« Y a que comme ça qu’on peut rêver de caresses au réveil

 Et de regards qui veulent dire : 'T’inquiètes plus, t’inquiètes plus'

De coups de poings dans le cœur

 De 40e qui rugissent dans nos poumons à faire sauter les côtes

 De torrents dans nos veines »

Le doute régnait en maître dans l’esprit de la sorcière ce soir-là. Après s’être attaquée au problème des nominations et avoir encaissé le fait que Vixy l’ait privée d’entraînements, il lui fallait faire face à un problème d’autant plus personnel. Problème ? Ce n’était pas uniquement cela. Elle pouvait déposer les mots de désir, fougue mais également le mot compliqué sur la face du beau mâle du château, j’ai nommé Adonis. Elle se demandait si elle avait bien fait de choisir le loup, lors de l’après-midi des dilemmes, pour passer une nuit dans la salle privée. Il fallait dire qu’il n’était pas dans ces habitudes de revoir un des gars avec qui elle avait baisé. Elle se contentait généralement de ça, et uniquement de cela. Pourquoi ainsi avoir préféré passer une nouvelle nuit avec Adonis de qui elle avait déjà obtenu ce qu’elle désirait plutôt que de choisir un Tyger chaud comme la braise ? Eukleia n’en avait aucune idée. Elle ne se reconnaissait pas dans cette démarche et pourtant, au cours de l’après-midi des dilemmes, avant d’énoncer son choix, elle avait repensé à l’expression qui déformait le visage du loup quand il avait surpris la sorcière aux prises avec le tigre du château. Elle ne saurait déposer des mots pour décrire cette expression, mais il fallait dire qu’elle lui avait retourné l’estomac. Même si elle ne se refusait à se l’avouer. Elle s’était donc sentie quelque peu obligée de choisir Adonis quand la production lui avait fait cette suggestion des plus sadiques. Elle avait cru déceller de la jalousie dans le regard du loup ; ce qui était on ne peut plus étrange qu’elle avait ouïe dire que le lendemain même de leur petite partie de jambe en l’air c’était les cuisses de Fauve qu’Adonis écartait avec délectation. Ainsi, un petit agacement se formait dans l’esprit de la sorcière. Non pas que le fait que le loup ait couché avec Fauve la dérange, mais elle trouvait fort désagréable le fait qu’Adonis puisse penser pouvoir sauter n’importe qui et ensuite lui jeter des regards on ne peut plus étranges quand il la surprenait en plein ébat. Le loup devait être empreints de quelques idées misogynes qu’Eukleia détestait. Elle n’était pas sa chose, elle n’était pas en sa possession et devrait se revendiquer libre d’écarter – elle aussi – les cuisses de qui que ce soit. Elle soupira. Cette soirée servirait peut être de remise au point. Elle sentait qu’ils avaient des choses à se dire… mais n’était pas sûre que cela lui plaise réellement. Eukleia détestait en vérité s’épancher sur ses propres sentiments. Elle ne voulait exposer ses ressentis. Alors… Pourquoi avoir choisir Adonis ? Pourquoi d’ailleurs se rendre dans cette salle privée ? Elle pourrait faire demi-tour, là, maintenant. Repartir. Et lui montrer qui décidait dans ce château. Lui montrer qu’elle aussi pouvait faire ce qu’elle voulait. Pourtant, elle ne repartit pas en arrière. Elle continua à avancer, décidée à découvrir ce que lui réservait cette soirée. Elle avait besoin de piment. Oui, un peu de feu dans sa vie, et les étincelles qui vont avec. Loin d’être une fleur bleue, Eukleia était avide de nouvelles aventures. Elle était avide de nouveaux sentiments. La salle privée était ouverte. Elle s’y engouffra.

La salle était vide quand il entra. Elle regarda alentour, pas de trace d’Adonis. Elle avait encore le temps de prendre ses jambes à son cou et de s’en aller, vite fait bien fait. Elle commençait à se retourner pour partir vers la sortie quand elle tomba nez à nez avec le beau mâle. Explosion de pensées. Elle comprenait pourquoi elle avait tant voulu passer cette nuit avec lui. Le souffle court, elle s’éloigna un peu de lui, le laissant prendre place dans la salle privée. La tension était palpable. Il fallait dire qu’une certaine atmosphère de gêne commençait à engloutir la pièce. Eukleia sentait bien que ni elle ni Adonis ne savaient comment se comporter l’un envers l’autre. Elle passa sa main dans ses cheveux, comme pour se donner une contenance. Elle le regarda s’assoir et énoncer sa propre inquiétude. C’était une sorte de moyen de briser la glace, d’exposer la réalité : celle de l’appréhension. La sorcière avait presque l’impression d’être une gamine de collège qui se retrouve seule avec un garçon pour la première fois. Et cela lui déplaisait fortement. Elle se sentait presque ridicule de se sentir aussi gênée en la présence d’Adonis. Après tout, ils avaient seulement couché ensemble non ? Le problème était en fait le contexte. Ils se trouvaient tous les deux, seuls, dans une salle privée. Le temps d’une nuit entière. Le programme était presque tracé, et Eukleia trouvait cela particulièrement dérangeant. Tout d’abord, elle aimait être surprise… et surtout, elle détestait prévoir une quelconque partie de jambes en l’air de cette manière. Elle vint s’asseoir juste à côté de lui. « Oui, appréhension est le mot. » dit-elle, avec une petite voix. Puis, elle le regarda avec un sourire. « Il serait pourtant cool qu’on arrive à le mettre de côté, histoire de… s’amuser » en revanche, là, le mot n’était pas forcément bien choisi. Elle passa à nouveau sa main dans ses cheveux. « Je propose de profiter jusqu’à la fin de cette aventure qui va bientôt se terminer… » Ils avaient déjà frôlé l’élimination d’ailleurs la veille. Eukleia se rapprocha un peu plus d’Adonis, dérangée par la longueur importante qui les séparaient. Ses paroles avaient peut-être été quelques peu… ridicules. Cela faisait bien longtemps qu’elle ne s’était pas tant inquiétée concernant les paroles qu’elle pouvait prononcées, ou même par rapport à son propre comportement envers un garçon. Que lui arrivait-il ? Elle détestait cela. Elle sentait une pointe d’agacement poindre. Il n'y avait pas de l'alcool par ici ? Flute, zut.