C’est le déluge dehors, carrément. J’ai l’impression que Zeus et Poséidon s’affrontent dans un duel là-haut, sous l’œil luisant de la vieille peau. Et ils font chier tout le monde par la même occasion, notamment le pauvre gars qui s’entraîne dans le lac pour les combats à venir afin de rattraper une interdiction renouvelée de faire ses preuves devant la mémé. C’est-à-dire : moi. Je continue un moment mon crawl, parce qu’après tout un peu de pluie ça n’a jamais dérangé un nageur, mais lorsque le tonnerre gronde je me dis que c’est probablement une mauvaise idée de rester planté dans une vaste étendue d’eau. Si la foudre frappe, je risque de finir plus cuit qu’un cadavre dans le four crématoire. Et je n’ai pas l’intention de me faire éliminer aussi connement. Mais alors que je rejoins le bord, une saleté de racine aquatique retient ma jambe pour me forcer à griller comme un toast, et je ne parviens à m’en défaire qu’au bout de quelques minutes d’une lutte acharnée. PUTAIN, je déteste ce lac. J’enfile mon jean à la va-vite par-dessus mon maillot encore trempé –de toute façon vu les trombes de flotte qui s’abattent sur ma tête il va être rincé en deux minutes-, et mon superbe sweat-shirt ' Fucking Fairies ' exposé tout spécialement pour la mémé. Cadeau d’anniversaire. Je me précipite vers le château, mais j’ai à peine le temps de faire trois pas que je perçois un grondement menaçant en même temps que la blessure que cette saloperie de plante m’a fait à la cheville. Elle est déjà toute gonflée, rouge et verte, et ça me fait un mal de chien quand je m'appuie dessus. Du coup ça me dissuade de parcourir toute cette distance à pied. Je pourrais simplement me transformer, mais je n’ai aucune envie de me salir les pattes dans la terrer boueuse. En plus, je distingue le bosquet qui me semble être un abri plus qu’approprié, et qui cache cette fameuse feuille aux propriétés curatives qui pourrait me soigner ça rapidement. Alors je m’aventure dans cette mini-forêt, aspergé de temps à autre par la pluie qui filtre à travers les feuillages secoués par le vent. Le tonnerre gronde de nouveau, plus fort que tout à l’heure, pendant que je m’active autour d’un arbre qui ressemble à ce que je cherche. Mais au lieu de mon remède, je trouve une silhouette recroquevillée sur elle-même derrière le tronc, adoptant la position réconfortante du fœtus. Ben merde, c’est la fée vorace qui a été désactivée par la vieille peau ? Ma partenaire qui est finalement morte de fatigue ? Mais en me penchant au-dessus du candidat, quelques gouttes glissant depuis mes cheveux pour s’écraser sur sa tête, je reconnais le boutonneux. Le bosquet + le sorcier = mauvais souvenir, aussi je m'apprête presque à tourner les talons en espérant qu'il ne se soit pas rendu compte de ma présence, vu qu'apparemment il dort. Mais je remarque un imperceptible tremblement d'épaules quand le bruit sourd de l’orage se fait de nouveau entendre, et du coup j’en conclus qu’il n’est probablement pas en train de pioncer. Il fait quoi là, il se planque ? Ne me dites pas que ce sorcier flippe pour quelques coups de tonnerre. J'aurais presque envie de me bidonner si je ne craignais pas un truc bien plus ridicule que ça, et puis je suis pas le genre de mecs à me moquer des autres pendant qu'ils claquent des dents. Alors je m’accroupis devant lui en posant mes bras sur ses genoux. « Si tu restes là, tu vas attraper la crève. » Ouais parce qu’il est déjà pas mal trempé, et ça continue de nous tomber dessus même si les arbres retiennent le plus gros de l’averse. « Tu sais, t'as une chance sur 250 000 d'être touché par la foudre, et une sur 56 439 d'en mourir. » J'aime bien être précis comme mec.

