Le prime terminé, on nous a sommé de monter dans un navire. Imposant, élégant, mais visiblement pas si accueillant à l'intérieur. Chacun est désormais libre de visiter le bateau. Pour ma part, j'ai préféré laisser l'agitation se faire sans moi, et suis partie piquer une tête dans l'océan noir. Là-bas, j'y ai rencontré une jeune femme, Raisie. Une vampirette étonnante avec laquelle j'ai bien accroché. Pour l'heure, j'ai dû attendre un certain temps assez long avant que mes écailles ne sèchent et reprennent forme humaine. J'ai des fourmis partout dans les jambes, cette sensation désagréable me picote partout et je ne peux m'empêcher de me trémousser dans tous les sens pour faire partir cette douleur qui n'en est pas vraiment une. Maintenant que chacun a pris ses aises et se familiarise peu à peu avec l'endroit, le groupe devrait s'être dispersé. Je lis sur la porte des cabines que celles-ci ne sont pas mixtes. Ce n'est pas plus mal pour la première nuit - que dis-je, semaine - surtout vu la réputation de la race de mon partenaire attitré. Pour autant, l'idée d'aller faire un tour dans la nuit dans la cabine voisine me tente bien autant qu'elle m'amuse. Pour l'heure, je découvre la cachette dans laquelle je vais devoir passer mes sept prochaines nuits. Je suis la seule qui n'ait personne dans le lit du dessous. Une chance. A croire qu'en plus de l'environnement aquatique, la Vieille Fée a décidé de se mettre de mon côté en m'épargnant une voisine de couchette désagréable. Sur un lit un peu plus loin, une petite brune semble un peu paumée. Je l'observe du coin de l'oeil en me demandant si je devrais engager la conversation ou continuer à faire ma sauvage.

Comme tout le monde, la petite brunette découvre les lieux. Elle regarde un peu partout, mais pas vraiment en « profondeur ». C'est plus marrant de partir à l'aventure et de découvrir les moindres recoins d'une pièce. Mais elle n'a pas la tête à ça, ici, tout de suite, maintenant. Tout ce qu'elle souhaitait, c'était se poser un peu. Le bateau, l'eau, tout ça, elle n'a pas l'habitude. Peut-être qu'en restant allongée un petit peu sans pour autant dormir, tout se passera mieux. Maisie est donc assise sur ce qui semble être son lit. Elle est plutôt contente, parce qu'elle a hérité de celui du bas. Plus elle est proche du sol, mieux c'est. Elle n'a pas pour autant super heureuse. Ou en tout cas, à l'aise. Ce qui la chiffonne en fait, c'est qu'elle n'a pas l'habitude de dormir avec son corps humain. Non, elle ne fait pas partie d'une « famille » qui se transforme souvent. Depuis qu'elle est née, elle n'a eu que très peu recourt à cet artifice. Elle a toujours vécu dans une communauté de centaure. Pas besoin d'emprunter cette image d'humaine qu'elle n'est pas. Ici, c'est différent. C'est le plus mauvais aspect du jeu. Ne pas pouvoir être soi-même, même si son corps de « soi-même » ne lui est pas totalement agréable. Ce n'est pas bien pratique ni esthétique d'avoir un corps de jument, tout de même. En société en général, mais encore moins en société sur un bateau. Elle ramène ses deux jambes sur son corps, pour venir pose son menton dessus. Elle porte encore sa robe de prime. Elle aime bien les robes, elle préfère. Elle se sent plus libre. Elle n'aime pas avoir ses membres inférieurs serrés dans quelque chose. Et puis finalement, Maisie relève sa tête. Elle voit une jeune femme un peu plus loin, sur un lit du dessus. Elle est belle. La brunette ne peut détacher son regard, mais elle finit par le faire tout de même. Elle ne sait pas si elle ferait bien de la déranger ou pas. Elle ne sait pas quoi lui dire non plus. Du coup, elle mordille sa lèvre. Et quand elle a l'impression que cette jeune femme la regarde, elle lui adresse un large sourire bienveillant. Pour lui montrer qu'elle ne lui veut pas de mal et qu'elle est sacrément gentille. Ce serait vraiment bête de passer pour une méchante alors qu'elle est à des années lumière de l'être.

