SULLIVAN
& YASMINE

Un sérieux et infatigable tac-tac cognait dans ma tête. J'espérais le faire taire le plus rapidement, mais je n'y arrivais point. J'en venais à m'en frapper les tempes, à prier pour que celui-ci cesse, mais ça serait trop beau. Non, il continuait, accompagné d'une sorte de murmure répétant « J'ai faim », tout le temps. La buanderie est plus loin et le frigo réservé aux vampires aussi du coup. J'essaye de me concentrer. Je sais que je peux aller là-bas en deux temps trois mouvements. Je ne sais pas voler, mais je suis rapide, plus rapide que n'importe qui d'autre ici. Pourtant je n'ai pas envie de laisser mes bas instincts dicter ma conduite et boire du sang à chaque fois que mon corps le désir. Je peux boire beaucoup plus de sang que la moyenne. J'en bois véritablement trop. Alors si je venais à m'écouter, le pauvre Keegan n'aura jamais le droit à sa portion quotidienne. Ce serait vraiment dommage de priver un compatriote de nourriture... Mais n'empêche que j'ai toujours faim. Alors j'use de ma vitesse exceptionnelle de vampire pour atteindre la buanderie. Et par extension le frigo. C'est au moment où, dans mon esprit, je m'imagine une cascade de sang frais m'attendant patiemment, que des pas se font entendre derrière moi. Mes mains se crispent sur une sorte de barrière. Je me contrôle, j'arrive à gérer. J'ai eu assez de temps depuis ma transformation pour apprendre. Nous ne buvons plus de sang humain, pourtant il faut avouer que celui-là est de loin meilleur comparé au synthétique qu'ils ont inventé. J'en ai déjà bu, du sang humain, je sais de quoi je parle. Un long frisson traversa mon échine, tandis que mes crocs sortirent précipitamment. C'était irrémédiable, je ne peux pas les contrôler. Comme je ne peux pas contrôler ma curiosité alors, je me retourne vivement, sur l'être présent à mes côtés. Toutes dents acérées dehors. Sur la défensive. Ce n'est qu'un homme, rien de plus. Je ne sais pas ce qu'il est en vérité, mais je le classe immédiatement dans les inoffensifs. Je rentre mes dents. Je reste silencieux une dizaine de secondes, avant de me rapprocher en lui tendant la main. « Vampire... Et toi ? »

Ayant été interrompu la veille dans la sacrosainte buanderie en pleine réalisation de mes tout premiers méfaits, je me suis mis dans le crâne de terminer le travail que j’ai sournoisement engagé auprès du frigo des bêtes à crocs. C’est donc plutôt enthousiaste que je me pointe, un sentiment qui retombe comme un soufflet lorsque je me fais agresser par un vampire, la dentition à l’air, et je lève les mains en l’air comme si elle braquait un flingue sur moi. « Wow, wow, reste zen je te file ma ceinture si tu veux, elle vaut cher. » Ouais non, je plaisante. Je n’ai aucune intention de me débarrasser de ma superbe ceinture en peau de crocodile. J’esquisse un sourire lorsqu’elle se présente de façon … disons originale. Au moins elle ne s’encombre pas de prénom, une information que je n’aurais pas retenue de toute façon. Elle, ce sera Draculette. « J’avais cru remarquer. » Je serre doucement sa main en fixant ses yeux aussi bleus que les miens, toujours aussi surpris par la froideur du contact. J’ai beau avoir touché des dizaines de vampires, je ne me fais jamais à leur peau glaciale, moi qui ai plutôt l’habitude des poignées de main chaleureuses des loups-garous. J’évite évidemment soigneusement de lui notifier que la veille je me suis amusé à vider quatre ou cinq poches de sang réservées aux vampires pour les assoiffer, et qu’elle devrait probablement en réclamer des nouvelles à la production. A tous les coups, elle peut sentir l’odeur du liquide carmin sur le pendentif en forme de croix que je planque sous mon t-shirt et qui a constitué l’arme du crime, mais ce n’est pas comme si j’avais peur des cadavres ambulants. Je tends alors la main en direction du petit frigo derrière elle pour en ouvrir la porte, offrant volontairement mon cou dénudé et brûlant à sa vue afin d’évaluer la solidité de ma petite théorie selon laquelle Draculette n’est pas la reine du self control quand il s’agit de se remplir l’estomac. Aussi j’espère que ma veine palpitante lui fera perdre pied, un sacrifice bien maigre par rapport à la découverte que je viens peut-être de faire. Récolter les faiblesses des candidats, c’est mon objectif premier, pour pouvoir les exploiter en combat. « Oh ben merde alors, la vieille fée est une sacrée radine ! » Je m’exclame devant la pauvre quantité de sang comme si j'étais totalement étranger à cette situation.