Le tonnerre gronde à nouveau, mon corps est pris d'un autre incontrôlable sursaut, je tourne ma tête successivement vers la gauche puis la droite, vérifiant que la foudre n'ait pas frappé quelque chose dans les alentours et je soupire en une fois rassuré sur le fait que ce ne soit pas le cas. Je me pose contre ce grand arbre et ramène mes genoux contre ma poitrine, comme un gamin inquiet à propos du monstre caché sous son lit, seulement mon monstre à moi est bel et bien réel et il peut s'attaquer à moi en une fraction de seconde et ce peu importe où je suis... shit, je crois que je commence à pleurer, j'essaye d'essuyer les larmes qui commencent à couler à flot, mais avec la pluie battante, je pense pas que ça fera grande différence au final. Brusquement un autre rugissement du ciel se fait entendre, je m'agrippe au sol jusqu'à en avoir les ongles en sang et bien-évidemment j'éclate en sanglot, comme un con, parce qu'il faut vraiment être con pour avoir peur de l'orage à mon âge... Je me souviens que mon père m'a révélé que c'est comme ça depuis que j'ai trois ans, c'est drôle lorsqu'on sait que c'est à peu prêt l'âge que j'avais lorsque ma mère s'est barrée de la maison... Enfin bref, je ne vois pas tellement le rapport et je... je sens la présence de quelqu'un derrière moi, ma respiration se bloque, rien qu'à la pensée qu'un des candidats ne me découvre dans une telle position de faiblesse et pire, que l'histoire se répande dans le château. Quel n'est pas ma surprise lorsqu'un Sullivan à l'air - presque - inquiet s'accroupit en face de moi... le meilleur ? Sa déclaration laisserait vraiment entendre qu'il s'inquiète pour moi et le pire ? Il me touche - encore - et je m'interroge, pourquoi il ressent toujours le besoin d'être en contact avec moi d'une manière ou d'une autre ? Il ne se rend vraiment pas compte de ce que ça me fait ? Je ne lui réponds pas tout de suite, je le fixe, longuement, d'un regard indéchiffrable - même pour moi - puis je me décide « Je... j'ai peur. » attendez, je viens vraiment de lui dire ça ? à lui ? BORDEL DE MERDE, le type ne trouve rien de mieux à faire que de remuer le couteau dans la plaie, mais bon faut dire que j'ai un talent particulier pour me foutre moi-même dans la merde, c'est certain, j'en oublierai presque que tonnerre grondant, nouveau grondement, je sursaute et ma main agrippe son sweat mouillé, faut croire que je ne l'ai pas oublié mon ami tonnerre. « Désolé ! » m'exclamai-je presque inaudiblement en le lâchant imméditament, comme si ce simple contact m'avait violemment brûlé et c'est peut-être le cas...

Spoiler:

Ça me fait bizarre de voir le sorcier dans une telle position de faiblesse, à gémir faiblement qu’il flippe comme jamais. J’avais remarqué ouais, qu’il avait peur. On peut dire que c’est bien la première fois que je le vois aussi démuni –bien qu’il n’avait pas l’air franchement dans son assiette non plus après mon baiser un peu trop passionné-, parce que d’habitude ce ne sont pas les mots ou les tours de magie qui lui manquent. Il pourrait sans doute se mettre au sec en un claquement de doigt, mais c'est toute la nature d'une phobie d’annihiler tout comportement raisonné. En fait je trouve ça mignon, et le mignon c’est mauvais pour ma santé. Est-ce que c’est normal de trouver ça mignon ? Je devrais plutôt trouver ça pathétique, comme ces yeux hypnotiques imbibés de larmes qui s’accrochent aux miens, reflétant un sentiment obscur. Merde, je remarque seulement maintenant qu’il est en train de pleurer, et c’est genre : le coup ultime. « Ah non, t'as pas le droit de faire ça. » Je murmure plus pour moi-même que pour lui alors qu’il tressaute de nouveau en s’accrochant à mon sweat spéciale dédicace pour mémé. Et il s’excuse en retirant sa main comme s’il avait été conditionné par une décharge électrique à me fuir. « Désolé pour quoi ? » Je capte pas trop sa réaction, pour changer, y’a pas besoin de se faire pardonner pour un truc aussi élémentaire. Moi aussi je touche tout le temps les gens. Ça me fait un peu penser à la mienne de main, qui avait quitté son torse dans le parc quand j’avais réalisé que j’en profitais un peu trop. Et là, y’a une deuxième explication à toute cette merde qui naît dans mon cerveau et me laisse complètement interdit. Je le fixe bien pendant vingt secondes comme si je cherchais à sonder le plus profond de son âme avant de faire rouler mes yeux vers le ciel en me disant que je me fais carrément mes films. C’est ça jean-pierre, et la marmotte elle met le chocolat dans le papier d’alu … Bref, du coup ça ne résout pas franchement le problème du pauvre boutonneux effrayé. Mais je n’ai pas l’intention de le contempler frissonner sous la pluie jusqu’à ce que l’orage passe. « Eh regarde-moi. » Je tente d’accrocher ses yeux perdus. « Tu m’fais confiance ? » Question idiote en fait, la réponse est probablement négative. Alors je ne l’attends pas pour attraper sa