L'inconnue en bas de la cabine me regarde aussi. Même si elle détourne le regard en un éclair, je l'ai vue, c'est trop tard. Du coup, je me demande ce qu'elle pense de moi. Quelle impression je lui fais. Sans doute la même qu'à tous les autres. Elle me regarde à nouveau. Puis elle sourit, cette fois. Mais elle ne dit rien. Sans doute une façon muette de me dire qu'elle n'est pas hostile à ma présence. Peut-être même qu'elle y trouve du réconfort. Cette première nuit s'annonce difficile, mais aussi révélatrice des prochains jours voire semaines à venir. J'espère faire partie de l'aventure très longtemps. Partir dès le premier prime n'est même pas envisageable à mes yeux. « Maisie. Lequel est ton lit ? » Je me rappelle de son prénom, oui, comme je me rappelle de celui de tous les autres. Non, je ne vais pas lui faire ce désespoir de lui demander pour la 6524ème fois son prénom comme tous les autres. Moi, je m'en rappelle. Et je sais que ça va l'étonner. Mais je pense qu'elle va apprécier. Si je m'en rappelle, c'est sans doute une façon à ses yeux d'exister pour moi. Même si ce n'est pas forcément le cas. J'ai seulement à remercier mon exceptionnelle mémoire visuelle pour ça. C'est tout. Aucun mérite de ma part. Les gènes ; merci maman, merci papa. « Personne en dessous de moi, ça me rassure je craignais d'écraser quelqu'un. » je plaisante doucement, un sourire sarcastique au coin des lèvres. Ce n'est pas avec mes vingt kilos toute trempée que je risque de faire s'effondrer mon lit. Alors pourquoi moi, pourquoi suis-je celle qui ne partagera son lit avec personne cette semaine ? Je l'ignore, et je m'en fous. Sans doute le résultat du hasard d'un dé lancé par la production. Je ne sais pas pourquoi je me pose la question, puisqu'au contraire, ça m'arrange.

Maisie ne fera pas le premier pas. Elle peut parler. Elle peut bien parler même, avec les gens, mais seulement quand elle est en confiance. Quand elle sent que la personne en face veut bien lui parler. Ce n'est pas pour autant qu'elle se montrera désagréable avec les autres. Non, elle sourit à cette belle jeune femme, parce qu'elle n'est pas méchante et qu'elle est juste un peu... Sauvage. Elle est assise sur un lit. Elle ne sait absolument pas si c'est le sien. Elle n'a pas vraiment vu d'étiquette avec son prénom. Elle s'en souciait que très peu, quand la jeune femme lui demande quel est son lit. Mieux, elle connaît son prénom, alors qu'elle, elle est incapable de dire le sien. « Oh euh. Je ne sais pas, en fait... Celui-ci normalement...» Qu'elle dit, en baissant un peu les yeux. Il n'y a pas de quoi avoir honte, mais pour elle, bah si en fait. Du coup, elle ment. Elle dit que c'est celui-ci. Pour une question de facilité, peut-être... Elle embraye sur le fait que personne n'est avec elle. Maisie secoue doucement sa tête. « Comment tu pourrais écraser quelqu'un... Mais, tu ne préférerais pas être dans le lit du dessous ? Je n'oserai pas dormir en haut... » Qu'elle dit, en levant ses yeux sur le lit du dessus. Elle se tait un peu. En fait, elle réfléchit. À ce qu'elle pourrait dire ensuite. Elle ne va pas rester ainsi, sans parler. Elle pince ses lèvres. Elle prend son courage à deux mains. « Tu t'appelles comment ? Au fait... » Qu'elle demande, un peu rouge au niveau de ses joues. Elle remet ses cheveux derrière ses oreilles, avant d'offrir un nouveau sourire à cette jeune femme. « Je peux te... Poser une question ? » Qu'elle lui demande, soudainement, avec une petite moue. Elle n'a surtout pas envie de la gêner, vraiment pas.

La jeune femme qui me fait face semble.. gênée, mal à l'aise, timide. J'ignore si c'est moi qui lui fait cet effet-là ou si elle est tout simplement comme ça avec tout le monde. Du peu que j'ai pu voir d'elle sur le prime, je pense plutôt opter pour la seconde possibilité. Ça me rassure un peu, je sais que certains me qualifient d'étrange et impressionnante, mais je ne pense pas au point de faire rougir quelqu'un sans presqu'avoir ouvert la bouche. Je hoche la tête lorsqu'elle me dit quel lit est le sien comme pour dire "d'accord". « C'était ironique. » je précise à son attention, puisqu'apparemment elle n'avait pas bien compris en quoi consistait ma petite blague. Evidemment que je ne peux écraser personne, vu mon gabarit. Mais il ne me semble d'ailleurs pas avoir vu de personnes beaucoup plus grosses que moi, dans le casting féminin. Ni masculin, d'ailleurs. A part chez les filles peut-être Breiv et ses seins qui doivent sans doute peser cinq kilos chacun. « Le lit du haut me convient très bien, je me sens plus à l'écart, ainsi. J'ai besoin de ma tranquilité pour dormir. » j'explique calmement. Quand vient la question fatidique. Celle qui m'agace le plus depuis le début de l'émission. « Saana, putain, Saana. » Le prénom, attribut de malheur qui devrait être tatoué sur la peau de chacun d'entre nous pour éviter d'avoir affaire à ce genre de situation. « Pardon, j'en ai juste marre de répéter tout le temps comment je m'appelle. » Je souris, pour montrer que je n'ai rien contre elle, simplement contre les règles de l'émission. Elle a une question pour moi, qu'elle dit. « Je t'écoute. » je réponds alors, le plus simplement du monde.