Je ne souhaite pas mettre à mal mes plans, en me montrant impatiente avec une personne. Surtout pas dès la première semaine. Je reste polie et m'approche de lui doucement, lui offrant ma main. Evidemment il ne répond pas à ma question : je l'avais repéré lui. Apparemment un imbécile fini qui pense pouvoir nous énerver pour mieux nous achever. Malheureusement pour lui, il ne faut jamais sous estimer ses adversaires et les considérer tous comme des dangers potentiels. Il est faible, mais veut se faire passer pour fort : classique. « J’avais cru remarquer. » Mon sourire ultra-brite se montra lentement, alors qu'il serrait en retour ma main. Je sais qu'il n'est pas humain. Je sais qu'il n'est pas vampire. Et il n'a rien d'un fé. Les loups sont en surnombre ici, ce qui pourrait avoir la fâcheuse tendance à le desservir... Oui, j'ai la fâcheuse tendance à faire croire au gens que je suis triste de n'être que deux vampires, mais je trouve ça bien. Pas d'autres vampires à sacrifier en duel. Enfin. Je m'éloigne un peu de lui, ne trouvant pas de plaisir à rester proche d'un canidé comme lui, quittant alors ses yeux d'un bleu profond. Je ne sais pas ce qu'il fait, mais quand je me tourne de nouveau vers lui, la porte du frigo qui nous est réservé – à nous vampire – était ouverte. Les poches étaient rares et franchement, peu appétissantes, mais c'est notre nourriture habituelle. Il faut se contenter de ce que l'on a. Mais cet anormal manque de sang me parait suspect et l'assurance de mon interlocuteur également. Il semblait incroyablement au courant de ce manque de sang et son cou, étrangement mis en avant me laisse croire qu'il n'y est pas pour rien. Pourtant, j'ai l'impression qu'il connaît déjà l'une de mes faiblesses de vieille vampire. Que la vu d'un cou, aussi peu ragoûtant comme le sien, peut exacerber ma soif. Je m'approche doucement de la porte et me penche sur le mini-frigo qu'ils auraient pu faire plus grand tout de même. Je fais attention de ne le regarder que dans les yeux, ne pas lui donner le plaisir de craquer sous ses yeux. Même si cela, n'est pas la meilleure des solutions. « Oh ben merde alors, la vieille fée est une sacrée radine ! » Je le toise en silence quelques secondes, mon corps à hauteur du sien. Avant de lui répondre sur un ton aussi mielleux que le sien. « J'ai vu ça oui, on fera avec... » Je prend une portion, mais ne veut pas le boire devant lui. Je suis une créature certes, mais pas une bête sauvage. Pas comme lui, sale loup. Pourtant je sors mes crocs, sur lesquels je passe ma langue lentement. « Et s'il n'y en pas assez, on sait où se servir... » Que je lui répond, calmement, finalement ma soif contrôlée par le sang que je tiens entre mes mains. Bien que son sang à lui devait être trop gluant pour moi. Je m'approche d'un pas de lui, coinçant ma main libre sur son bras pour le forcer à rester près de moi. « Je ne perds pas si facilement mon sang froid, si je puis dire, comme tu sembles le croire en montrant ton cou inintéressant ! » Je parle assez bas pour que mes paroles ne soit adressée qu'exclusivement à lui.