main dans la mienne en me relevant, l’obligeant à me suivre dans le bosquet. Il ne peut pas vraiment résister à la pression que j’exerce, mais j’ai un peu peur que ses jambes se dérobent sous le poids de la crainte, aussi je prie pour que le tonnerre se retiennent quelques secondes. Juste un peu pour moi. Pour lui. Et il faut croire que je suis dans les petits papiers de Zeus, parce que j’ai le temps de m’enfoncer plus loin, jusqu’à ce tronc d’arbre creusé qui forme un abri naturel où je l’entraîne. Je serre les dents sous les assauts de ma cheville toujours douloureuse, le faisant asseoir à l’intérieur de ma tanière cinq étoiles avant de retirer mes chaussures trempées. Rien de très spacieux, juste de la place pour deux ou trois corps courbés. Je commence à connaître cet endroit vous voyez, je me dis que ça peut constituer un avantage étant donné le nombre de plantes utiles dont il regorge. « C’est cool non ? C’est là que je planque mon stock de beuh spéciale Sullivan. » Je souris en haussant un sourcil, glissant mes doigts sur ma blessure pour la dissimuler. Puis j'introduis ma main libre dans un recoin sombre pour en retirer des bourgeons de couleur jaune et rouge. « Si t’en avales une moitié, ça va te détendre. Tu vas peut-être un peu planer aussi, mais tu trembleras plus comme une feuille. » J’y crois pas, que je viens de révéler ma planque secrète au candidat. Et s’il me dénonce à la mémé, j’suis un peu dans la merde. Enfin, je pourrais toujours prétendre que c’est le Tigre le responsable, il a plus une tête de gars perché que moi. J’avais l’intention de m’en servir pour la pleine lune, histoire de ne pas tuer quelqu’un par inadvertance, ce truc me calme illico. Et non, je n'essaie pas de le droguer pour abuser de lui, détrompez-vous. Il peut toujours tenter la méditation s'il préfère, mais je ne suis pas convaincu que ça fonctionnera mieux que mon alternative.

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Sérieusement, il est vraiment en train de me poser cette question ? « Désolé pour quoi ? » Je ne sais pas quoi lui répondre, enfaîte, j'ai l'impression d'avoir tellement tellement de raisons de m'en vouloir... Désolé d'être raide dingue de toi sale con, voilà ce que j'aimerais lui dire. « Je viens de salir ton sweat » Après-tout, je me suis tellement sali les mains en serrant le sol humide, que son bel habit bleu ne l'est plus tellement au niveau de son bras gauche. Et il me fixe, droit dans les yeux - quel salopard - je détourne le regard, rompant ce contact visuelle devenant beaucoup trop long pour mon propre bien. « Eh regarde-moi. » NON ! Mais je le regarde et il me demande si je lui fais confiance, quelle question ! Je n'en ai moi-même pas la moindre idée, je serais tenté de dire non, mais au fond de moi je saurais que ce ne serait que pure mensonge, alors je préfère autant ne rien dire et il semble avoir comme lu en moi, car il n'attend pas ma réponse et s'empresse de saisir ma main... il me touche - encore - il n'a pas vraiment pas compris ? Mais je ne dis rien, je sens même ma main se resserrer contre la sienne, peut-être une précaution prise par mon cerveau, devinant très bien que là, tout de suite, je ne rêvais que de fuir le plus loin possible, tant que le tonnerre était encore en repos. Je me demande, pourquoi est-ce que je persiste autant à vouloir le fuir ? Je sais, si je fuis, c'est simplement pour m'épargner la souffrance de le voir fuir lui-même... Passons, nous nous enfonçons petit à petit au coeur du bosquet enchanté, jusqu'à un arbre des plus étrange, au tronc creusé bien en profondeur et il m'y fait asseoir. « C'est cool non ? C'est là que je planque mon stock de beuh spéciale Sullivan. » Ce type est incroyable, même dans la pire des situations il arrive quand même à me blaser, mes lèvres s'étirent dans un grand sourire, tout en levant les yeux au ciel - irrécupérable - c'est alors que le ciel se fait de nouveau entendre, ma respiration s'accélère, ma poitrine se soulève à rythme beaucoup trop rapide, mais il me tend des bourgeons tout coloré. J'hausse un sourcil alors qu'il me détaille les propriétés "apaisantes" de ses machins... il veut me droguer pour profiter de moi ou quoi ? « C'est pour profiter de moi ? » merde, ça m'a échappé ! Je balbutie quelques mots incompréhensibles avant de me rattraper « Désolé ! » désolé ? Je crois qu'il faudra me surnommer comme ça maintenant, putain, je suis vraiment pas dans mon état normal, il va me falloir au moins une semaine de coup fourrés sur sa personne pour lui aire oublier le Calliste tout faible. Bref, je m'empresse de fourrer ses machins dans ma bouche et on peut dire que j'ai eu du mal à les avaler, mais passons, je remarque un truc étrange à son pied « T'es blessé ? » j'aurai bien envie de le soigner, mais d'un côté, j'ai pas envie d'être trop gentil avec lui, il ne se doute de rien pour l'instant et je pense que c'est peut-être mieux ainsi.

