Un dragon. La vieille lui a vendu un dragon. Elle a dit que là-haut on peut discuter avec un dragon. Ou alors Nico a écouté la moitié de l’histoire ? Le tout est qu’en ce début d’aprèm il soupire. Il fait une chaleur pesante dans le dortoir, et même le courant d’air qu’il a essayé de créer par un stratégique jeu de vitres et portes ouvertes n’y fait rien. Nicola crève de chaud. Il s’étale encore une fois sur son lit, torse-nu, avant de se rendre compte que le contact avec le drap en soie le dérange. Il a chaud putain. Il doit être quoi, deux heures de l’après-midi ? Les autres roupillent ici et là. Lui, s’emmerde. Il a dormi comme un bébé pendant la nuit, et du coup son horloge biologique lui empêche de fermer l’œil. Parfois il a envie de la taper cette horloge. De la prendre et de la jeter contre un mur. Mais ce coup-ci il résiste. Il se lève – non sans efforts – et il file enfiler un tshirt et attraper ses lunettes de soleil. Il est prêt. A affronter ce fameux panorama. Cette fameuse légende. Et il est surtout prêt à aller bronzer un coup là-haut. Quitte à se rôtir les fesses, autant le faire tout en prenant un peu de couleurs. Nico fonce, il monte, il monte. Il sait pas vraiment ou il va. Mains dans les poches de son short, lunettes sombres sur le nez. C’est marrant, il rencontre personne. Y’a un truc louche là. Peut-être qu’il a raté un entraînement de dernière minute. Le garçon s’arrête un instant entre deux marches. Il hésite, se frotte le menton, fronce les sourcils. Non. Pas possible. Son agenda mental le lui aurait rappelé. Il continue de filer. Et le voilà le toit. La voilà cette fameuse porte. Nico s’apprête à tomber sur mille merveilles. Sur un bon transat. Mais quand il arrive comme par magie sur le toit, rayonnant, limite les bras ouverts en mode « the king is here », un soubresaut le prend. Non. Son transat. Quelqu’un s’installe. Cordelia. « Tututu, halte là » qu’il s’approche, index levé. Il essaie de paraître le plus crédible possible, mais il peut pas s’empêcher de laisser filtrer un sourire. « Non non mademoiselle, ce transat’ je l’avais réservé mentalement. » Il hausse un sourcil, pour faire le mec sérieux et tout, en bombant un peu le torse. « Je crois que j’ai entendu quelqu’un t’appeler en bas », finit-il par ajouter, à moitié en souriant. Et ni une ni deux il lui montre le chemin de la porte d’un geste théâtral.

Mardi, je suis avachie sur mon lit, au bout du rouleau, l’ennui est en train de me tuer. Tel un tueur en série qui aurait fait de moi sa cible number one, il me pourchasse jours et nuits, matins et soirs dans tous recoins du château, quoi que je fasse. J’ai perdu la joie de vivre la contrariété me ronge, ma beauté se fane et le temps se fait long. J’ai des poches sous les yeux, je ne dors plus de peur qu’Ange, Yasmine ou Kimyokis essayent de m’étouffer durant la nuit. Il faut que je réagisse, moi qui suis d’habitude si combative, je me laisse maintenant abattre par les choix hasardeux de la production. Je suis la star de cette émission, ils devraient tout faire pour me mettre en avant pas me foutre des bâtons dans les roues en me faisant partager un dortoir avec des individus infréquentables. Bref je décide pour tuer les heures, les minutes et les secondes, de tenter un nouveau vernis couleur émeraude, mes ongles ont désespérément besoin d’une bonne manucure mais allez trouver une esthéticienne potable dans le coin… Il est maintenant quatorze heures l'heure propice pour peaufiner mon bronzage sur le toit du château, on raconte que la vue y est imprenable. Bref je sors mon plus beau maillot, mes lunettes de soleil et mon chapeau parasol et direction les escaliers, je demande sur le chemin à un charmant candidat dont je ne connais pas le prénom de me servir une coupe de champagne avant d’attaquer les marches. Je monte je monte, je suis épuisée, essoufflée telle une obèse qui pratique un marathon, mes talons sont en train de tuer mes pieds mais je continue à avancer. Une fois arrivée tout en haut j’enfonce la porte me jetant aux pieds du transat comme si j’avais vu la vierge. « Ils devraient investir