Je me la joue petit chaperon rouge, fouillant le bosquet en cueillant quelques feuilles, fleurs et autres bizarreries que je fourre dans un sac à main fraîchement volé dans le dortoir des diamants. Côté viril on repassera, mais ce truc est une besace magique sans fond, bien pratique pour y cacher les trouvailles que je récupère. Je me sens bien là, dans mon élément, à examiner la flore sous toutes ses coutures en imaginant toutes les choses que je pourrais faire avec ces trucs. A peu près tout en fait, et je crois bien que c’est la première fois que j’ai une pensée positive pour la mémé. Mais ma tranquillité ne dure pas éternellement, mon odorat percevant la présence d’un autre candidat. La ventouse, si je ne me trompe pas, que je découvre quelques mètres plus loin, absorbée dans la contemplation d’un arbre. Je n’ai pas spécialement envie de l’approcher étant donné la tournure de notre dernière conversation, j’en ai ras le bol de me faire recouvrir d’un flot de reproches chaque fois qu’elle ouvre la bouche. Pourtant c’était mon objectif de départ, l’agacer profondément, mais ça ne s’est pas révélé aussi amusant que prévu. D’autant plus qu’elle a le nez collé à la mousse d’un Cocritus, mortelle pour quiconque en ingère une certaine quantité, aussi je l’imagine fantasmer sur mon décès. Je suis donc sur le point de m’éloigner dans la direction opposée, mais c’est sans compter l’espèce de renard à trois queues qui lorgne en direction de la silhouette distraite. Ce machin n’est pas plus grand qu’un caniche, mais presque plus hargneux qu’un loup-garou -surtout les femelles, un peu comme chez toutes les espèces vivantes de cette planète-. Le truc se prépare à bondir sur la ventouse, comme un taureau furieux devant lequel on agite une cape vermeille, et sa morsure c’est le genre de truc qui te paralyse pendant cinq minutes. En fait, il pourrait bien la bouffer sans qu’elle ne puisse lever le petit doigt. Je me tâte quelques secondes à intervenir, parce que la production ne laisserait probablement pas la candidate en si mauvaise posture. En plus y’a 25% de chances pour qu’elle se retourne au dernier moment et qu’elle s’en débarrasse d’un sort. Mais l’animal commence à avancer, aussi je cours dans sa direction avant de plaquer la ventouse au sol façon rugbyman, la créature passant au-dessus de nos corps avant de s’écraser contre l’arbre dans un petit couinement. Sauf que voilà, je viens de nous engluer dans cette fameuse boue magique qui résiste à trois douches dans laquelle ma forme animale a déjà traîné le boutonneux. Enfin surtout elle, allongée de tout son long au milieu de la matière visqueuse. Putain, comme si elle ne me détestait pas assez déjà comme ça. Attendez, non, elle a dit que ce n’était pas du mépris, du coup elle s’en fout un peu, non ? Ouais, pas sûr. Mais j’ai à peine le temps de plonger mes yeux dans les siens pour guetter sa réaction et anticiper un éventuel geste violent que l’espèce de renard difforme mord dans le sac dont je ne suis pas propriétaire pour l’emporter dans sa tanière. « Rends-moi ça connasse ! » Ouais parce que vu sa tronche furax, c’est forcément une femelle. Je gueule en tendant mon bras pour attraper la anse par-dessus la tête de la ventouse, l’étouffant probablement à moitié. Je tire de toutes mes forces, le sac s’éventrant dans la boue, permettant à la créature de se barrer avec la moitié de mon butin. Bordel ! Je suis carrément dégoûté, parce que ça fait bien deux heures que je sniffe la forêt pour y dénicher ces putains de plantes. J’aurais dû la laisser se faire bouffer le derrière, quel con. Et c’est toujours vautré sur elle, recouverte de boue magique, que je daigne finalement la regarder. « Passe-moi le sel ? » Ouais, c’est un peu le seul truc que je me suis autorisé à lui dire vous voyez.