Il a beau être tétanisé par la foudre, le boutonneux n’en reste pas moins suspicieux, et j’ai l’impression d’être un pédophile qui tend un bonbon à un gamin. Ca va quoi, je ne vais pas le violer là-dedans, de toute façon la place me manquerait. Mais il s’excuse –encore-, et je me demande si sa phobie n’a pas des effets indésirables sur son cerveau –un peu comme l’ennui chez moi-. Il est carrément en train de bégayer comme une adolescente en fleur qui rencontre son idole, le regard fuyant, et je trouve ça aussi adorable qu’effrayant. C’est comme si quelqu’un avait troqué le parfait chieur provocateur contre une version fragile et vulnérable, et ça me déstabilise un peu. Il s’en rend visiblement compte, parce qu’il gobe carrément les deux bourgeons sans écouter mes instructions. « Att … » J’esquisse un geste pour l’empêcher de les avaler, mais c’est déjà trop tard. J’avais bien dit ‘la moitié’ bon sang ! Il va complètement décoller le type, merde. Est-ce qu’on peut faire une overdose de ce machin ? Probablement, comme cette racine indienne qui te rend malade après t’avoir donné les hallucinations les plus démentielles de ta vie. Je fais dévier mon regard vers ma cheville lorsqu’il m’interroge, constatant que la blessure est visible entre mes doigts. « T’inquiète c’est rien. Faut croire que même sans ton aide, les racines ont une dent contre moi. » Je fais remarquer d’un léger sourire, pas du tout pour le faire culpabiliser. De toute façon, il ne peut pas me guérir, si ? Parce que la ventouse m’a bien dit qu’elle en était incapable, mais peut-être que les sorciers sont tous différents. Ou alors elle m'a menti, la garce. J’écarte mes jambes pour les glisser de chaque côté de son corps recroquevillé, légèrement repliées, de façon à l’emprisonner, me rapprochant de lui par la même occasion. Mon corps n’est plus qu’à quelques centimètres du sien sans le toucher, mes yeux plantés dans leurs semblables pour déchiffrer son expression. Alors je pose mes coudes sur mes genoux, attrapant l’une de ses mains entre les miennes. « Et toi ? » Ouais, parce qu’il a un peu les doigts en sang au cas où il n’aurait pas remarqué. Il a probablement gratté la terre tellement fort qu’il s’est heurté à des cailloux ou des racines qui lui ont rongé la peau. J’examine ses plaies, tournant et retournant ses doigts entre les miens pour en venir à la conclusion qu’il va survivre. Mon regard se fixe alors de nouveau dans le sien, ou tout du moins le recherche. « Ça t’aurait vraiment dérangé, que je profite de toi ? » Je lâche soudain aussi naturellement que si je lui demandais s’il aime les fraises, souhaitant tester ma théorie numéro deux. Ce n’est pas vraiment la bonne question, et pas non plus la bonne situation puisque mon ouïe concentrée sur les battements de son cœur peut percevoir les signes d’un trouble tout simplement dû aux coups de tonnerre. Mais le ciel est calme, pour l’instant. Et puis c’est aussi un bon moyen de l’embêter même si je n’obtiens pas de réponse claire, et embêter les gens c’est ma spécialité. C’est donc mes mains caressant presque la sienne, mes yeux bleus fouillant son âme, mon corps l’empêchant de fuir, que je sens une bestiole me gratter la cuisse. WAW, c’est quoi ce truc encore ?! Je me recule légèrement du garçon, rompant tout contact –aussi bien visuel que physique- en tournant mon visage vers l’espèce de lapin mutant qui essaie de se frayer un chemin à travers mon jean comme si j’étais une montagne de terre. Quel crétin, ce con vient de ruiner l’ambiance et mes petites manipulations pour embrouiller le boutonneux. Finalement il détale en direction de ma planque de bourgeons, aussi je le rattrape par le cou avant qu’il ne se régale de ma précieuse drogue naturelle. Et en le suspendant devant mes yeux, je constate que les animaux qui peuplent ce bosquet sont vraiment flippants, parce que je le touche à peine que son pelage prend une teinte rouge sang. Oups. Ça, ça veut dire qu’il me kiffe pas, peut-être que je squatte son terrier en fait. Du coup je le balance entre les jambes de Calliste, et les poils du lapin deviennent roux et blanc. Comme par hasard. Et je me dis que c’est peut-être un signe, que je ne suis pas censé abuser de sa faiblesse pour lui soutirer des informations. De toute façon, les bourgeons doivent commencer à faire effet maintenant, et il pourrait bien me raconter n’importe quoi. « Bon ok, faut te mettre en condition là. » Je décide finalement de poursuivre ma thérapie de la phobie de l’orage. « Je veux que tu me racontes le meilleur moment de ta vie. Un moment parfait. » Ouais, si je l’envoie là-bas y’a des chances pour qu’il oublie complètement le tonnerre qui résonne de nouveau, et qu’à la place il se projette dans un endroit vraiment cool. Et puis ça lui évitera de partir en bad trip vous voyez, parce qu'avec ce qu'il a avalé je ne suis plus sûr de rien.