dans un ascenseur » Ouais je parle toute seule ça m’arrive souvent. Je m’installe tranquille, me badigeonnant d’huile de monoï histoire de bien griller au soleil quand quelqu’un vint troubler le calme qui régnait jusqu’à présent sur le toit. « Non non mademoiselle, ce transat’ je l’avais réservé mentalement. » C’était le petit Nicola qui avait apparemment prévu de venir bronzer lui aussi. « C’est dommage tu sais, si tu étais arrivé deux minutes avant tu aurais eu le transat rien que pour toi » dis-je. Il essaye ensuite de prendre un air sérieux. « Je crois que j’ai entendu quelqu’un t’appeler en bas » dit-il en me montrant la porte. Je suis surement blonde mais pendant une fraction de seconde j’ai réellement j'y ai vraiment cru... Avant de détecter la ruse. « C’est que tu en deviendrais presque crédible mon chou ! Pas moyen que je lève mes belles fesses de ce transat, mais comme tu as l’air gentil je veux bien te faire une petite place, tu peux venir sur mes genoux si tu veux, sinon tu peux redescendre à la terrasse en chercher un bonne chance dans les marches. »

C’est un peu injuste tout ça. Le transat est là, il en a rêvé pendant toute son ascension, mais il est occupé par les jolies fesses de Cordelia. Nico ronchonne un peu. Non, c’est vraiment pas juste. Pourquoi ils ont pas pensé à mettre plusieurs transat ? Sans blague ouais, c’est un peu le meilleur endroit du château, ils doivent faire quoi, s’allonger par terre comme des gueux ? Et quand la jeune femme semble marcher à sa petite entourloupe Nicola sent un sourire se dessiner sur le visage. Il est déjà prêt à bondir sur le transat. Ses yeux brillent sous ses lunettes. Objectif atteint. Hein quoi ? Non ? Ah bordel la fourbe. Nico fronce un peu des sourcils. Ses doigts se mettent à tapoter le dos du transat tandis qu’il sent le sourire satisfait de Cordelia. Bon. Ca va qu’il fait beau, il ne va pas se battre. Le garçon soupire un instant, un peu l’air exaspéré. Il finit par attraper le chapeau de la miss et s’amuse un peu à le faire tournoyer sur son doigt, comme un frisbee. Pas sûr qu’elle apprécie. « Tu te souviendras de ma galanterie j'espère. Bon, par contre t’as intérêt à me prêter un peu de ton huile machin chose là, j’suis venu les mains dans les poches moi. » Non, en vrai il sait très bien que ça s’appelle monoï – il a une sœur, quoi. Mais voilà il a un peu peur que ça fasse grave gay. Le mec qui vient faire bronzette et connaît le nom de tous les produits de beauté, allo. Il est tenté un instant d’essayer le chapeau. Juste pour voir si ça rentre sur sa tête, et puis parce qu’il les a toujours trouvés marrants ces trucs là. Mais peut-être que c’est un accessoire vachement cher et tout, il a pas vraiment envie d’énerver Cordelia. Alors il le lui repose sur la tête et puis se dirige vers le bout du transat. « Allez, hop hop », d’une main il tapote les jambes allongées de la jeune femme pour qu’elle les replie. « On va se le partager ». Et ni une ni deux il s’assoit et s’appuie dos contre ses jambes. Oui, il s’impose peut-être un peu. Mais allez, il n’est pas vraiment méchant, et il est certain que Cordelia appréciera sa compagnie. « Bon, dans une demi-heure on change de place ? » Il tourne la tête, un sourire radieux accroché aux lèvres. Irrésistible ce petit. Il voulait dire 20 minutes à la base, mais il s’est ravisé en pensant que ça risquait vraiment pas de marcher. C’est difficile maintenant que le mode Nico bavard s’est déclenché il a un peu envie de parler toutes les deux secondes. Surtout que voilà, Cordelia le fait bien marrer. Depuis le début il ne lui a pas vraiment parlé, mais il n’a pas raté une de ses petites remarques. Et si parfois il ne cautionne pas, il ne peut quand même pas nier que cette meuf est unique dans son genre. « Alors c’était quoi ton programme ? Magazines people et champagne sous le soleil ? Fais gaffe hein, soleil et alcool ça monte vite à la tête. » Ouais, ça serait marrant de voir Cordelia redescendre du panorama complètement out. Nico rigole un peu et puis il tend le bras en arrière pour essayer d’attraper la bouteille de monoï.