Le temps se couvrait, les feuilles tombaient dans les brins d’herbe humides et les pieds couchaient ces derniers. Les gouttes de pluies qui s’étaient déposées sur le sol venaient s’infiltrer dans les chaussures mais l’air restait doux et l’atmosphère calme. L’orage était encore bien loin et la pluie créait une ambiance apaisante qui était douce pour les nerfs. Détente. Eukleia avait simplement besoin d’une putain de détente. Il fallait dire que l’aventure m’était ses nerfs à vif. Les candidats devenaient de plus en plus hargneux, certain de plus en plus débiles – à moins que cela ne soit sa patience qui ne tienne plus debout – et la pression des prochaines éliminations sentait bien trop fort. Puait, suintait. Elle avait besoin de s’éventer et de faire dégager cette odeur de défaite qu’elle haïssait au plus haut point. Elle voulait gagner, gagner, gagner. Seule la victoire était acceptable et au diable la participation. Eukleia n’était pas une faible. Elle devait donc ramener ses petites fesses en finale et hurler de tout son saoul quand le public l’aura choisi. L’ambition lui mangeait le cœur. Et altérait son calme. Elle avait fait quelques pas et ses pieds l’avaient lentement menée dans le bosquet déserté. Ce n’était pas pour lui déplaire. Petit pas par petit pas, elle pensait, pensait, pensait. La réflexion cheminait. Et elle se stoppait face à un Cocritus. Sa mousse mortelle le couvrait telle la carapace d’un animal. Elle se demandait si elle ne pourrait pas en prendre quelques petits morceaux histoire d’en utiliser pour des potions. Il fallait dire que ce genre d’arbre était assez rare et d’ailleurs très apprécié des herboristes adeptes de magie plus noire que blanche. Elle ne connaissait cependant pas la démarche pour arriver à créer une potion avec cette mousse. Elle soupira. Et son soupire se stoppa dans sa course. Pour s’écraser dans la boue. MERDE. C’était quoi ce délire ?! Pourquoi elle… Oh putain. Elle n’en croyait pas ses yeux. Ne me dites pas que c’est… ENCORE SULLIVAN. Elle comprit alors qu’elle venait d’être plongée dans une de ces boues impossible à enlever et que l’auteur de ce méfait n’était autre que cet abruti de Sullivan. Qui prononçait le mot ‘connasse.’ Il était sérieux là ? Il l’insultait alors qu’il venait de la foutre la tête la première dans un truc visqueux ?! Et il ressortait son histoire de sel. « MAIS C’EST QUOI TON PROBLEME PUTAIN ?! » Hurla-t-elle, hors d’elle. Elle le poussa sur le côté et vit la tronche de Sullivan s’écraser à son tour dans la boue. Ce gars était une plaie. UNE VERITABLE PLAIE. Elle aurait peut-être dû le laisser crever de son allergie. Il serait mort rouge et gonflé, et elle aurait pu jubiler. Eukleia avait pensé après ce soir-là, sur le toit, qu’elle pourrait peut-être oublier son animosité contre Sullivan mais il allait décidément de connerie en connerie et elle savait qu’une fois un passage sous la douche elle irait voir Cordelia pour qu’elles mettent réellement au point leur vengeance.

Et voilà, je le savais. Elle commence à hurler, tellement fort que le tigre en train de chanter sous la douche du deuxième étage l’a probablement entendue. C’est clair qu’à sa place, je me poserais de sérieuses questions, mais il lui suffit de regarder un peu autour d’elle pour capter que je suis un vrai héros. C’est fou quand même, comme j’arrive à l’excéder même quand je ne fais pas exprès, on devrait peut-être me donner une médaille pour ça. Mais en visualisant ma récompense, j’atterris à mon tour dans la boue, le côté gauche de mon visage s’imprégnant de la charmante mixture. BORDEL, est-c’est une raison pour me tartiner de cette merde ? Du coup je lui saute de nouveau dessus avant qu’elle n’ait le temps de se relever, emprisonnant ses poignets dans ma main gauche. « OH TU VAS TE CALMER OUI ? » Et là, je me demande si le sac qui vient d’être déchiqueté n’est pas à elle. Mais ce qu’il en reste est à moitié enterré sous la boue, aussi j’imagine qu’elle ne pourra pas l’identifier comme étant sa propriété, même si ça me semble relativement probable vu son caractère magique. Je la fixe sans ciller, comme pour la convaincre d’arrêter de gigoter. « Ce truc-là, il était sur le point de te bouffer le cul ! » Je rajouterais bien un truc sur ses fesses de baleine, mais je me retiens de justesse, préférant pointer un doigt accusateur en direction du renard à trois queues qui s’assoit comme un gentil toutou en me lançant un regard parfaitement innocent, l’autre moitié du sac dans la gueule. Oh le con, j’y crois pas qu’il me fasse un coup pareil. « Attends, tu crois vraiment que je t’aurais plaquée dans la boue comme ça ? Genre, pourquoi j’aurais fait un truc pareil ? » A part pour lui sauver la vie bien sûr. Non, je ne fais pas une fixation sur elle, genre le gars carrément obsédé par la ventouse qui s’obstine à la coller malgré ses paroles déplaisantes. « J’ai pigé que tu voulais pas me parler, ok ? Et crois-moi je préfère encore te laisser tranquille que de t’entendre me gueuler dessus comme une poissonnière. » Putain c’est quand même pas de ma faute s’il nous arrive toujours des merdes quand on est ensemble, si ? Je la lâche finalement en roulant sur le côté, le dos dans la boue –au point où j’en suis. « Dans les Disney les princes sont vachement mieux récompensés … » Ouais franchement, les temps ont bien changé. Remarque, la vilaine sorcière n’a jamais été sympa avec le prince charmant.