Je l'interroge donc, le doigt pointé en direction de la blessure - à la teinte des plus douteuses - présente sur sa jambe, un air horrifié peint sur le visage: en même temps ça n'a vraiment rien de beau. Le blond trouve tout de même le moyen de me rassurer en me rappelant "l'incident" survenu lors de la première semaine de jeu... et il a gagné, je ne peux même pas m'empêcher de culpabiliser maintenant. « Dé... » thanks god, je parviens à stopper l'avalanche d'excuses avant qu'elles ne sortent de ma bouche et je me mordille anxieusement la lèvre inférieure, signe d'embarras. Brusquement, je sens son corps se mouvoir dans ma direction, il se rapproche, positionnant ses jambes de part et d'autre de mon corps - je me sens cerné là - et il me touche - ça commence à devenir une habitude, j'vais finir par me poser des questions - ses coudes se posent sur mes genoux et ses mains s'emparent des miennes, à quoi il joue bon sang ? Bien-évidemment mon teint ne tarde pas à virer au rouge pivoine, je crois qu'il me pose une question, mais je suis absolument incapable de lui répondre: j'ai la gorge nouée, mon coeur semble avoir eu la merveilleuse idée de se mettre à danser une samba effréné dans ma poitrine et cet enfoiré n'a rien trouvé de mieux que de m'achever en posant cette question... Je le regarde, il me regarde, il attend une réponse, mais je suis censé lui dire quoi au juste ? "Oh oui mon Sulli profite de moi !" ? Non non non, mais je lui dois peut-être la vérité, parce qu'il m'a quand même l'air un peu perdu le type. Bon j'me lance. « Enfaîte, je ... » Et là, miracle, son regard se détourne du mien et ses mains en font de même, je ne fais pas tellement attention à ce qui se passe par la suite car un violent mal de crâne me prend puis ma vue commence à se trouble, mais heureusement tout ça cesse bien vite pour laisser place à une espèce de béatitude franchement dérangeante, un énorme sourire apparaît tout seul sur mon visage et j'ai comme l'étrange impression de vivre dans un dessin animé. - l'horreur - Je me tourne vers Sullivan, qui ressemble franchement au plus beau des princes charmants en ce moment, mais il semble être en pleine bataille avec une horreur de couleur rouge sang et le bellâtre - le bel enfoiré surtout - ne trouve rien de mieux que de jeter la chose en plein sous mon nez et alors que la chose semble reprendre une forme un peu moins effrayante, mes yeux écarquillent et mon sourire s'agrandi alors que je pousse un petit cri hystérique. « UN LAPINOUUUU !! » Je ne fais même pas attention à ma prononciation, ni même au ton de ma voix rappelant vaguement celui d'un enfant et je me saisis de la dite créature, qui heureusement semble bien m'apprécier, avant d'entamer une lente caresse sur son pelage roux et blanc. J'entends ensuite mon blond d'amour - je vous l'assure, c'est l'effet des bourgeons - m'adresser la parole une fois de plus et peut-être même me questionner, mais je fais mine de ne pas avoir entendu et exhibe fièrement mon nouvel ami devant ses yeux ébahis. « Dit, dit, t'as vu comment l'est beau mon lapinou ? J'vais l'appeler Sulli ! » Je lui lance avec un énorme sourire avant de fouiller un peu l'endroit et me saisir immédiatement d'un gros copeau de bois qui se transforma immédiatement en une carotte que je tendis à mon petit Sulli. Je me décide finalement à reconsidérer Sullivan du regard, je me saisis de sa main et la positionne sur le pelage de Sulli pour le lui faire caresser. « Ce moment est parfait. » je lui lance avec le même grand sourire innocent.

