La nana m’embrasse et me gifle dans la même soirée, mais je dois dire que ça ne m’étonne pas vraiment. Ce n’est pas la première fois, et sans doute pas la dernière non plus. Je me contente d’esquisser un sourire carnassier en me penchant vers elle. « Je crois que le pire baiser de l’histoire c’est celui qu’on reçoit d’une alcoolique siliconée qui a une haleine de poney. » En gros : elle. « D’ailleurs, tu veux pas me faire oublier c’moment ? » Quoi, c’est pas comme ça que ça marche ? On claque des doigts et on oublie tout. Claquer des doigts, il sait bien le faire le con. Parce que visiblement la folle du cul a dit vrai, bobonne est responsable de l’amnésie étrange du boutonneux, mais ça ne m’avance pas beaucoup quant à la raison de cette requête. Alors je la menace d’un air parfaitement sérieux, mais elle s’imagine visiblement que je ne suis pas prêt à mettre mon petit jeu à exécution. J’ignore si c’est parce qu’elle est trop effrayée par le vide et qu’elle ne distingue pas la détermination dans mes yeux bleus, ou si c’est parce qu’elle s’imagine que je suis au fond un gros nounours sentimental, mais elle ne me donne qu’une seule raison même pas valable d’épargner sa pauvre vie. Des emmerdeurs, il y a plein le château. Et puis, je ne suis pas franchement superstitieux. « Comme tu veux. » Je me contente de hausser les épaules avant de la pousser d’une main, son buste basculant dangereusement vers l’arrière avant que je n’attrape son poignet au dernier moment pour lui éviter le grand plongeon. En espérant lui avoir fait une petite frayeur. J’ai bien l’intention de recommencer mon manège, mais le gamin intervient pour … CLAQUER SES PUTAINS DE DOIGTS. Je hais quand il fait ça. Je le hais. Il n’a pas fini d’emmerder le monde ? Je suis contraint de reculer pour laisser la place à bobonne qui reprend ses appuis sur le sol, et me dirige vers le boutonneux comme un missile à tête chercheuse, attrapant ses doigts entre les miens pour qu’il arrête de faire ça. « Pourquoi tu me causes toi, t’as pas voulu m’oublier ? » Je lâche en même temps que sa main. S’il me fait un câlin ça va probablement lui revenir, qu’il kiffe les mecs. Et il se retrouvera dans la même merde. Comme s’il pouvait éviter de se l’avouer pour le restant de sa vie, c’est complètement débile. Blondie elle l’assume bien elle, d’être une lesbienne, elle n’a pas besoin de demander à bobonne de lui faire oublier la louve. Ouais parce que je reste bloqué sur ça moi, vu que c’est la seule explication qui a du sens. « Tu devrais peut-être demander à la ventouse l’une de ses potions magiques, c’est vraiment moche ton bleu. » Je lui glisse en touchant son cocard du bout des doigts. 1/ ça lui éveillera peut-être quelques souvenirs, 2/ ça lui rendra service, 3/ je me défoule, 4/ ça m’énerve putain. De toute façon, il ne s’en souviendra probablement pas étant donné son degré d’alcoolémie. Et je me tire sans attendre les remarques des autres candidats qui le couvent comme une maman poule en me disant que je commence sérieusement à shlinguer le rhum. Alors j’attrape le fond de la bouteille de Tequila posée sur la table pour me l’enfiler, histoire de compenser l’odeur, refermant mes doigts libres sur le draps en soie qui recouvre le canapé pour me frotter les cheveux. C'est dommage, j'aurais donné cher pour faire flipper un peu plus la princesse moi. Et puis d'abord, pourquoi ça m'énerve autant ? C'est pas le premier ni le dernier quartier, et encore moins la pleine lune. Fais chier.