Elle voulait se relever, se casser et filer sous une douche brûlante et ne plus croiser Sullivan de la soirée. Mais ce dernier lui attrapait les poignets, la tenant dans la boue et lui hurlant dessus comme à un gamin de cinq ans qui fait une crise pour regarder la télé. Oooh mais il se prenait pour qui ?! Il pointait désormais une bestiole franchement bizarre avec un museau qui ressemblait à ceux des renards et… quatre queues, en insinuant qu’il l’avait sauvé de cette bête-là qui semblait pourtant tout à fait inoffensive. Elle secoua la tête et ses cheveux imbibés de boue vinrent se coller à son visage. Et elle ne pouvait même pas les en retirer vu que Sullivan tenait ses poignets. « Oh tu vas pas me dire que cette bestiole aurait pu me faire mal. Lâche mes poignets. » Elle aurait préféré être bouffée par le renard à quatre queues plutôt que de subir une des crises de super-héros de Sullivan. Il demandait, en haussant toujours la voix comme s’il voulait montrer qui était l’homme du château – raté, ça ne marchait pas vraiment – pourquoi il aurait voulu la plaquer dans la boue. « Et la Tequila c’était pour me sauver de la bestiole de l’ombre qui en voulait à mes seins ? Sans rire. » Elle affichait un regard plein d’énervement. Elle en pouvait plus de gars-là. Elle se demandait bien pourquoi il fallait toujours qu’il se trouve dans les parages quand un renard voulait lui bouffer les fesses, quand elle était chaude comme la braise à trois du mat’, ou quand la rambarde d’un balcon capricieux s’évaporait en risquant de la faire tomber. « Généralement, les princes dans les Disney ont pas une brosse à dent usée sur la tête en guise de coiffure. Ca fait la différence. Et puis, ils évitent aussi de pousser les princesses dans une mare de boue, tu vois ce que je veux dire ? » C’était vrai ça, qu’est-ce qui lui était passé par la tête ?! Il n’aurait pas pu la reculer, ou seulement faire fuir l’animal ? Non, non, il avait fallu qu’il la jette la tête la première dans un truc visqueux en s’écrasant sur son dos, genre position bizarre. A croire que ce gars n’apportait que des ennuis. Elle se demandait bien pourquoi la production avait accepté de faire rentrer un tel cas social dans l’émission. Les bains de boue et les coupes style balai de chiotte excitaient peut-être la Vieille Peau. « Ils sont du genre à se battre contre des dragons en en ressortant sans une égratignure, pas à gonfler comme une framboise pleine d’urticaire quand ils croisent la route de malheureux insectes. » Ok, c'était un peu petit de ressortir cette histoire, m'enfin elle n'avait pas pu s'en empêcher. Elle tenta de se relever mais ses pieds glissèrent dans la boue et elle s’écrasa contre le torse de Sullivan. Il allait encore croire qu’elle faisait ça pour le chauffer, elle en était persuadée. Elle se fit glisser sur le côté. « Saleté de boue. Tu ne pouvais pas nous catapulter autre part ? Aide moi à en sortir, s'il te plait. » Elle avait fait l'effort du s'il te plait, il ne pouvait quand même pas le lui refuser.

Evidemment elle ne me croit pas, la créature a l'air aussi innocent que le boutonneux en plein orage. Mais je reconnais qu'elle marque un point avec l'histoire de la Tequila, sauf qu'elle a bien compris que ce n'était rien d'autre qu'une plaisanterie. Faut vraiment qu'elle prenne un Forlax pour se détendre la ventouse. Elle m'enchaîne, comme d'habitude, et cette salope s’en prend même à mon allergie, pour être un coup bas, c’en est un beau. « Ah parce que t’as cru que t’étais la princesse ? J’ai jamais vu une princesse aux lèvres bouffies et aux dents de lapin qui écarte les cuisses au premier rencard. » Non mais attendez, elle a insulté mes cheveux là quand même, à croire qu’elles se sont passé le mot avec bobonne. J’ai peut-être réussi à semer la discorde entre la folle du cul et la princesse, mais je suis à peu près certain que la haine commune de ces deux pestes envers moi est susceptible de les rapprocher. Et ça, c’est pas bon. « T’es plutôt l’horrible sorcière qui passe sa vie à mener la vie dure au prince charmant. » Et puis la sorcière veut toujours se taper le prince, comme elle. Et je lui jette un peu de boue qui atterrit sur sa cuisse. Putain c’est dingue, on a l’air de deux gamins de primaire qui se disputent dans la cour de récréation. J’en reviens toujours pas qu’elle s’en soit pris à mon allergie, et je ne regrette même plus d’avoir insulté son père sur le coup. « Genre t’es parfaite toi peut-être, t’as AUCUN défaut c’est clair. » Ca ne saute pas aux yeux, qu’on se le dise. Parce que franchement, vu comment elle glisse lamentablement dans la boue pour venir s’écraser sur moi, on pourrait par exemple penser qu’elle a quelques difficultés motrices. « Oh, excuse-moi de ne pas avoir chié un coussin de nuages avant de t’avoir sauvé la vie. » Non mais sérieusement, elle me les brise là. Elle ne peut pas se contenter de dire ‘merci’ ? Je soupire avant de me relever, la soulevant en glissant une main sous ses genoux et l’autre autour de ses épaules, comme la princesse qu’elle n’est pas. Ouais, elle n’a pas précisé comment j’étais censé la faire sortir de là, mais j’ai pas d’autres idées qui me viennent. Arrivée sur l’herbe je la fais redescendre doucement –même si la lâcher subitement pour qu’elle s’écrase comme une crêpe me démange sérieusement-, examinant sa silhouette recouverte de boue. Et je me mets à rire, me foutant carrément de sa gueule, mais j’imagine que je ne suis pas mieux qu’elle. En fait c’est plutôt la situation qui me fait marrer, c’est carrément le truc le plus ridicule qui me soit arrivé –même si j’avoue que le coup de la piqûre était assez minable-. Et puis je remarque qu’elle lance un regard bizarre derrière mon épaule, et je me dis qu’elle essaie probablement de me faire le coup du ‘oh merde y’a un fantôme dans ton dos’ pour avoir le temps de me coller une grosse tarte dans la gueule. Mais en fait, elle n’a pas besoin de distraction pour ça, aussi je fais volte-face juste à temps pour attraper le museau du renard à trois queues qui se jette sur moi. Avec le bec cloué il fait bien moins le malin, et je le cale entre mes jambes pour qu’il arrête de bouger, le forçant à ouvrir la gueule devant la ventouse avec mes mains. « Huit centimètres de longs. » Je touche rapidement sa canine avec mon index. « Venin paralysant. » Je relève mes yeux vers elle. « Pas gentil du tout. » Et je relâche l’animal qui reste coincé entre mes jambes, le bout de sac toujours dans la gueule. « T'as pas un truc à me dire ? » Sait-on jamais, que l'idée saugrenue de me remercier lui traverse l'esprit.