OH PUTAIN. Je suis à deux doigts de détenir la clé de toute cette histoire foireuse. Je le sais parce qu’il commence à se confier, les pommettes colorées et les pulsations de son cœur battant un rythme effréné. Attendez mais, est-ce que si c’était simplement le fait de comprendre qu’il aime se faire emballer par des mecs il serait aussi gêné ? Ouais, c’est peut-être la honte qui accélère ses battements, la honte qui enflamme ses joues. Ça DOIT être la honte. Vas-y, dis-le. Mais non, ce foutu lapin de mes deux interrompt la révélation du boutonneux, et j’ai juste envie de le dépecer pour en faire un bonnet de fourrure et l’offrir à bobonne. SALOPERIE. Je suis tellement frustré que je l’attrape par la peau du cou avant de le balancer entre les jambes du gamin. Limite je boude, soupirant avant de me résoudre à engager la conversation sur un sujet plus neutre. Mais franchement, ça me fait pas super plaisir. Alors je continue de bouder comme un môme de cinq ans à qui on a refusé une glace, sursautant lorsque l’autre gueule comme un veau qu’un égorge. Mais ça va pas la tête ? Quoi, il n’a jamais vu de lapin de sa vie le pauvre garçon ? Merde, c’est sûrement les bourgeons, il est carrément en train de décoller pour le monde des Bisounours. « Attends, t’es Grosfarceur ou Grosbisou là ? » Ouais, je connais le nom des Bisounours, et alors ? Enfin pour le coup j’ai carrément réussi ma mission, il a totalement oublié le tonnerre qui continue de se faire entendre. Dommage, j’aurais bien aimé le tenir encore quelques minutes en position de faiblesse. Je pose mon coude sur mon genou, enfouissant ma joue dans la paume de ma main en observant le sorcier caresser le pelage de son nouvel ami comme un gosse dans une animalerie. J’aimerais bien être un lapin. OH, n’importe quoi moi ça va pas, faut vraiment qu’il arrête avec son petit air bêta et son sourire tout innocent d’imbécile heureux. WHAT ? Il veut l’appeler comme moi en plus, il est fiévreux le mec ? Il a fumé quoi ? Ah ouais c’est vrai … les bourgeons. Je repousse l’animal qu’il me colle sous le nez avec une grimace. Non parce que franchement, y’a aucune ressemblance entre ce lapin et moi. N’empêche, il vient de dire que son lapinou et beau et qu’il veut l’appeler Sulli, c’est une association entre moi et le fait d’être beau non ? Carrément. Mais pour mon image c’est pas possible, il peut pas faire un truc pareil. Je suis sur le point de le lui faire s’avoir quand il balance un truc qui a encore moins de sens que ses paroles précédentes, c’est pour vous dire la teneur en incompréhension de mon regard lorsqu’il se fixe dans ses yeux. Euh, il a déjà oublié que j’étais là, genre, en face de lui ? Parce que s’il s’en souvenait, il n’aurait pas dit ça, pas vrai ? Je suis tellement sous le choc que je me laisse docilement prendre la main pour caresser le lapin qui ronronne presque de plaisir, cessant toute réflexion pendant quelques secondes. C’est un peu comme si le joueur qui me contrôle me mettait en pause le temps d’aller bouffer un carré de chocolat, et y’a une espèce d’effroi qui me glace le sang. Et puis je me décontracte soudain en comprenant un truc. « Ça, c’est parce que t’es complètement défoncé. » Je lâche en souriant, genre trop soulagé d’avoir trouvé une réponse aussi logique à ce problème d’incohérence, lui tapant le haut du crâne du plat de ma main histoire de lui remettre les idées en place. Mais c’est quand même pas possible que ce moment soit parfait, même dans sa tête de gars défoncé, même s’il l’oublie demain. Parce que moi, je l’oublierai pas. Un moment parfait c’est fait pour être ruiné, piétiné, saccagé. Je peux pas faire partie d’un moment parfait. Alors je chope son lapin pour le coincer entre mes jambes, lui attrapant violemment le poignet en le tirant vers moi. « Je vois pas comment ce moment pourrait être parfait, étant donné que je suis coincé avec un pauvre abruti qui tient aussi bien la drogue que l’alcool et qui se pisse dessus au moindre coup de tonnerre. » L’orage retentit, un peu comme si c’était moi Zeus. Putain j’suis vraiment trop con, je fais n’importe quoi. « BOUM. » Je lui jette en pleine figure pour essayer de raviver un peu de sa peur, ruinant tous mes efforts pour tenter de le rassurer. « C'est quoi ton problème ? » Et c'est moi qui demande ça ... A un type que je viens de droguer. Je le relâche subitement, et non, la production ne m'a pas kidnappé d'un asile psychiatrique dans lequel j'étais enfermé pour troubles de dédoublement de la personnalité. Et je me tasse un peu sur moi-même en évitant son regard pendant que le lapin me mord la cuisse. BÂTARD.