Ma technique ne fonctionne pas aussi bien que je l’aurais souhaité. La brune se contente de se pencher à mes côtés sans même jeter un regard sur ma peau dénudée, mais je suis convaincu qu'elle a parfaitement compris mon petit manège. Elle est visiblement joueuse, intéressant à savoir. « J’ai bien une ou deux candidates insupportables à te suggérer si tu veux les attaquer pendant leur sommeil ». Je lui propose comme si je n'avais pas saisi qu'elle faisait allusion à moi. Sait-on jamais, si elle pouvait nous débarrasser de la ventouse buccale par exemple, ça m’arrangerait. Je contemple ses doigts qui s’emparent de sa pitance et m’attends à la voir dévorer son précieux sang sans faire de manières, cependant Draculette s’abstient visiblement de tout débordement en ma présence. Trop personnel sans doute, de déguster le liquide carmin devant moi, un sillon rougeâtre pourrait malencontreusement couler au coin de sa bouche. Elle a plus de retenue que l'état dans lequel je l'ai trouvé ne le suggérait, je ne peux pas le nier. Mais à trop se retenir, elle joue dangereusement avec le feu et repousse ses limites. Elle s'approche même plus près et m'empêche d'esquisser un geste de recul -comme si j'avait envie de mettre fin à cet échange très enrichissant-. Grossière erreur, parce qu’à peine a-t-elle fini de murmurer sa phrase provocante que mes doigts se referment déjà sur son repas pour le lui arracher des mains. Il faut toujours profiter d’une distraction avec ces bêtes-là, car elles sont particulièrement rapides. Il ne me faut qu’une seconde pour percer le plastique d’un ongle que j’ai volontairement transformé en petite griffe pour l’occasion, répandant le contenu sur la veine saillante de mon cou sans la moindre hésitation. Le liquide visqueux coule le long de mon torse sous le t-shirt –et j’dois avouer que la sensation n’est pas si agréable que ça-, un sourire carnassier se dessinant sur mon visage tandis que je serre la poche vide entre mes doigts. « Toujours si inintéressant que ça ? » Ouais ouais, c’est mon trip de m’asperger avec du sang synthétique, vous ne le saviez pas ? Croyez-moi, je ne fais pas ça pour le plaisir, vous comprendrez bien assez tôt si vous êtes un minimum intelligent. Tout ce que j’espère, c’est que cette fois la bête à crocs ne va pas se retenir, et ça me paraît bien difficile pour elle étant donné que la seule vue du rouge a fait sortir ses jolies dents pointues. Draculette mordra-t-elle à l’hameçon –littéralement parlant- ?

J'ai sérieusement l'impression qu'il me sous estime. Qu'il doit se sentir si supérieur aux autres, qu'il en oublie que l'on peut être tous un danger pour lui. Moi en particulier, évidemment, je prêche pour ma paroisse. Pourquoi les loups sont en général si arrogant ? Parce qu'ils sont tout poilu ? Il me fait un commentaire sur une attaque contre quelque candidate. Je ne réagit pas. J'ignore royalement même. Après tout, si je le pouvais, c'est lui que je saignerais en premier. C'est même inscrit sur mes plans ; je n'attends plus que le feu verts de la vieille fée. Pensant pouvoir boire tranquillement, je me fais des illusions. Je lui montre ma seule alimentation, sans jamais me dire qu'il avait encore plus un mauvais fond que je ne le pensais. Parce que je ne m'attend pas à ça... Il prend le sang de mes mains. Je réagis très rapidement, mais pas assez. Je reste sans voix devant ce qu'il est en train de faire. Il avoue silencieusement, alors, être à l'origine de se manque de sans dans le frigo : c'est évident. Malheureusement, pour moi, il touche une corde sensible de jeune vampire : la vue du sang m'excite, ce n'est pas ma faute. Tant, que je m'étonne à m’agripper déjà à son tee-shirt plus rapidement que l'éclair. Mes canines déjà sorties. Mes lèvres proches de son cou, prête à lécher le liquide à même sa peau... Avant de me souvenir qu'il ne s'agissait que d'un breuvage synthétique. On peut le gâcher, ce n'est pas du sang humain, bien plus précieux. « Toujours si inintéressant que ça ? » Heureusement que je ne respire plus, sinon il sentirait mon souffle affaibli contre son cou. Je ferme les yeux. Je me sens faible face à lui, à cet instant même. Je relâche alors son tee-shirt maculé de sang, mais je reste dangereusement proche de lui. Pour lui murmurer... « Maintenant que je sais que tu aimes te faire couler du sang partout... non. » Non, plus si inintéressant que ça... « Je crois même que je vais te suivre dès que je le peux... Au cas où il me viendrait une fringale. » Je m'éloigne de lui, emportant ma froideur avec moi. Je lui présente mon dos, ne lui montrant pas mon visage décomposé. Je ne lui ai pas sucé le sang, je n'ai rien pris sur son cou, mais je sais que je n'arriverais pas à tenir encore aussi longtemps...