Il était en train de la comparer ELLE a la sorcière qui passait sa vie à mener la vie dure au prince charmant ? Il était sérieux ? Ce n’était pas elle qui passait son temps à lui faire des coups de pute par derrière, comme en lui jetant de la Tequila dans le décolleté – mais cela n’allait pas tarder à arriver, si vous voulez mon avis. Il était quand même franchement gonflé. « Je voudrais bien savoir ce que je fais pour mener la vie rude à ce pauvre petit Prince. Je lui envoie un poisson sur la cuisse qui viendra la brûler ? Je parle de son père comme d’un violeur d’enfant ? Je le laisse en plan dans une cuisine après l’avoir chauffé ? Je lui verse de la Tequila sur le tee-shirt en ajoutant du sel dans ses yeux et des rondelles de citron dans ses cheveux ? Je le jette dans une mare de boue ? » Ouais, autant mettre les choses au clair dès maintenant, qu’il se rende compte du chieur qu’il pouvait bien être. Et qu’il était le plus souvent. Elle ne préféra pas relever sa provocation quand il insinuait qu’elle n’était pas parfaite. Ok, elle ne l’était pas, mais elle en venait à faire chier les autres constamment parce qu’elle avait un problème avec sa propre personnalité. Elle ferait peut-être mieux de payer des consultations chez le psy à ce pauvre Sullivan qui avait sûrement eut des problèmes dans son enfance qu’il voulait évacuer en emmerdant le plus de monde possible. Elle était presque sûre qu’il était le souffre-douleur de la récré quand il était gamin. Cela ne pouvait être que cela. Ou alors était-il ce genre d’enfant pourri gâté qui, une fois adulte, continue à se comporter comme tel. L’adulte-complexé semblait vouloir montrer encore une fois qu’il était un Prince Charmant et la prenait même dans la position d’une véritable princesse pour le sortir de la boue. C’était un peu bizarre comme manière de la relever, mais au moins elle n’avait aucun effort à faire, c’était déjà ça. Lorsqu’elle posa les pieds à terre et qu’elle vit Sullivan éclater de rire, elle comprit qu’elle devait être dans un état catastrophique. Elle espérait au moins ne pas en être au stade du gars en face d’elle, parce que c’était clairement une horreur. Elle grimaça. Elle allait lui faire comprendre que son apparence n’était sûrement pas mieux que la sienne, mais elle n’en eut pas le temps. Elle aperçut le renard bizarre en train de sauter sur Sullivan avec des yeux qui semblaient vouloir dire : ‘je vais te planter mes dents dans tes fesses si fort que celui qui réussira à les retirer sera appelé le Roi Arthur’ ( hj : cf, What the cut ) . Elle vit soudain le gars faire volte-face et attraper l’animal qu’il coinça entre ses jambes. Il avait raison, c’était l’endroit sur son corps où il y avait le moins de matière à croquer était donné le minuscule outil qui s’y trouvait. Eukle grimaça un peu plus quand il lui montra les crocs de la bestiole et qu’il lui expliqua ses propriétés. Elle avait peut-être échappé à une mort atroce : bouffée par un renard à quatre queues (ce qui, entre nous, aurait été franchement ridicule). Elle n’aimait cependant pas trop la manière dont Sullivan lui parler : phrases courtes comme à une pauvre demeurée. Elle se renfrogna quelque peu. Merde alors, elle allait devoir le remercier en plus. « Ouais. Merci. » Aïe. Ce mot-là prononcé pour un gars comme Sullivan venait lui écorcher la langue et elle ressentait presque la douleur. « Putain, je suis dans un état lamentable » dit-elle ensuite, comme pour faire passer le goût amer du remerciement. Ou pour en rajouter un sous-entendu et tout aussi amer. Genre : merci de m’avoir transformée en femme de boue devant des milliers de téléspectateur. « Heu, tu comptes faire quoi de cette bestiole ridicule ? » c’était vrai quoi, on savait qu’avoir quelque chose entre les jambes lui manquait mais il n’allait pas garder un renard à quatre queues éternellement entre ses cuisses.