Le blondinet semble me poser une question, mais je ne pense pas être en mesure de saisir avec certitude de quoi il s'agit, du coup je pose un doigt sur ma lèvre inférieure et lève les yeux au ciel dans un air pensif. Mon débat mental portant sur la meilleure réponse à lui fournir semble durer pendant une éternité, jusqu'à ce que je me décide finalement à choisir l'option numéro trois, à savoir un haussement des épaules accompagné d'un sourire. Parcontre, le type commence à bouder comme un gamin de trois ans et je trouve ça totalement ridicule - oui c'est moi qui pense ça - mais bien-évidemment je ne suis pas tellement en mesure de me moquer, je réponds même « Faut pas être jaloux de Sulli, j'vous aime gros comme ça tout les deux ! » et il fallait bien évidemment que je mette ma parole en spectacle: ouvrant grand les bras pour lui démontrer l'importance de cet amour - c'est décidé, une fois sorti de là j'me trouve une corde et j'me pends - mais le type n'a pas l'air de très bien prendre ma déclaration puisqu'il me retire Sulli des mains avant de m'attraper violemment au niveau des poignets en me tirant vers lui - il me fait mal le salopard - comble du comble, il se remet à jouer l'enfoiré. Je baisse tristement les yeux et je sursaute même en l'entendant faire « BOUM. » puis l'orage qui semble être revenu comme par magie dans mon esprit n'arrange rien à la situation. J'essuie d'un coup rapide les larmes qui commençait à se nicher dans mes yeux et lui reprends mon lapin captif prêt à le mordre une seconde fois, il ose dire que j'ai un problème en plus ? C'est lui le problème, s'acharnant à gâcher tous mes bons moments avec lui et me repousser violemment à chaque pas que je fais dans sa direction. « Si je l'ai appelé Sulli, c'est parce que vous êtes pareils. » je me remets à caresser le doux pelage du lapin que je regarde pour ne pas affronter son regard « Quand vous avez peur, vous faîtes en sorte de repousser les gens, c'est de l'auto-défense. » dis-je tristement en repensant au moment ou le lapin avait commencé à prendre une teinte rouge sang. Et puisqu'il n'a pas eu l'air de prendre mes paroles de tout à l'heure au sérieux, je cherche donc quelque chose de gentil à faire et c'est alors que mon regard se pose sur son horrible plaie. Je choppe donc un autre copeau de bois que je transforme en une petite plante de couleur violette, j'écrase la dite plante entre mes doigts fins puis je dépose le tout sur sa plaie que je commence à masser pendant une ou deux minutes- j'dois vraiment être défoncé pour pas hurler de dégoût là - « Et voilà, plus de bobo ! » lançai-je tout de même tristement en faisant un bisou dessus, maintenant que la blessure avait complètement disparu.