Wow, doucement ma jolie. Draculette semble prête à m’arracher le t-shirt pour se nourrir, et j’exulte à l’idée de la voir aussi troublée. Elle n’avait sans doute pas prévu que je serais capable de faire un truc pareil pour la pousser dans ses retranchements, cependant je l’excuse volontiers puisqu’elle ne me connaît pas. Du moins, pas encore. M’asperger de sang synthétique n’est pas la chose la plus stupide, -ou intelligente, au choix- que j’ai fait pour tester mes adversaires. Et elle a beau essayer de me faire croire le contraire, elle est aussi instinctive que les loups-garous. Aussi bestiale, aussi incontrôlable, et j’aime ça. Je baisse les yeux pour chercher les siens, mais ses pupilles sont captivées par le morceau de chair recouvert de sang. Puis elle clos doucement ses paupières et je suis convaincu qu’elle va céder, mais une fois encore je l’ai sous-estimée. Après tout mon petit manège ne sert qu’à ça, ne pas faire cette erreur lorsque nous seront face à face sous le regard lubrique de la vieille peau. A savoir jusqu’où elle peut aller, et à partir de quel moment elle se met à genou. Je contemple son dos un instant, imaginant le désarroi se peindre sur son visage, la frustration aussi, sans doute. « Si j’étais toi je me dépêcherais, le sang séché ce n’est pas très appétissant. » Je lui suggère, l’air de rien. Je sens déjà le liquide carmin qui durcit, et je me demande si le sang –comme l’argile- a des vertus bénéfiques pour la peau. Qui sait, peut-être a-t-il un effet adoucissant ? Non pas que j’en ai besoin. Je m’approche derrière la silhouette qui tente de m’échapper en évitant tout contact visuel –loin des yeux, loin du cœur-, l’emprisonnant en glissant mes bras contre les siens. Je maintiens toutefois quelques centimètres de distance entre son corps et le mien, pour ne pas repeindre ses vêtement d’une jolie couleur vermeil –un vrai gentleman, je sais-. « Un vampire digne de ce nom ne devrait même pas se contenter de cette merde qu’on l'oblige à avaler. » Je lui souffle doucement à l’oreille, ma joue collée contre ses cheveux. Mon index gauche effleure la peau de mon poignet droit, lentement, l’ongle s’allongeant tandis qu’il tranche l’épiderme sous le nez de la brune toujours prisonnière de mes bras. « Oups. » Genre, j’ai dérapé. « Il paraît que le sang de loup-garou est meilleur que celui des fées, tu crois que c'est vrai ? » Je continue à la provoquer, approchant légèrement mon poignet blessé de mon visage -et par conséquent du sien-.

Je me montre faible, je n'aime pas ça. Encore moins quand c'est devant un homme qui me paraît aussi détestable. Je pensais avec de mesquinerie en moi, mais il est bien pire. On ne peux pas dire que je déteste ça, sauf quand je suis la victime. Comme en ce moment, oui, parce qu'il le fait bien exprès de vider non seulement le sang, mais en plus sur lui. Je fini par m'éloigner de lui, c'est la seule solution pour ne pas faire ce qu'il souhaite depuis qu'il m'a vu dans cette buanderie : me faire céder. Je suis incontrôlable. Je ne suis pas une gentille marionnette que l'on peut tordre à sa convenance. Dans le jeu, il doit bien y en avoir, mais pas moi... « Si j’étais toi je me dépêcherais, le sang séché ce n’est pas très appétissant. » Dans ma tête c'est « parle toujours » et dans mon esprit je suis d'accord avec lui. Le sang séché, c'est pas terrible, que ce soit pour le boire ou pour le nettoyer sur ses vêtements. Je ne dis rien, reste silencieuse, malheureusement. Je sens comme un présence dans mon dos. Je veux m'échapper, mais il se serre à moi. Me coince. Enfin il n'est pas collé à moi, dommage, mais assez prêt pour ne pas me laisser le choix. En fait non, je me laisse me serrer car je pourrai aisément l'envoyer valser comme on envoi valser une poupée de chiffon. J'ai une force considérable, il ne faut pas l'oublier. Alors je le laisse faire son petite manège, un peu désarmée tout de même. « Un vampire digne de ce nom ne devrait même pas se contenter de cette merde qu’on l'oblige à avaler. » On ne m'oblige à rien, que je lui réponds dans ma tête, cachant les canines qui étaient encore de sortie, on ne sait plus pour qu'elle raison à présent. La faim, l'envie... Ou autre chose. Je sens son