Ouais c’est vrai elle marque un point : je suis un vrai connard. Eh, grande nouvelle les gens ! Je me demande juste comment elle a su que c’était moi pour le poisson, parce que je lui ai simplement avoué l’avoir trompée sur la nature de la bestiole et non être responsable de son attaque. En même temps, après un mois passé en ma compagnie elle l’a sûrement déduit seule. Sauf qu’elle a failli me tuer vous voyez, et pour moi ça commence largement la somme des petites misères que j’ai pu lui faire. Quoiqu’en fait, rien n’est moins certain. Du coup je me sens tout de suite moins énervé, me laissant bercer par le doux souvenir de la ventouse en position de faiblesse. C’était quand même drôle … Bref, je n’ai pas franchement le temps de continuer notre petite partie de ping pong verbal, parce que le renard revient à l’attaque. Et finalement, la ventouse me remercie. Le truc le plus incroyable c’est que ça ne la tue pas vous voyez, elle est toujours en vie. C’est dingue. J’ai bien envie de rajouter un truc pour l’agacer, mais je ferme mon clapet en hochant simplement la tête lorsqu’elle fait remarquer son état pitoyable. « Bah au moins tu t’es jamais ennuyée avec moi tu vois, ce serait trop la mort sans poisson qui vient te brûler, sans balcon qui essaie de te tuer, sans bain de boue, sans statue à décorer avec du chocolat … » Genre ouais quoi, en fait je lui rends plutôt un fier service. Et puis elle m’interroge sur la bestiole, que j’avais déjà presque oubliée. « Je sais pas, j’avais pensé à t’en faire un beau manteau de fourrure pour me faire pardonner. » Je lui lance un regard interrogateur du genre ‘ça t’intéresse ?’, mais je laisse quand même la bestiole s’échapper en desserrant mon étreinte. Elle se carapate sans demander son reste, nous laissant de nouveau seul, en tête à tête. Chouette … Y’a pas une autre bébête affamée dans le coin ? Du coup je me tourner vers la mare de boue avant de m’agenouiller pour récupérer la moitié de sac qui contient toujours mes plantes. Je fouille à l’intérieur, faisant le compte des ingrédients qu’il me reste. Et finalement, je lève la tête vers la ventouse. « Tu préfères peut-être que je te lise ton avenir. » Je hausse un sourcil d'un air énigmatique en brandissant une branche tordue aux feuilles bleues. Ça provient d’un arbuste de magicien, et ma tante sorcière par alliance me fascinait avec ça quand j’étais petit. Il suffit de frotter la paume de la main pour que ça fasse apparaître différentes lignes de couleur, les lignes magiques. Le reste est histoire d’interprétation, et ça tombe bien je suis l’homme de la situation. Enfin ça sert surtout à préparer une potion de vérité, mais j'en ai trois autres glissées au fond du sac alors je peux bien faire le sacrifice. Après on peut toujours continuer à se rouler dans la boue, je dis ça pour faire passer le temps, et puis les nanas aiment bien ce genre de trucs d’habitude.

Spoiler:

Il n’avait pas franchement tort. Il était vrai que les moments où elle s’était trouvé en sa – fâcheuse – compagnie, elle n’avait pas eu le temps de s’ennuyer. Elle ne pouvait pas en dire autant de tous les candidats de cette étrange télé-réalité, ni même de tous les instants passés au château qui n’étaient généralement que des bouts d’ennui accrochés les uns aux autres, comme si l’issue inévitable n’était que là. Elle soupira. Mais ne vous y méprenez, il était certain qu’elle n’en gardait pas moins de rancune concernant tout ce que Sullivan lui avait fait subir. Si elle concevait assez facilement qu’avec lui elle ne s’était jamais ennuyée, il était sûr qu’elle voulait bien lui montrer un de ces quarts qu’on ne s’attaquait pas ainsi à une sorcière comme elle. Elle grimaça et déclina l’offre de Sullivan concernant une fourrure de cet animal dégoutant par un : « Heu, je crois que je m’en passerais. » compréhensible. Qui aurait envie de se vêtir d’un truc comme ça ? La bestiole filait déjà entre les arbres et les feuilles, ses petites pattes faisant des marques dans la terre humide de la forêt. Elle espérait qu’aucune autre bête n’en voulait à ses fesses. Elle préférait amplement voir Sullivan se faire croquer le postérieur. Bref. Qu’est-ce qu’il faisait au juste ? Il semblait redemander du bain de boue et plongeait sa main dans la mare dégoutante, pour en sortir un… un quoi au juste ? « Sullivan, c’est quoi ce truc ? » Il lui proposait alors de lui lire son avenir. « Quoi ? Tu veux me lire mon avenir dans cette… mais ce sont les excréments de la bestiole au venin ? Mais pose ça, bordel. » Quoiqu’à y regarder de plus près, cela ressemblait plus à… une moitié de sac. Ouais, ça devait être ça. « C’est un sac ? » Elle regarda, en se restant éloignée, ce qu’elle pouvait voir à l’intérieur et elle se mit à rire. « Oooooooooooh, mais le petit Sullivan était allé ramasser des bran-branches ? Comme c’est mignon. » Ouais, elle abusait un peu de continuer à entretenir ce jeu de je-te-jette-des-piques-et-j ’aime-ça. Et puis, elle comprit ce que lui proposait Sullivan. C’était franchement ridicule, comment pouvait-il croire qu’un petit loup d’opérette y comprendrait quelque chose en sorcellerie ou en divination ? Elle secoua la tête. « Je doute que tu ais les capacités de pratiquer la divination. C’est réservé aux sorciers, au cas où tu le saches pas. Sauf si tu veux me faire un petit tour de magie digne d’un humain qui sort les crocs à la pleine lune. » Elle ne pensait pas que cela puisse aller plus loin. Elle trouvait même parfaitement prétentieux que Sullivan tente de s’exercer à la divination.