« Oh... » Elle se sent bête. Elle n'avait pas compris l'ironie de la jolie jeune femme. Pourtant elle n'est pas si bête pour passer à côté. C'est juste qu'elle est horriblement intimidé et qu'elle ne se sent franchement pas bien. Maintenant, elle est encore moins à l'aise, parce qu'elle sent qu'elle passe pour une nulle auprès d'une inconnue. Une nulle pas très intelligente qui plus est. Elle n'est pas grosse, évidemment. Elle l'est même moins qu'elle, alors qu'elle semble plus grande que Maisie. Et puis elle précise même que le lit du haut lui convient parfaitement puisqu'elle tient à sa tranquillité pour dormir. Elle dodeline de la tête. Elle comprend, même si pour elle, c'est un poil différent : « Ah. Et moi j'ai besoin d'être proche du sol, tout simplement... » Elle rit légèrement. Elle a trop peur de tomber en étant en haut. Elle ne sait pas vraiment si elle voulait vraiment le savoir, mais elle l'a dit quand même. Elle essaye de tenir une bonne conversation. Une conversation quoi. Et dans une conversation, il est cool de connaître le prénom de l'autre. Malheureusement, Maisie se trouve dans cette position qu'elle ne connaît pas celui de la jeune femme quand cette jeune femme connaît le sien. D'ailleurs sa agace la jeune femme à tel point qu'elle en répond un peu... Violemment, à Maisie. Maisie baisse sa tête, avec une petite moue désolée et contrit. Elle ne voulait pas la vexer ou l'énerver. C'est bien la dernière chose qu'elle voulait faire. « Non je... C'est moi qui suis désolée... » Qu'elle lâche, dans un souffle. « En plus tu as un très joli prénom... » Elle ne dit pas sa pour se rattraper. Non, elle dit ça parce que c'est vrai. Elle ne voit pas son interlocutrice sourire malgré tout. Non, parce qu'elle se trouve trop stupide. Du coup elle détourne un peu la conversation. Elle veut lui poser une question. « Je crois que tu es une sirène, alors... Et bien... Ton corps là, ce n'est pas totalement le tien... Je voulais savoir si... oh... » Elle cafouille un peu. Elle se sent bête. Mais elle se lance quand même, parce que c'est trop tard. « Comment tu fais pour... Pour l'accepter et comment tu fais pour... Pour accepter ta queue de poisson... » Elle lâche rapidement pour ne plus avoir à dire ça. « Oh c'est bête comme question... » Elle doit se demande pourquoi elle lui demande ça.

D'un revers de main je balaie la gêne de Maisie. C'est pas grave hein, qu'elle ait pas compris. On est pas obligés de tout comprendre du premier coup. Punaise. C'est pas grave, elle est mignonne la Maisie. Autant changer de sujet parce que j'ai l'impression qu'elle va se faire pipi dessus. « Centaure, c'est ça ? » Ce qui expliquerait pourquoi elle a besoin d'être proche du sol constamment. D'ailleurs, je note l'info dans un coin de ma tête : n'aime pas être dans les airs. C'est toujours bon à savoir. Je sais pas si c'est pareil pour l'eau. Mais je suppose que du coup c'est la même chose à ses yeux. Elle doit pas aimer. Je demande confirmation sur son espèce parce que c'est vrai qu'avec vingt-quatre candidats, voilà. Mais il ne me semble pas que les centaures soient très nombreux cette saison. D'ailleurs.. « T'es la seule non ? » Je défroisse d'une main le drap de mon lit, tout propre et prêt à être utilisé. Mais je n'ai pas sommeil. Pas encore. Personne ne dort, de toute façon. Presque personne. Certains se sont quand même assoupis, alors, je descends de ma couchette et vais m'asseoir devant la porte de la cabine. D'ici je peux entendre Maisie mais je suppose (j'espère ?) qu'elle va me rejoindre. « C'est gentil ce que tu dis. » A propos de mon prénom. On me fait souvent des compliments dessus ; moi je trouve qu'il n'a rien d'extraordinaire. En plus les gens oublient souvent de prononcer les deux a collés de la première syllabe. Ils savent pas lire, les gens, j'vous promets. « T'as pas à être désolée hein, arrête de t'excuser s'il te plait. Arrête. » J'ai pas envie qu'elle croit que je m'énerve après elle, j'ai juste envie de la secouer, cette fille, quand elle dit des trucs comme ça. J'écoute sa question avec une moue amusée. « Sirène, oui. Tu sais, même si j'adore l'océan et que j'y passe beaucoup de temps, j'aime aussi énormément le monde humain alors, j'y vais souvent. Je me suis fait aux deux. Ma queue de poisson, pourquoi je l'accepterais pas ? T'acceptes pas ta bouche ou ton nez, toi ? Ou ton corps de centaure ? » Just asking.