visage près du mien, j'en ferme de nouveau les yeux. Je serais incapable de lui répondre quoique ce soit. Il a raison, je le saignerais bien là, à l'instant même, pour m'assurer qu'il n'aille pas parler de cet « entretien » que l'on vient de vivre – que je viens de subir – à quelqu'un d'autre. Il me présente ses bras, je le vois se couper bien exprès devant moi. Il fait genre il ne l'a pas fait exprès. « Il paraît que le sang de loup-garou est meilleur que celui des fées, tu crois que c'est vrai ? » Je reste silencieuse encore deux secondes, mes yeux rivés sur le sang qui coule de nouveau sur sa peau, mais un sourire narquois naît sur mes lèvres. Un sourire que je ne me prive pas de lui montrer, en tournant ma tête proche de la sienne. Très proche même. « Meilleur ? C'est marrant, on m'a appris qu'au contraire le sang de loup était totalement mauvais... Le pire de tous ! » Je fini par reprendre mes moyens, grâce à lui d'ailleurs et sa phrase insensée. Je lui attrape vivement ses poignets et avec une telle force qu'il ne peut pas m'échapper à son tour. Avec force, mais loin d'être ma force maximale. Ce n'est qu'une mise en garde. Je ne suis vraiment pas aussi bête qu'il semble le penser : je ne vais pas lui montrer mes capacités comme ça... Je me défait de son emprise. Garde en main son poignet qui ne saigne pas, le rapproche de moi. « Le jeu ne fait que commencer... Garde tes forces pour un autre jour, ou pour quelqu'un d'autre... Parce que l'on sait très bien toi et moi que je ne craquerais pas. » Je le lâche pour partir, finalement le ventre vide, mais un sourire de satisfaction sur le visage. « À moins que tu ne sois déjà attaché à moi... ! » Je conclue en me retournant une dernière fois vers lui, un large sourire aux lèvres.

J’en reste convaincu, Draculette ne va pas résister longtemps à ma plaie ouverte. Si elle en avait encore un, je pourrais entendre son cœur battre à s’en rompre l’aorte. Je la sens fragile entre mes bras, et cette sensation me procure un shoot d’adrénaline encore plus délectable que frôler la mort, sauter en parachute, m’envoyer en l’air avec la créature la plus désirable du monde magique. Détenir le pouvoir sur une autre personne, c’est meilleur que tout, et je commence à comprendre la raison pour laquelle la Vieille Fée nous a conviés dans son château. Alors pourquoi tourne-t-elle son visage, caressant presque ma joue de son joli nez ? Merde, j’ai la sensation que tout vient de basculer, et ses mots me font comprendre que j’ai dit un truc qu’il ne fallait pas. Ça se voit, parce que la voilà toute ragaillardie alors qu’elle semblait au bord de céder à la tentation selon les conseils de Wilde. Rah, j’enrage, mais d’un autre côté j’en ai appris bien plus ce soir que depuis le début de l’aventure. Parce qu’inconsciemment –je présume-, elle vient de me révéler qu’elle n’a jamais goûté le sang d’un loup-garou, et je la soupçonne même de s’être contentée toute sa vie –si je puis dire- de la merde inventée pour calmer les envies sanguinaires des vampires. Quoiqu’étant donné sa capacité à me résister, j’éprouve quelques doutes qu’il me faudra dissiper. Enfin, disons que je ne me suis pas barbouillé de sang synthétique de façon totalement inutile, et que je ne me fais pas tordre le poignet pour du chiqué. Une vraie sauvage la nana, une vigueur qui fait honneur à sa race. Je la sonde une nouvelle fois, et j’aime sa façon de planter ses yeux dans les miens, pas le genre qui s’échappe où qui craint quoi que ce soit. Parce qu’elle aurait pu fuir à la minute où sa poche a éclaté entre mes doigts, à la place elle a préféré se confronter à moi pour tester ses limites. Elle va probablement me donner du fil à retordre, mais je ne crache jamais sur un bon défi. Game on, bitch. C’est à peu près son message, aussi je laisse échapper un sourire amusé. Provocatrice, joueuse, autant de qualités pour retenir mon attention. « Ne t’inquiètes pas pour moi chérie, des forces j’en ai à revendre. » Je l’observe quitter la pièce en plissant les yeux, mais elle ne peut s’empêcher de se tourner encore pour me lancer une dernière pique. Cette fois je lâche un rire court du style ‘t’aimerais ça, hein ?’, haussant un sourcil. « Ça se pourrait bien. »