Spoiler:

Ça va pas de panique, je n’ai pas l’intention de ramasser la merde du renard, elle me prend pour qui ? Je n’aurais qu’à engager le boutonneux pour ça, étant donné ses fringues du second prime il a l’attirail adéquat. Enfin je me demande quand même si elle n’a pas un peu de boue dans les yeux la pauvre, vu qu’elle confond un sac qui lui appartient probablement avec de la bouse de bestiole, mais elle rectifie finalement l’erreur. « Ouais, à la base c’est un sac vert caca doigt assez moche, mais il est sans fond alors bon … » Et finalement, elle penche le nez à l’intérieur avant de s’esclaffer. Salope. En fait ça m’amuse de la voir se marrer, parce qu’elle ignore probablement tout ce que je peux faire avec ça, aussi ça m’arrange presque de la voir si méprisante à l’égard de ma cueillette. Si elle ne réalise pas l’étendue des dommages que je peux causer avec ça, tant mieux pour moi. « J’aime bien arracher les feu-feuilles quand je m’ennuie, et après je les fais sécher et je les mets dans un joli cahier. » Je déclare avec un grand sourire, comme un gamin de cinq ans super fier de collectionner les différentes espèces de feuilles. Et j’agite ma branche pour la décider à accepter ma proposition, ce qu’elle a l’air de prendre comme une offense. Carrément. Elle n’a pas l’air de croire que je sois capable de faire un truc comme lui lire les lignes de la main, genre c’est réservé aux vieilles sorcières de son espèce. Visiblement, elle ne connaît pas toutes les utilisations de la magie, étant donné qu’elles sont infinies je veux bien lui pardonner. Je me contente de sourire en attrapant son poignet, essuyant sa main boueuse sur un coin de mon t-shirt épargné par les éclaboussures. Je fronce les yeux, grattant doucement sa paume avec la branche pendant quelques secondes sans que rien ne se produise. Merde, pourtant je suis sûr que c’était cet arbuste … Mais finalement, des lignes lumineuses apparaissent au creux de sa main, six traits qui ne suivent pas ceux que l’on peut distinguer à l’œil nu et dont se chargent les simples humains. Ce qui prouve bien que ce sont tous des charlatans. Mon sourire se renforce et je bombe limite le torse avant de me replonger dans mon œuvre. « Je vois de la célébrité, même après ce jeu, qui dure longtemps. » Je marmonne en caressant une ligne jaune. « De l’argent et … Oh mon dieu ! » Je m’exclame soudain, écarquillant les yeux en relevant le nez. « Tu vas mourir d’une septicémie à cause de tes lèvres, qui vont finir par s’infecter ! » J’éclate de rire pendant que ses doigts m’échappent, puis je reprends une mine sérieuse. « Non c’est bon je plaisante redonne la moi, je sais vraiment les lire, c'est ma tante qui m'a appris. Certains recoins de la magie sont accessibles même aux plus parfaits abrutis tels que moi, il suffit de savoir comment s'en servir. » Mais elle l'a sans doute remarqué, étant donné les couleurs qui s'entremêlent sur sa main. Avec les bons outils magiques un loup-garou peut se transformer en Madame Irma, mais c'est vrai que ça aide que le sujet soit lui-même un sorcier. « Tu sais, on peut aussi déduire certaines choses du passé là-dedans. » Je dis comme si j'avais eu le temps d'apercevoir un truc à ce sujet.

Sullivan semble vouloir jouer le jeu en répondant à la remarque un peu vexante d’Eukleia. Cette dernière retint un petit sourire en entendant le ton enfantin d’un loup qui passait son temps à jouer au prétentieux. « Oh c’est bien, Sulili. T’auras une gommette. » Lança-t-elle, à son tour, en faisant mine de parler à un enfant de cinq ans. Mais qu’est-ce qu’il comptait lui faire faire en agitant sa branche devant son nez ? C’était une alerte ou quoi ? Sullivan semblait bien décidé à lire faire à Eukle une petite démonstration de divination et cela avait le don d’exaspérer la sorcière qui détestait qu’un individu d’une autre race ose essayer de s’attaquer à un art magique. Pourtant, aussi embêtant qu’un enfant, il paraissait impossible de le dissuader de renoncer à faire son petit show, genre magicien de fête foraine. Elle ne rechigna donc pas tant que ça quand il lui attrapa la main mais leva tout de même les yeux au ciel pour montrer son exaspération. Il commença à frotter la branche contre sa main, genre ridicule. Elle fut incroyablement surprise de remarquer que des lignes lumineuses apparaissaient dans sa main. C’était impossible que cela soit du au simple fait que Sullivan, un simple loup-garou ne l’oublions pas, ait agité une branche d’arbre sur sa paume de main. Elle se dit alors que cela devait être en raison de ses propres pouvoirs magiques qui avaient dû faciliter le passage des ondes de divination. Elle soupira quand elle l’entendit cependant débiter des conneries, comme s’il pouvait réellement lire l’avenir. Lorsqu’elle l’entendit parler une nouvelle fois de ses lèvres en prévoyant une catastrophe pour son visage. Elle retira sa main assez violemment. « Waah, impressionnant, aussi intéressant que les prévisions de ces humains charlatans qui se disent voyants. Bon, si t’as pas mieux, salut. » Elle voulait décamper et vite, mais il repartait déjà la charge et elle comprit qu’il était du genre à la suivre partout comme un toutou – qu’il était… - si jamais elle refusait d’en voir plus concernant ses ‘exploits’. Elle prit une moue ennuyée et tendit sa main. « Tu as… deux minutes. » Mais, qu’est-ce qu’il avait derrière la tête le gros loup en parlant du passé ? Merde alors, si elle avait vraiment cru qu’il pouvait voir quoique ce soit, elle aurait retiré sa main. Mais ce gars était aussi inutile qu’une chaussette pleine de boue. Et les choses qu’Eukle préférait garder concernant sa vie passée resteraient cachées.