Nico s’approche sournoisement du transat, je reconnais son comportement vous savez j’ai exactement le même lorsque je cherche à obtenir quelque chose… A part que, contrairement à lui je sais parfois me montrer très persuasive, si vous voyez ce que je veux dire… En plus de mon physique avantageux mon pouvoir ne me refuse rien. Bref je regarde l’horizon sans vraiment prêter attention à la présence du jeune homme lorsqu’il me vole mon chapeau parasol pour le faire tournoyer sur son doigt comme un frisbee. J’sais pas ce qu’ils ont tous avec mes chapeaux dans ce château, à croire qu’ils n’en ont jamais eu de leurs vies. Je lève les yeux au ciel, l’air exaspéré, je me recoiffe. « Tu te souviendras de ma galanterie j'espère. Bon, par contre t’as intérêt à me prêter un peu de ton huile machin chose là, j’suis venu les mains dans les poches moi. » Je me retourne vers lui et abaisse mes lunettes pour le regarder de haut en bas. « Tu veux essayer mon chapeau peut-être ? Tu serais surement très belle avec mon chou » Il me le repose alors sur la tête. « C’est de l’huile de monoï avec ça tu peux être sur de bruler au soleil. Tu as pris une bonne initiative en venant ici, tu en as besoin t’es aussi blanc que les vampires qui partagent mon dortoir… Tu as déjà pensé aux UV ? T'es quand même très musclé, tu fais du sport non ? » Le garçon s’approche de moi et me tapote les jambes. Je les replie. Il s’installe alors sur le transat, appuyant son dos contre mes jambes, ce n’est pas vraiment la position idéale, surtout qu’il cache tout le soleil. D’un côté je suis quand même assez vexé, s’il avait été intéressé par moi il aurait tout fait pour que ce soit moi qui vienne me poser sur lui. Peut-être qu’il est gay, après tout la moitié du château l’est… C’est impossible que je ne lui fasse pas de l’effet, je fais même de l’effet à Bo qui est aussi gay qu’un gay pourrait l’être. « Bon, dans une demi-heure on change de place ? » Une demi-heure…C’est long, je ne sais pas si je vais supporter son poids sur mes jambes pendant une demi-heure. « Alors c’était quoi ton programme ? Magazines people et champagne sous le soleil ? Fais gaffe hein, soleil et alcool ça monte vite à la tête. » Me dit-il. Faut vraiment que j’arrête de boire moi les gens vont commencer à croire que je suis alcoolique. « Ouais bon c’est qu’une coupe de champagne… Non je comptais lire un magazine de mode, t’es intéressé ? » Le garçon tend le bras en arrière pour récupérer la bouteille de monoï. Je me lève brusquement. Nico part à la renverse et s’étale comme une loque sur le transat. « Je suis gentille, je vais te laisser la place » Je reprends la position que le garçon avait laissé en lui tendant le monoi. « Comme ça tu va pouvoir m’en étaler sur les épaules. » J’ajoute ensuite. « C’est dommage que tu sois arrivé si tôt si tu avais attendu une heure de plus pour venir peut-être que tu m’aurais trouvé en train de faire un bronzage intégral. Sinon parle moi de toi, je veux tout savoir qui tu es d’où tu viens etc. »

Ouais, bon. Elle se la joue peut-être un peu trop cette petite. Mais il est pas vraiment difficile, Nico. Surtout quand il est de bonne humeur – c'est-à-dire quand il y a du soleil –, ça devient difficile de casser sa petite bulle. Alors si la plupart des gars ont pas arrêté de dire que Cordelia et les deux autres là, Maia et Fauve, se la jouaient carrément bitchy, Nico il préfère en rigoler. C’est un jeu bande de losers, faut bien s’amuser un peu. Et puis voilà quoi, faut bien l’dire, il a décidé de prendre sur lui et d’être le plus sociable possible au sein du château, meufs ou pas. Et il aime pas casser les défis qu’il se lance. Alors quand elle le traite de vampire, Nico prend un faux air outré. Il fait genre il se regarde un peu comme ça, les bras, les jambes. Il soulève même son tshirt pour rajouter une couche à son jeu d’acteur. « Quoi ? Des UV ? Ah non non moi je préfère tout ce qui est naturel tu vois. J’préfère me rôtir au soleil en faisant du sport par exemple. » Sourire toutes dents. « Bon après j’avoue que j’aimerais bien avoir ton teint. C’est les UV ? Ca marche si bien ? Joli résultat en tout cas. » Et il hoche la tête de haut en bas, comme pour dire oui oui, vraiment pas mal du tout. Il fait un petit clin d’œil, l’air de rien, il est lancé. Il finit par enlever son tshirt et le poser sur l’accoudoir du transat. « Natation, course, muscu. J’y travaille. » Il tapote son biceps et puis il rigole avant de reposer son regard sur Cordelia. « Toi je sens que t’es une pro de la cardio. Parce qu’avec un physique comme celui-là, soit tu n’manges rien, soit t’es une abonnée du tapis de course. » Et il finit par s’installer. Bon, c’est sans doute un peu pour embêter Cordelia qu’il s’est assis comme ça. Parce que oui, elle