo, c’est quand même triste. Et la seconde d’après je me jette sur elle, la collant violemment à l'un des rayons. « Donne-moi ça le squelette. » Je tente de lui arracher le magnétophone en me vautrant sur elle, grattant ses mains pour espérer en retirer l’objet de ma honte. Si elle croit qu'elle va garder un souvenir de cet échange ... Je lui file même un coup de boule pour lui faire lâcher prise –en me disant que c’est toujours moins douloureux que de l’étouffer à mains nues ou de lui écraser mon poing dans la figure-, mon corps s’immobilisant soudain. « Attends, tu pourrais peut-être me contraindre à nager avec ce pouvoir … non ? » Je sais pas moi, dans ce cas là je veux bien faire sauter la règle : cas de force majeure.

Plutôt que d'apprendre de nouvelles compétences et d'essayer de s'améliorer afin d'être plus performant, lui préfère "élargir le spectre de ses possibilités" en prenant de pauvres innocents (fake okay mais ne cassez pas ma logique) comme boucliers humains, bon, d'accord, chacun sa tactique. « Mmh.. » je marmonne en haussant les sourcils, pas convaincue. Bref, on en vient au sujet qui fâche, se titiller entre nous ça me gêne pas au contraire j'suis plutôt genre en tête de file pour faire ça, mais quand ça en devient blessant faut savoir se stopper, selon moi. « Non. » je dis seulement. Mon visage est impassible mais je suis trop fâchée en vrai. En plus c'est vrai, à part ma passion pour mes cheveux - et ceux des autres - je m'en fous un peu du reste, en plus c'est pas comme si je faisais un super régime trop intense pour essayer de ressembler aux mannequins qu'on voit dans les magazines, non, j'suis juste comme ça même les semaines ou je mange pour deux je grossis pas, get over it. « T'es vexant. » je souffle, avant de décider de ne plus rien dire pour les dix prochaines minutes. Mais c'était sans compter sur Reno qui me fait son attaque à la Zorro et qui me fait trop mal à la joue. Du coup pas le choix, faut que je crie pour extérioriser. Grâce à mon chant je parviens enfin à me dégager de son emprise ; c'était moins une, j'ai cru qu'il allait m'étouffer cet idiot. Je me mets à chanter et le voir hypnotisé comme ça, je crois que j'ai rien vu d'aussi marrant. Parce que c'est lui, justement. Sur ce coup-là je me bénis d'avoir pensé à prendre un magnéto, parce que je crois que je n'aurais pas droit à une seconde scène aussi hilarante que celle-là. Bref, trop occupée à me marrer comme une baleine, je ne prends pas le temps de réagir lorsque Reno revient à lui-même. Evidemment, il fallait s'attendre au retour de bâton. Il me plaque brutalement contre à un rayon et je crois que je viens de me prendre une étiquette promotionnelle dans le dos, putain ça fait mal. Je me prends des coups de partout, punaise c'est qu'il est agressif quand il veut. « On est censés s'entrainer pas s'entre-tuer.. » je précise quand même. Seul truc que j'arrive à faire dans cette position - autrement dit lui affalé sur moi en mode trop énervé pour m'arracher le truc des mains - c'est de serrer mes doigts contre le petit objet très fort, non ça pas question il ne me le piquera pas. « J'savais pas que les centaures aimaient faire les courses. » je lâche soudainement, regardant derrière lui pour parvenir à le faire se retourner, ayant eu vent de sa passion pour cette espèce. Je compte sur son QI pas très développé pour faire diversion comme ça. Bientôt je sens peu à peu qu'il exerce une pression un peu moins forte sur moi même s'il ne me lâche pas, alors j'en profite pour glisser le long du rayon, et m'échapper par le bas, avant de me relever et de lui tirer les cheveux comme je l'ai fait à la petite gamine de tout à l'heure, mais un peu plus fort cette fois - parce que les mecs sont moins sensibles du cuir chevelu c'est bien connu - une fois que je me trouve dans son dos. « Loupé tête de noeud. »

« Attends, tu boudes là ? » J’ai l’impression ouais, qu’elle me fait la gueule, avec sa petite moue grincheuse et son silence qui en dit long. Mon neveu fait ça aussi, souvent, et quelques chatouilles suffisent généralement à le décrisper. Mais j’avoue que je suis assez réticent à appliquer cette solution avec ma partenaire, j’imagine que passé un certain âge ça n’a plus les mêmes effets et qu’il est peu probable que ça la fasse glousser comme un dindon. Alors je me contente de lever les yeux au ciel, parce qu’elle est quand même vraiment chiante parfois. Je me demande si elle fait ça uniquement pour tenter d’invoquer des remords inexistants, mais elle a l’air sincèrement blessée dans son orgueil. Pourtant je m’en étais fait la promesse le premier soir : pas de réflexion sur son physique d’allumette pour éviter les tensions. Mais j’peux pas m’en empêcher, et on ne récolte que ce que l’on sème dit le dicton. En plus j’ai pas vraiment le temps de me préoccuper de ses états d’âme, on s’entraîne là. Ouais, je m’en contrefous de son regard accusateur. Ouais, parfaitement. Ouais … RAAAH je déteste ça en fait, ça m’angoisse je préfère encore les éclats de voix aux longs silences. Alors je me dis qu’en lui gravant mon initiale sur la joue, j’aurais peut-être une chance de la faire réagir : bingo. Enfin si j’avais su que ça se terminerait par l’enregistrement sur magnétophone d’un flot de mièvreries forcé par son chant de sirène, j’aurais peut-être réfléchi à deux fois avant de la défigurer avec ma flèche. N’empêche qu’elle abuse, et le pire c’est qu’elle ose me reprocher de me transformer en Terminator. « Fais pas ta princesse, t’as pas trop l’air à l’article de la mort. » Je lâche sur un ton amer. C’est clair, je la préserve vachement la brune. Quelques éraflures et quelques bleus, j’appelle pas ça s’entre-tuer. Et je sens mes doigts caresser le magnétophone, aussi je m’apprête à faire un truc radical pour l’obliger à lâcher prise. Sauf que là elle dit ‘centaure’, et c’est un peu le mot magique pour me déconcentrer. Le pire c’est que quelque part, une voix me souffle de ne pas me retourner comme un pauvre abruti dénué de neurones, que c’est évident qu’elle essaie de se barrer avec son magnétophone. Mais mon hésitation de quelques secondes suffit à me faire desserrer mon étreinte, et elle en profite pour me glisser entre les doigts. MERDE, et voilà c’est malin. Je me retourne quand même furtivement pour constater qu’évidemment, aucun centaure ne se dandine dans mon dos, poussant un grognement de mécontentement lorsque mes cheveux se font tirer en arrière. « T’ES SÉRIEUSE LÀ ? » Non mais c’est quoi cette attaque de gonzesse, n’importe quoi. Et je crois que ça me fout encore plus en rogne que son hypnose, parce que j’attrape une boîte de conserve à la sauce tomate avec la ferme intention de lui péter la mâchoire. Puis je lui écrase le pied avec mon talon pour la déstabiliser, me retournant en attrapant le bras qui torture mon cuir chevelu pour le faire plier, la boîte de conserve serrée dans mon autre main venant rencontrer son nez. Et je me retrouve planté au milieu des rayons flottants à fixer la conserve recouverte d’un liquide rougeâtre en me demandant si elle s’est ouverte sous le choc ou s’il s’agit du sang de ma partenaire, comme le docteur Jekyll après sa transformation en mister Hyde. « Bon, file-le moi maintenant. » J'ordonne excédé en relevant mes pupilles sur la brune sans me soucier de son état.