Elle est particulièrement sceptique concernant mes capacités à dompter la magie, et à sa place je tirerais probablement la même tronche crispée. C’est certain que peu de gens parierait un doigt sur Sullivan et les arts divinatoires. On raconterait plus cette histoire pour faire rire. Et pourtant … pourtant je suis parfaitement capable de lire les lignes d’une main de sorcière, les siennes en l’occurrence. J’ai bien peur qu’elle s’échappe suite à mon discours rempli de conneries –pour changer-, et de ne pas pouvoir explorer plus loin la piste que j’ai distinguée sur la courbe verte qui part de son pouce jusqu’à son annulaire. D’ailleurs elle esquisse un geste de départ en crachant sur ma prestation digne des humains à la boule de cristal. Mais finalement elle se ravise, interpellée par mon allusion à son passé. J’aurais cru que ça la ferait fuir davantage, qu’elle aurait craint que je puisse accéder si facilement à ses souvenirs, aussi je ne sais pas vraiment comment interpréter ce geste. Est-ce qu’elle est tellement convaincue que je raconte des inepties qu’elle est prête à prendre le risque ? Est-ce qu’elle cherche inconsciemment à partager ces éléments avec moi ? Est-ce qu’elle s’imagine que ce ne seront que des informations innocentes ? Parce que si je les vois, gravées dans la paume de sa main, c’est que ça l’a marquée, forgée, que c’est assez fort pour influencer sa personnalité et son avenir. Mais elle n’a pas besoin de savoir tout ça, n’est-ce pas ? Aussi je ne me fais pas prier pour reprendre son poignet entres mes doigts, suivant la ligne qui m’intéresse du bout de mon index. Je caresse doucement la peau, plongeant mon regard bleu dans le vert. Elle est longue, entrecoupée, incertaine, fourchue à plusieurs endroits. « Si t’es ici c’est à cause d’eux. » Je relève la tête pour capter son regard, tenant fermement sa main pour ne pas qu’elle m’échappe. « Tes parents. » BAM, j’ai lancé la bombe. Mais je ne lui en dis pas plus. Parce qu’en fait, je n’en sais pas plus. Je comprends juste qu’ils ont joué un grand rôle sur sa participation, sur son air de dure à cuire prête à te fermer le clapet à coup de magie si tu l’emmerdes. La famille, c’est tout ce que j’ai vu. Et je crois bien qu’avec mon histoire de viol, je ne suis pas tombé loin. Peut-être même en plein milieu. Merde, ça craint. En fait je suis incapable de dire si c’est quelque chose de positif ou de négatif, mais étant donné sa réaction sur le balcon, je m’aventurerais plutôt sur le deuxième chemin. « Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ? » Je lui demande, mon étreinte toujours ferme sur sa peau. J'y vais un peu au bluff, guettant sa réaction.

Elle ne savait pas pourquoi elle avait accepté. Une chose était sûre cela allait s’avérer être une mauvaise idée. Une très mauvaise idée. Elle soupira. Il plongeait limite son nez dans sa paume main, en profitant pour toucher sa douche peau – qui devait lui rappeler des bons souvenirs et peut être même lui évoquer des regrets. Il devait culpabiliser un peu de l’avoir laissé en plan dans la cuisine, c’est cette peau-là, sinon, qu’il aurait pu toucher pendant un plus long instant. Elle allait retirer sa main, presque exaspérée et sentant la boue sécher sur son corps d’une manière tout à fait désagréable. Une seule chose l’obnubilait à ce moment-là : aller se doucher. Mais cette idée fut bientôt balayée par l’affirmation prononcée par Sullivan. Il la regardait droit dans les yeux, comme sûr de lui. Comment ça cela était dû à ses parents ? Comment ce petit con pouvait penser pouvoir connaître quelque chose la concernant ! Comment pouvait-il faire mine de comprendre la manière dont elle fonctionnait ?! Comment pouvait-il ne serait-ce que croire qu’il avait en main les raisons de sa candidature pour Golden Valor ? Elle fulminait. Elle retira sa main violemment. Il bluffait. C’était sûr. Un abruti pareil n’était pas capable de lire correctement les lignes de mains. Et il osait demander des précisions en plus. Quel con. Entre ça et ses allusions à quelques histoires de viol, il avait réellement décidé de l’énerver. A croire qu’il faisait réellement tout pour qu’elle le déteste. « Très impressionnant encore une fois. » dit-elle, avec un sourire moqueur qui tournait vers le mépris, cette fois ci. « Tu es ridicule, mon pauvre Sullivan. Il n’y a pas besoin de voir des problèmes familiaux à tous les comportements sous prétexte que tes parents t’ont traumatisé en ancrant cette coiffure débile dans tes cheveux qui a du te valoir pas mal de moqueries. L'idée était bonne, mais il va falloir perfectionner ton jeu, si tu veux devenir charlatan professionnel. » Elle était ridicule sa coiffure fallait le dire. Elle en avait marre de lui. « Je me casse » lança-t-elle. Mais, bien sûr, Sullivan était chieur en chef, cela n’allait pas être si facile d’arriver à sortir de cette conversation des plus médiocres. Elle avait comme une envie de lui déboîter l’épaule ou de lui faire manger ses testicules. Mais certaines personnes disent qu’il vaut mieux refouler ses envies par moment. Lui frapper la tête contre un arbre ou épiler un à un ses cheveux dégueu n’étaient pas non plus correct. Elle se retourna, prête à déguerpir avant de ne perdre ses bonnes résolutions.