Il est carrément au paradis le type, limite il pourrait chier un arc-en-ciel que ça ne m’étonnerait même pas. Encore s’il ne m’avait pas impliqué dans sa virée chez les Bisounours, j’aurais tranquillement continué à me marrer en profitant un peu de son état secondaire. Mais il a fallu qu’il me balance ces conneries de moment parfait et d’amour gros comme ça. Et je crois que j’ai pigé ce que c’est son problème, le problème dont il a vainement tenté de se débarrasser en mêlant bobonne à l’histoire. Enfin j’y crois pas vraiment, parce que c’est légèrement IMPOSSIBLE, mais au cas où je lui jette à la gueule quelques petites saloperies, et je crois bien avoir réussi lorsqu’il sursaute en me regardant avec ses yeux humides. Non non pas ça, il va tout faire foirer le con. Je voulais pas qu’il prenne cet air triste et coupable moi, je voulais qu’il me frappe ou qu’il se casse en courant. Et puis finalement il tente d’expliquer mon comportement. Il ose me sortir un truc pareil le gars, comme s’il était mon nouveau psy. Un psy qui plane, c’est clair que tu peux lui faire confiance. D’ailleurs je me demande comment il fait pour être aussi lucide en étant aussi défoncé … Et puis je déteste ces cons de psys, ils s’imaginent te connaître après trois rendez-vous et décortiquent ton âme comme s’ils pelaient une orange. Ils te foutent à poil sur le plan émotionnel, le genre de trucs qui m’exaspère. Alors quand quelqu’un d’autre essaie de jouer ce rôle, ça m’agace. En plus il peut toujours causer le boutonneux, j’ai l’impression que c’est sa propre analyse qu’il est en train de faire mais je ne suis pas certain qu’il s’en rende compte. C’est pas moi qui me raidit à chaque fois qu’il me touche et qui lui tourne le dos dès qu’il se trouve à proximité. Ce qu’il ne fait plus là, d’ailleurs, c’est un peu comme si la situation venait subitement de s’inverser. Et ça me plaît pas du tout. Vraiment pas. « Genre j’ai peur de toi. » Je lâche dans un rire sec. La bonne blague. Sérieux, c’est n’importe quoi. C’est pas comme si c’était la première fois que je me retrouve coincé dans un tronc d’arbre avec un mec drogué qui me dit qu’il m’aime gros comme ça avant de me jouer la carte des yeux larmoyants. Si en fait, si. Je libère son poignet et continue de l’observer en silence, un peu distraitement, jusqu’à ce qu’il caresse mon pied. OH IL FAIT QUOI LA ? Ça devrait être interdit par la loi ça aussi, putain tout ce qu’il fait depuis que je lui ai filé ce bourgeon devrait être puni d’une peine d’emprisonnement. Si j’avais su, je l’aurais laissé crever de peur. Mais je ne le repousse pas. Parce qu’au fond j’en profite un peu, parce que de toute façon il n’en aura probablement aucun souvenir. Ouais après tout j’vois pas pourquoi j’angoisse comme ça, faut que j’arrête là, je crains. Je soupire en penchant la tête, mes pupilles braquées sur son visage concentré. En tout cas j’ai bien foiré mon coup, à croire que les effets de la drogue sont plus puissants que ma détermination à jouer les connards, parce que le monde des Bisounours persiste dans sa caboche. Il est tellement défoncé qu’il se permet même d’embrasser ma cheville, et le contact de ses lèvres m’arrache un frisson. Et il fait ça tout à fait naturellement, genre normal quoi. Putain, je crois que je vais succomber d’une crise cardiaque. Je me demande s’il n’essaie pas secrètement de me tuer pour se débarrasser d’un adversaire. Ou alors il a envie de se suicider mais il n’a pas les couilles de le faire lui-même alors il me provoque pour que je m’en charge. Parce que là, je suis tiraillé entre l’envie de m’enfuir à toutes jambes et celle de lui arracher le cœur. Et pourtant je l’oblige à relever la tête de mon index sous son menton, appuyant mon front contre le sien pendant que mes doigts quittent sa peau pour s’accrocher à sa nuque. « Merci. » Je souffle doucement, effleurant son nez du mien. « J’ai pas peur de toi tu sais. » De lui non. De ce qu’il fait, peut-être. De ce que je fais, sûrement. Mais c’est juste pour lui prouver vous voyez, que j’ai pas peur, un argument comme un autre. Pourtant c’est faux, il me fait flipper à mort. Quand il me regarde comme ça il me fait flipper à mort. Quand il dit des trucs insensés il me fait flipper à mort. Putain je flippe à mort en fait. Et j’ai rien trouvé de mieux à faire que me coller à lui. Ouais bravo mec, super plan. Alors je me détache subitement de lui comme il le fait habituellement, me redressant précipitamment. « Mais j’ai genre … » Vite, une excuse. « Un rendez-vous. » Super crédible, un rendez-vous dans le château ouais bien sûr. Avec la vieille à la limite, ça peut toujours passer. « Et puis t’as un nouvel ami pour te tenir compagnie maintenant. » Ouais hein, ouais. Alors je m’échappe à l’extérieur, manquant de peu de me casser la figure. De l’air frais putain, j’étouffe. Pourvu qu’il se remette pas à paniquer. Et puis quand bien même, j’en ai rien à foutre. De toute façon l’orage semble s’éloigner maintenant, les coups de tonnerre se faisant plus assourdis et plus brefs. Alors je m’éloigne limite en courant avant qu’il ne tente quoi que ce soit -comme hurler qu’il flippe, se mettre à pleurer pour de bon ou un truc mauvais pour ma santé-, les gouttes d’eau me giflant le visage. Et c’est seulement en arrivant à la lisière du bosquet que je commence à avoir mal aux pieds, encore. Merde, j’ai oublié mes chaussures, quel con.

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