joue un peu la star allumeuse, et lui il aime bien emmerder ce genre de filles. Comme il emmerderait sa sœur à la plage. Sauf que ça finit vite par lui retomber dessus, parce qu’à peine il allonge le bras pour récupérer le monoï, il se retrouve étalé le long du transat. Pris de surprise, il lâche une petite exclamation. « Eh ! » La fourbe. Enfin, il a bien envie de s’allonger de tout son long là, pendant qu’il y est. Mais Cordelia le devance. C’est qu’elle est pas si terrible au final, cette fille. Nico s’appuie contre le dossier et il laisse le temps à la demoiselle de s’installer. « La mode, non ça ira. J’suis pas vraiment dans le délire Vogue. » Putain il est fier là, de s’rappeler du nom de ce magazine légendaire dont lui a si souvent parlé sa sœur. Alors là, selftchek Nico. Il regarde un instant le monoï posé à côté d’eux et après une grimace il finit par l’attraper. « C’est bien parce que je suis gentil. » Il se redresse, lutte un peu avec le bouchon, puis finit par en laisser couler sur les épaules de Cordelia. Et le voilà qui se met patiemment à l’étaler. Doucement, assez concentré. « Dommage pour le bronzage intégral. J’essaierai de venir au bon moment la prochaine fois alors. » Il sourit un peu. C’est que c’est pas si désagréable à étaler ce truc. Et ça sent même plutôt bon. « Parler de moi ? Je suis pas vraiment sûr que ça intéresse une fille comme toi. J’fréquente pas vraiment les milieux branchés et mondains tu vois. J’suis quelqu’un d’assez simple. » C’est pas vraiment une critique, surtout une constatation, lancée à moitié à la rigolade. Il finit par tapoter les épaules de Cordelia, son travail fini. Mais il peut pas s’empêcher d’approcher son visage du sien, et de lui foutre une trace de l’huile là, en plein sur la joue. Comme ces espèces de traces de guerriers, ou d’indien, un peu des deux sans doute. « J’aime bien embêter les gens », qu’il finit simplement par murmurer en souriant, avant de se reposer contre le dossier du transat. « Et toi ? » Et l’voilà qui croise les bras derrière sa tête, un peu comme un pacha heureux sur son meilleur fauteuil.

« Toi je sens que t’es une pro de la cardio. Parce qu’avec un physique comme celui-là, soit tu n’manges rien, soit t’es une abonnée du tapis de course. » Ouais c’est exactement ça… Mon régime consiste à ne rien manger jusqu’à ce que je sois au bord du malaise, puis quand je me sens partir je mange une carotte… Certaines personnes me disent que c’est très mauvais pour la santé mais le fait est que… Ca marche. Aucune fille ici ne peut prétendre avoir une aussi belle silhouette que la mienne, si ce n’est Fauve mais elle est aussi plate qu’une planche à repasser. Nicola est très souriant, il respire la joie de vivre, c’est exactement ce qui me faut pour me changer les idées. « La mode, non ça ira. J’suis pas vraiment dans le délire Vogue. » J’hausse les épaules. « Vous les garçons vous ne comprenez rien à rien. Fin, tu connais Vogue c’est déjà ça… » Bon ben Nicola n’a pas l’air si gay que ça en fin de compte. Il prend alors la bouteille de monoï et m’en applique délicatement sur les épaules. Je frisonne un peu, le contact de ses mains sur ma peau est quand même agréable. « Roh tu me fais passer pour une fille vachement superficielle là, d’accord je fréquente les événements mondains, j’ai des vêtements de marque j’aime tout ce qui est chic & glamour mais ça ne change pas le fait que je suis comme tout le monde… » Je m’arrête. «Si tu répètes ça à quelqu’un je t’achève, j’ai une réputation à maintenir. » C’est vrai dans le fond je ne suis pas aussi égocentrique que ça. « Bref je t’assure ça m’intéresse en plus j’entends souvent parler de toi ici donc ce serait bien que je puisse te parler pour démêler le vrai du faux. » Dis-je en rigolant. Bon c’est surtout Fauve qui me parle de lui mais j’entends souvent des commérages à son sujet. Puis j’ai le sens de l’exagération. Il s’approche alors et trouve rien d'autre à foutre que de mettre du monoi sur mon beau & doux visage. « J’aime bien embêter les gens » Dit-il. « Non sans blagues ? Je n’avais pas remarqué ! » Je lève les yeux au ciel avant d’essuyer l’huile de mon visage. « Ben écoute je suis une jeune femme, classe intelligente et sophistiquée qui aime vivre dans l’opulence. Je suis animatrice d’un téléachat, sur une petite chaine, peut-être que tu m’as déjà vu à la télé d’ailleurs. Bref tout le monde pense que je suis la sale garce du château, mais je t’assure qu’en réalité j’suis vraiment une fille gentille qui à le sens des valeurs… » Je ramasse le magazine sur le sol et le pose sur mes jambes pour commencer à le feuilleter. « C’est quoi ton pouvoir au fait ? T’es humain il me semble non ? Puis tu devrais convaincre ton binôme de se couper la barbe là ça va franchement plus »