Elle arrache presque sa main de la mienne, et en me plongeant dans son regard agacé et troublé je sais que j’ai tiré sur une corde sensible. Elle ne s’en rend probablement pas compte, mais son langage corporel est plus révélateur que n’importe quel mot. J’ai bien envie de continuer, de tirer davantage, de l’arracher même, mais la sorcière ne semble pas d’accord. Parce qu’elle recommence à s’attaquer à moi et à mes pauvres cheveux. Je me contente de croiser mes bras sur mon torse pour laisser passer l’orage, comme un psychiatre qui observe se patiente complètement folle. C’est un peu ça en fait, parce qu’elle fait une nouvelle crise d’hystérie pour une raison qui m’échappe totalement. Enfin si, c’est juste qu’elle est vexée que j’ai pu en voir autant dans les lignes de sa main, parce que je suis un homme de Neandertal et que cette faculté m’échappe. DOIT m’échapper, sinon ça signifie que je suis doué d’intelligence et c’est inacceptable. C’est à peu près ça qui se passe dans sa tête, non ? « Ma coiffure n’avait pas l’air de te déranger quand tu voulais te faire baiser dans la cuisine. » Je fais exprès d’être cru, juste pour enfoncer davantage le couteau dans la plaie. Qui cherche trouve. « T’en as pas marre de passer ton temps à m’insulter sans raison ? Je sais pas, tu pourrais éventuellement te fatiguer. Si ça arrive on pourra peut-être parler comme deux grandes personnes un jour. » Enfin, pas comme un couple sur le point de divorcer quoi. Elle esquisse même un geste pour se casser, qu’elle fasse donc je ne vais pas la retenir parce que pour une fois, je n’ai absolument rien à me reprocher. Enfin, elle a plutôt intérêt à faire gaffe au renard à trois queues qui rode toujours à proximité, et qui ne doit pas franchement exulter d’avoir été maltraité de la sorte. « Tu devrais pas le cacher ou en avoir honte. » Je fais juste remarquer avant qu’elle ne me plante là pour de bon, avec ma moitié de sac pleine de boue et mes ingrédients magiques. J'espère sérieusement qu'elle est déjà allée consulter, parce que son truc ça a l'air d'être du lourd, vu l'état dans lequel elle s'est mis les deux fois où j'ai abordé le sujet.

Elle se trahissait. Elle se trahissait en s’énervant, en montrant que ses paroles l’avaient touché. Et c’était une mauvaise chose. Il était hors de question que qui que ce soit, dans ce château, pensent pouvoir la comprendre en connaissait des éléments de son passé. Elle savait que c’était un de ses points faibles, une des choses qui pouvaient la déstabiliser, lui faire perdre de vue certains de ses objectifs. Car le mal être était ancré. Il était là, bien vivant, mais dormait en silence au creux de sa poitrine. La bête n’attendait que d’être réveillée. Elle ouvrait un œil, par moment et Eukleia bondissait. La colère l’emplissait. Et la sorcière détestait être à ce point victime de ses émotions. Victime de choses passées qu’elle tente de détruire. Détruire par une force qu’on décuple chaque jour en soulevant des altères ou en s’entraînant à jeter des sorts. Détruire cette faiblesse, en mimant une force intérieure que Sullivan savait désormais comment ébranler. Il croyait lui faire quelque chose en parlant de l’épisode baise-ratée dans la cuisine, mais en cet instant elle s’en contre foutait. Elle ne pensait qu’à retenir ses pulsions pour ne pas l’envoyer valser contre un arbre et lui découper la cervelle en morceau tandis qu’il haussait le ton en prônant des mots comme ‘parler comme deux adultes’. La belle blague. Comme si ce gars-là se comportait comme tel. Il était l’enfant le plus imbécile dans un corps d’adulte qu’elle connaissait. Alors qu’il prononçait le mot honte, Eukleia serra ses poings, si fort qu’on pouvait voir les jointures de ses doigts devenir rouges. Il s’avançait sur un territoire qu’il n’aurait pas dû franchir. Il allait le regretter, parce qu’elle n’arriverait pas longtemps à retenir ses pulsions. Seules ses émotions commandaient dans ces instants-là. Et elles n’étaient pas belles à voir. Elle ne répondit même pas, ne se retourna pas. Elle s’avait qu’elle laisserait exploser sa colère si elle devait encore entendre un mot sortir de la bouche de cet imbécile qui pensait tout savoir. Non, ce qu’elle avait vécu n’était pas ce que tout le monde qualifierait d’horrible. Non, elle n’avait pas été violée. Non, elle n’avait pas vécu dans la rue. Non, elle n’avait pas connu ni la guerre ni la misère. Mais si son enfance, son adolescence, avaient réussi à créer cette bête hargneuse au creux de sa poitrine, une raison réelle pouvait être pointée du doigt. Et elle refusait que qui que ce soit puisse s’en servir contre elle. Les plaies étaient encore vives. Elle s’éloigna en silence, serrant ses mains pour essayer de contrôler sa colère.

terminé.